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«Dans la solitude des champs de coton»: le pari Auzet relevé par le Prospero

, quatre personnalités exceptionnelles sont rassemblées pour cette œuvre admirable. L'ensemble offre une performance d'une incroyable force, atypique, déroutante et superbe, à découvrir au théâtre Prospero.
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Dans la solitude des champs de Coton, quatre personnalités exceptionnelles sont rassemblées pour cette œuvre admirable : l'auteur génial du texte, Bernard-Marie Koltès mort du sida en 1989 à l'âge de 41 ans ; les deux stupéfiantes actrices maintes fois récompensées au théâtre et au cinéma, Anne Alvaro et Audrey Bonnet ; Roland Auzet, enfin, le metteur en scène audacieux, qui signe aussi la musique indispensable au spectacle. L'ensemble offre une performance d'une incroyable force, atypique, déroutante et superbe.

Munis de casques audio, les spectateurs sont invités à attendre dans un espace de stationnement un peu glauque, situé en arrière du théâtre, que le spectacle commence. La lumière naturelle du crépuscule sert de décor à ce non-lieu inquiétant. Deux hommes, surgis de la rue, vont s'y rencontrer. Le premier, le dealer, possède la came censée être désirée par le client. À un rythme insensé, un échange - dialogue de sourds - s'instaure entre les deux protagonistes.

Nous sommes dans un non-espace et un non-temps. Deux hommes, interprétés par des femmes, s'engagent dans des joutes verbales, musicales et poétiques, qui tiennent plus du monologue que du dialogue. Les actrices se répondent et interpellent les spectateurs dans une proximité inhabituelle. Le spectacle se poursuit dans une salle à peine illuminée. Les casques toujours sur leurs oreilles, les spectateurs perçoivent jusqu'au souffle des actrices virtuoses. Leur diction est parfaite. Leurs voix se confondent à la musique qui leur est intimement liée. Sans répit, elles déclament ce texte puissant, violent, brutal qui, au-delà de la situation posée a priori, montre l'impossibilité de toute rencontre et le paradoxe de la non-rencontre.

Car ces deux personnages ont croisé leurs regards. La rencontre impossible a déjà eu lieu. Mais leur attachement est forcément paradoxal dans la mesure où aucun des deux n'y trouvera jamais son compte. C'est là, me semble-t-il, que réside la force du message de ce texte à la fois beau et profond, poétique et plein de justesse. La situation dealer / client sert de métaphore à toute rencontre humaine. L'autre est toujours irréductiblement l'étranger. La solitude demeure insurmontable.

Toute la force du spectacle réside dans le texte et dans les conditions de son audition rendue possible grâce au talent des deux actrices et à la mise en scène sonore. Chacun entend pour lui la solitude du chant intérieur, du monologue qui ne rejoint jamais l'autre, quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise, même si la came est présente, en filigrane, censée combler le manque de l'autre et réciproquement. L'un veut donner à l'autre qui attend autre chose, mais quoi ? Le désir est fuyant, instable, insaisissable pour le sujet lui-même. L'autre est-il capable de le révéler ? La rencontre n'est-elle pas hostile a priori ? Tant de questions et davantage qui renvoient à la condition humaine, son besoin de rencontre et l'impossibilité qu'elle ait vraiment lieu.

Dans la solitude des champs de coton a été monté quelques fois en France. Du 12 au 17 septembre, le théâtre Prospero offre l'occasion d'admirer ce spectacle brillant et hors-norme qu'il ne faut surtout pas manquer.

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