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«Le bizarre incident du chien pendant la nuit» au théâtre Duceppe

La pièce débute sur la découverte du meurtre de Wellington, le chien de madame Shears, une femme qui vit dans le même quartier que Christopher et son père.
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J'ai du mal à imaginer qu'on aurait pu choisir plus fin acteur que Sébastien René pour tenir le rôle du jeune Christopher Boone dans Le bizarre incident du chien pendant la nuit, et meilleure mise en scène que celle de Hugo Bélanger pour servir la très belle pièce de Simon Stephens tirée du roman de Mark Haddon. Grâce à une brillante scénographie, tout un jeu de modules en plein et en creux qui servent de décors occasionnels, des projections vidéo très originales et une équipe d'acteurs excellents qui se démultiplient en une foule de personnages, on obtient une œuvre de plus de deux heures (avec entracte) qui tient le spectateur dans un état d'attention extrême du début à la fin et qui lui donne en plus matière à réfléchir en sortant de la salle; un spectacle tout à la fois, drôle et poétique, et surtout très intelligent.

Christopher Boone est un adolescent surdoué intellectuellement, particulièrement fort en mathématiques, passionné d'astronomie et expert en la matière, observateur génial du sens des mots, de la logique du langage et de manière générale du monde physique qui l'entoure, dans lequel il inclut ses congénères qu'il observe un peu comme des objets. Mais par ailleurs, il est un grand handicapé du côté des émotions et ne sait pas les exprimer adéquatement. En fait, le monde des émotions lui est totalement étranger, non pas qu'il ne les ressente pas, loin de là, mais il n'est pas en mesure des les comprendre, des les appréhender, de les surmonter et surtout d'accepter qu'elles viennent parfois, souvent même, interférer avec le raisonnement logique dont il est un expert. S'il dit toujours la vérité et ne sait pas mentir, ce n'est pas par sens moral, mais parce que devant les options infinies du mensonge, il craint d'être pris de vertige. Et comme ses parents lui ont bien recommandé de ne pas mentir, il ne doute nullement – une attitude que nous, les « normaux », nous traduirions comme de la naïveté - que ceux-ci ne mentent pas non plus et sont entièrement dignes de confiance.

La pièce débute sur la découverte du meurtre de Wellington, le chien de madame Shears, une femme qui vit dans le même quartier que Christopher et son père. Le chien est découvert empalé par une fourche de jardin, et Christopher décide d'enquêter pour découvrir le meurtrier. Pour lui qui ne vit qu'entre sa maison et son école, qui refuse tout contact physique et qui ne parle qu'à des personnes qu'il connaît très bien, jamais à des étrangers, l'enquête qu'il envisage constitue déjà un véritable défi. Mais ce qu'il ignore encore, c'est que dans cette aventure qui le fera voyager bien loin pour lui, ses découvertes iront nettement au-delà de la résolution de l'énigme du meurtre et lui révèleront un monde dont il n'avait absolument aucune idée jusque-là.

Le plus intéressant dans la pièce, en plus de l'intrigue qui tient constamment le spectateur en haleine, des dialogues vraiment très riches, des personnages attachants et de la découverte des rapports du garçon avec le monde qui l'entoure, c'est tout l'aspect poétique qui se dégage de ses pensées totalement infaillibles du côté de la logique. Au-delà des mots qu'il prononce, la scénographie permet de pénétrer toute la justesse de ses raisonnements et les inconvénients qu'il y a à n'en rester qu'à eux. Pendant toute la durée de la pièce, le spectateur est amené à penser exactement comme l'adolescent, à observer tout ce qu'il observe quotidiennement, à faire les mêmes découvertes que Christopher et à les comprendre avec son sens rigoureux et systématique qui voudrait que le monde soit totalement compréhensible par le seul raisonnement.

Le bizarre incident du chien pendant la nuit du 11 avril au 19 mai 2018 au théâtre Jean-Duceppe à Montréal

Texte Simon Stephens d'après le roman de Mark Haddon

Mise en scène Hugo Bélanger

Traduction Maryse Warda

Avec Stéphane Breton, Normand D'Amour, Catherine Dajczman, Lyndz Dantiste, Milva Ménard, Catherine Proulx-Lemay, Adèle Reinhardt, Sébastien René, Philippe Robert, Cynthia Wu-Maheux

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