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«L’homme de Hus» ou la lutte entre l’humain et le monde physique

Dans cette lutte inégale entre l'humain et la matière, c'est bien sûr la matière qui triomphe.
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Il n'y a pas d'histoire dans cette pièce, mais beaucoup à comprendre du rapport de l'humanité avec les choses, avec toutes les forces et les objets physiques qui nous résistent quotidiennement.
Olivier Chambrial
Il n'y a pas d'histoire dans cette pièce, mais beaucoup à comprendre du rapport de l'humanité avec les choses, avec toutes les forces et les objets physiques qui nous résistent quotidiennement.

Les lecteurs de Tintin et de L'Affaire Tournesol se souviennent certainement de ce passage où le capitaine Haddock entre dans une lutte acharnée avec un petit morceau de sparadrap dont il n'arrive jamais à se défaire. Le gag s'étend sur quelques images et rappelle au lecteur les déboires que chacun éprouve parfois avec le monde de la matière... Dans L'homme de Hus, présenté au Théâtre La Chapelle en collaboration avec La Tohu, l'extraordinaire artiste qu'est Camille Boitel éprouve les mêmes genres de déboires, mais avec les lourds tréteaux d'une table impossible à installer... et ceci n'est que le commencement d'un spectacle entièrement désopilant.

Les tréteaux, c'est typiquement ce qu'utilisent les artistes de foire ou de cirque. Mais voilà... Camille Boitel, cet homme clown et acrobate d'un nouveau style ne s'en sort pas avec ces objets encombrants, ni même avec le plateau qui doit les recouvrir ou la chaise sur laquelle il voudrait simplement s'asseoir. Et il se trouve qu'il est entouré non pas de deux tréteaux, ce qui suffirait pour dresser sa table, mais de dizaines et de dizaines de tréteaux qui prolifèrent, car sous l'effet de L'Homme de Hus, les tréteaux se multiplient dans un désordre lui aussi exponentiel.

Dans cette lutte inégale entre l'humain et la matière, c'est bien sûr la matière qui triomphe et Camille Boitel est à la fois drôle et touchant dans ses efforts vains pour dompter le monde absurde qui l'environne.

Un peu découragé parfois, mais retournant quand même vaillamment à sa tâche, il se débat avec la force de gravité et la forme paradoxale de ces objets capables à la fois de s'emboiter avec ordre pour former de hautes pyramides, mais aussi de se transformer en quasi machines de guerre ou d'envahir l'espace au sol ou, pire encore, de s'accumuler dans des enchevêtrements inextricables au sein desquels il reste lui-même coincé.

À la manière de Buster Keaton, Camille Boitel ne rit jamais, aucune émotion ne semble transparaître sur son visage quoiqu'il apparaisse triste, découragé par moments et prêt à perdre patience face aux choses ou face à ses propres comportements inadaptés. Ceci fait de lui non pas un clown triste mais, encore plus drôle, un clown un peu exaspéré, et on le comprend vu l'absurdité du monde qui l'entoure.

Sans un mot ou avec des paroles encore plus incompréhensibles que ses silences, il poursuit sa bataille dérisoire. Certains passages de son spectacle sont encore plus étonnants, si c'est possible, comme celui où il nécessite trois hommes robustes pour l'empêcher non pas de tomber, mais de s'élever vers le ciel, ou celui où, revêtu d'une sorte de grand vêtement noir, il se montre encombré par son corps qui se démantibule.

Camille Boitel est un acrobate d'une rare virtuosité. Son jeu de ratages permanents exige une maîtrise impressionnante. Il n'y a pas d'histoire dans L'Homme de Hus, mais beaucoup à comprendre du rapport de l'humanité avec les choses, c'est-à-dire avec toutes les forces et les objets physiques qui nous résistent quotidiennement.

Cet article a aussi été publié sur pieuvre.ca

L'homme de Hus: en collaboration avec La Tohu, du 11 au 16 février 2019 au théâtre La Chapelle à Montréal

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