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«Le timide à la cour»: un classique joliment revisité

Tirso de Molina est sans doute encore jeune lorsqu'il compose cette première pièce du très long répertoire qui va suivre. Dans l'Espagne baroque d'alors, le dramaturge possédait déjà un incroyable sens de l'action, des coups de théâtre et des retournements. Et l'on constate que les préoccupations du jeune auteur ne sont pas si éloignées de celle des jeunes gens et des jeunes filles d'aujourd'hui..
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Mireno n'est qu'un jeune berger, dont le destin rural semble déjà tracé. Il ressent toutefois en lui le besoin impérieux de quitter la maison paternelle pour aller vers la grande ville. Moins convaincu que lui de la nécessité d'une si périlleuse aventure, son ami Tarso (le serviteur de son père) accepte quand même de l'accompagner. Et les aventures ne se font pas attendre, loin de là. Un homme et son laquais poursuivis par le Duc de la ville persuadent les deux jeunes naïfs d'accepter d'échanger leurs vêtements. Et voici notre héros et son comparse, débarrassés de leurs habits de bergers, mais arrêtés et emmenés au palais pour y être jugés...

Homme d'Église entré dans les Ordres à 16 ans, Tirso de Molina est sans doute encore jeune lorsqu'il compose cette première pièce du très long répertoire qui va suivre. Dans l'Espagne baroque d'alors, le dramaturge possédait déjà un incroyable sens de l'action, des coups de théâtre et des retournements. Pas un temps mort dans cette pièce où les scènes se succèdent à un rythme effréné. Et l'on constate que les préoccupations du jeune auteur ne sont pas si éloignées de celle des jeunes gens et des jeunes filles d'aujourd'hui - ce que le public du théâtre Denise-Pelletier a bien noté en manifestant son enthousiasme à la fin du spectacle. D'autant qu'il met en scène tout un éventail de comportements qui concernent aussi les femmes, leurs inclinaisons, leurs revendications ou les abus qu'elles peuvent subir. Et c'est à se demander d'où Tirso de Molina, un religieux d'il y a 400 ans, tire donc tout ce talent ? Il n'aurait utilisé rien de moins que les confessions qu'il recueillait dans le secret de son ministère...

Et pour ne rien gâcher aux propos de l'auteur, la mise en scène d'Alexandre Fecteau dresse un pont magistral entre ce début de 17e siècle et notre début de 21e où certaines conceptions de l'amour et de la morale ont forcément évolué. Dans un jeu très libre, enjoué et rafraichissant de toute la troupe du Théâtre de la Banquette arrière, composée de dix acteurs talentueux, la mise en scène s'autorise de multiples apartés qui - en s'adressant directement au public dans la salle - commentent avec humour et pertinence certains détails un peu vieillis. Les costumes des acteurs sont eux-mêmes un beau mixte des deux siècles. Et les décors qui se font et se défont comme un immense jeu de construction ajoutent au pouvoir de suggestion des scènes et au côté contemporain du jeu.

Mais le plus délicieux du spectacle vient peut-être de l'aisance des dix acteurs et principalement de son héros, le timide Mireno. Renaud Lacelle-Bourdon l'interprète avec brio. Maîtrisant parfaitement non seulement ses propos, mais aussi son corps et quelques discrètes acrobaties pour jouer ce naïf, il réalise une performance magnifique, pleine de délicatesse, et dans laquelle sans aucun doute, le jeune public de la salle a pu se reconnaître et bien s'identifier.

Le Timide à la cour, du 28 septembre au 22 octobre 2016, au Théâtre Denise-Pelletier à Montréal.

Ce billet a aussi été publié sur info-culture.biz

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