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«Fratrie»: une pièce excellente et tout en délicatesse

Histoire d'adolescents contraints de quitter brutalement l'état de leur enfance pour devenir des hommes et vivre malgré tout,ne met en scène que des garçons dans leurs rapports fraternels et familiaux.
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Quatre frères, une fratrie. Quatre adolescents qui se retrouvent livrés à eux-mêmes après un accident survenu à leur père. Le père n'est pas mort. Son cœur est tombé en panne. Un caillot s'est abattu dedans pendant qu'il tombait dans la neige. Branché sur des machines, il doit maintenant être réparé. Les quatre frères s'organisent durant l'attente du jour de la grande opération réparatrice.

Arthur, l'aîné, se sent tout désigné pour remplacer le père, s'occuper de l'épicerie, des repas et du comportement des plus petits. Jules, le bon élève, rêve de voyages et de grandes découvertes. Thibault, le fatigant, regarde des films sans très bien les comprendre. Léo, le plus jeune, le plus fragile - celui que tout le monde protège parce que désigné comme «différent», mais sur lequel ils se défoulent aussi - s'affole en silence d'une situation qu'il ne parvient pas à intégrer...

La pièce Fratrie, dont le texte est écrit par le Québécois Marc-Antoine Cyr, a demandé bien d'autres écritures encore. Écriture des mouvements des quatre personnages à la manière d'une chorégraphie, écriture sonore ou musicale pour certains moments chantés, écriture des lumières avec des projections sur la scène qui ressemblent à des tableaux mouvants. Sans parler du décor, simple et dépouillé, mais très évocateur: un sol en pente comme celui du toit d'une maison, praticable, mais peu stable, entouré de la neige, du vent et de la tempête qui fait rage. Écriture de la mise en scène au fond, celle de Didier Girauldon (directeur de la compagnie Jabberwock) qui de ce texte tout en allusion et en sous-entendus, d'une écriture fragmentée (et sans doute illisible hors de cette mise en scène théâtrale de forme très contemporaine), produit le récit déconstruit, mais très clair et tout en délicatesse des rapports de ces quatre jeunes garçons durant ces jours de crise.

Ainsi, sans beaucoup de dialogues, les quatre personnages se dessinent parfaitement et tout en constituant une fratrie, protègent leurs propres territoires. Il faut dire que les quatre acteurs excellents tiennent magistralement leurs rôles.

Guillaume Clausse formé à La Comédie de Reims est un Arthur royal parfait, qui, en remplaçant le père absent, navigue sur une ligne de crête délicate entre son état de fils et de frère et celui de père provisoire. Marc Beaudin, formé entre Montréal, la France et l'Italie, incarne un Jules rêveur aux pieds sur terre, en quête d'amour lui aussi, à cette place délicate de second, donc de grand de la fratrie, mais sans les prérogatives accordées au premier. Baptiste Relat, formé à l'École Nationale de la Comédie de Saint-Étienne, est un Thibault tout fou, joyeux et insouciant, en apparence au moins, mais non moins inquiet que les autres. Quant à François Praud, entré à la Comédie-Française en qualité d'élève comédien en 2010, il incarne un Léo incroyablement profond et sensible ; un garçon à fleur de peau qui détient un secret trop gros pour lui, un Léo qui s'isole sans le vouloir et que les autres veulent isoler, mais qui en fait n'a d'autre désir que de rester dans le groupe.

Le personnage de Léo est sans doute le plus complexe des quatre. Dans la petite salle Fred-Barry du théâtre Denise-Pelletier, le spectateur presque impliqué dans la situation de la pièce peut observer jusqu'aux détails de la physionomie du personnage qui se métamorphose.

Histoire d'adolescents contraints de quitter brutalement l'état de leur enfance pour devenir des hommes et vivre malgré tout, Fratrie ne met en scène que des garçons dans leurs rapports fraternels et familiaux, leurs rêves de héros masculins et leur père qui leur manque.

Les femmes sont absentes du récit. La mère existe bien, mais demeure au chevet du père. Fratrie se focalise sur les rapports des quatre enfants, adolescents et futurs hommes que deviendront aussi les personnages.

La pièce de 1h15 est un travail d'une très grande délicatesse qui ose montrer les émotions supposément être plutôt féminines, et que les hommes, évidemment, partagent avec l'humanité.

À la salle Fred-Barry du théâtre Denise-Pelletier à Montréal, du 8 au 26 mars 2016.

Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz

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