Les constatations et les situations anxiogènes ne manquent pas dans la vie. Elles débutent dans nos propres familles et elles s'étendent à tout notre environnement. S'ajoute à elles la culpabilité de se sentir, malgré tout, privilégiés par rapport à tant d'autres encore plus mal lotis. Pour déjà sauver sa peau, il n'y a guère que la parole. Encore faut-il être capable de dire. Or, souvent, c'est quand on peut encore parler que l'on se tait. Et c'est lorsque l'on s'est trop tu, qu'apparaît l'urgence de dire.
Dans Les Barbelés, de vrais fils barbelés envahissent le corps jusqu'à la bouche de la narratrice, dans un monologue d'une grande virtuosité. Comment faire pour parler encore, et quels mots choisir de dire dans cette situation paradoxale? Seule dans sa cuisine à éplucher des pamplemousses sanglants, Marie-Ève Milot exprime frénétiquement cette urgence de dire avant qu'il ne soit trop tard (pour elle ou pour le monde?).
Le texte, écrit par Annick Lefebvre, passe tout son environnement en revue, de l'enfance de l'héroïne au milieu de parents qui se disputent et qui ne la traitent pas toujours très bien. Il parle de l'intimité de son âge adulte avec les métamorphoses de son corps portant un enfant, en passant par la situation mondiale et tous les faits politiques que nous déversent quotidiennement le journal télévisé.
Le texte est très fluide, avec certaines perles d'écriture.
Le texte est très fluide, avec certaines perles d'écriture. Toutefois, il aurait gagné selon moi à demeurer dans la fiction et la vie personnelle de l'héroïne. À trop entendre les mêmes remarques sur des poncifs comme le racisme, les injustices, la crise des migrants ou Donald Trump, elles risquent de perdre une grande part de leur force.
Suggéré par Wajdi Mouawad à Annick Lefebvre, quand elle l'assistait pour le montage de sa pièce Incendie, le spectacle, s'il est totalement dénué d'humour, n'en est pas moins réussi pour autant. Le décor est très beau, avec cette cuisine déchirée comme l'est la narratrice, et la mise en scène est excellente avec ces fruits sanguinolents et un final on ne peut plus saisissant.
Ce qui est encore plus à saluer, c'est la performance de l'actrice: un sans-faute autant dans la diction, le débit et la manière émouvante de dire le texte que dans son jeu corporel.
Texte Annick Lefebvre, mise en scène Alexia Bürger
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