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«El Silencio de las cosas presentes»: variations sur le sens du toucher

Toutes les capsules performatives offrent une déclinaison sur le thème du toucher, un sens totalement déconstruit dans ce spectacle.
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Scène de «El Silencio de las cosas presentes», soit «le silence des choses présentes».
Martin Benoît
Scène de «El Silencio de las cosas presentes», soit «le silence des choses présentes».

Eduardo Ruiz Vergara est un artiste généreux. Dans El Silencio de las cosas presentes, soit «le silence des choses présentes», il aspire à ce que les deux musiciens, les danseurs (lui et deux danseuses) et surtout le public parviennent à donner toute leur présence dans le moment qu'il leur fait vivre.

Les cinq sens des spectateurs sont sollicités durant le spectacle.

Donner sa présence cela signifie s'abandonner, ou plutôt être à l'affut — dans l'immédiateté du temps — de toutes ses émotions et sensations. Aussi les cinq sens des spectateurs sont-ils sollicités durant le spectacle: on les convie à chausser des pantoufles, à s'installer confortablement sur des banquettes au milieu de coussins, à déguster une tasse de chocolat très épicé d'où émanent des parfums de girofle ou de cannelle, à entendre une musique live variée, parfois douce parfois vibrante, et à se projeter par le sens de la vue dans des perceptions haptiques (en rapport avec le toucher) à travers les multiples capsules de danse performative des trois artistes sur scène.

Pendant trois heures (un peu trop long à mon avis, c'est le seul reproche que j'aurais à faire), les artistes se donnent entièrement pour proposer une série de saynètes, de performances étonnantes et admirablement réalisées où le fil conducteur est le toucher, ce sens dont finalement les arts en général disent assez peu de choses tant ils sont occupés par la vue, par l'ouïe, la narration, les questions de temps, d'espace et j'en passe.

Ainsi, une fois installés à leur place, les spectateurs reçoivent de la main des artistes revêtus de blanc, une jolie tasse de porcelaine précieuse remplie du précieux liquide chaud. Sur des percussions douces qui ponctuent une vibration qui se fait de plus en plus puissante, Eduardo RV, seul au centre de la scène, fait la démonstration de ce que serait une réelle et présente sensibilité aux vibrations que tous les spectateurs entendent et ressentent aussi.

Jusqu'à l'épuisement total, il entre ainsi progressivement dans ce qui ressemble à une sorte de transe débridée qui finit par le jeter à terre, anéanti et débarrassé de sa veste de costume blanc, son immense chevelure totalement défaite.

Le ton est donné. Toutes les capsules performatives, interprétées seules ou à deux, offrent une déclinaison sur le thème du sens du toucher. Et certaines sont particulièrement poétiques et touchantes, justement. J'ai particulièrement apprécié la sorte de tango dansé par Eduardo RV et Marie Mougeolle, où les deux se touchent et s'entrainent à la force de leurs poids, mais sans presque recourir à leurs mains.

Le toucher, trop souvent associé à la main, est totalement déconstruit dans ce spectacle. Les artistes se touchent entre eux, se touchent eux-mêmes et touchent les spectateurs par des danses et des musiques qui leur permettent de vibrer ou de s'apaiser comme s'ils étaient eux-mêmes sur la scène.

El Silencio de las cosas presentes, du 16 au 26 janvier 2019 au théâtre La Chapelle à Montréal.

Cet article a aussi été publié sur pieuvre.ca

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