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Qui a fait mal à la réputation du Barreau du Québec? Son conseil d'administration ou la bâtonnière?

À mon avis, c'est le conseil d'administration du Barreau qui déconsidère la justice par cette décision qui ne peut pas être motivée seulement par les déclarations de la bâtonnière. Il s'agit vraisemblablement d'une décision injuste pour celle qui a été élue avec 63% des voix, et d'une décision injuste pour la majorité des membres qui ont voté pour elle.
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Je suis membre du Barreau depuis 1999 et depuis, les cotisations à mon ordre professionnel ne cessent d'augmenter sans raison particulière. Même si je ne pratique pas et que je ne profite pas des assurances professionnelles, je dois payer 2500$ par année au Barreau en plus de suivre 30 heures de formation obligatoire. Pour mes collègues les plus prospères comme les plus démunis qui pratiquent et doivent souscrire aux assurances, c'est presque le double. Et si je ne paie pas une année ? Je perds tout simplement mon titre d'avocate et bien sûr le droit de pratiquer. Et aussi bien-dire à jamais, car les obstacles pour se réinscrire au Tableau de l'Ordre une fois qu'on n'est plus inscrits sont nombreux. Aux États-Unis, les cotisations varient autour de 300$ selon l'État.

Considérant que ça fait plus de 30 000$ que je paie en cotisations en contrepartie de presque rien d'autre que mon titre et un journal mensuel, vous pouvez être certains que j'ai voté pour la candidate Lu Chan Khuong lorsque celle-ci a promis de baisser les cotisations lors de la dernière élection. Et je ne suis pas seule à lui avoir donné mon appui. Elle est devenue bâtonnière le 22 mai dernier avec une majorité historique.

Il est évident que son élection avec 63% des voix ne fait pas la joie de l'administration du Barreau. Il ne faut pas être très perspicace pour soupçonner un mécontentement de celle-ci quand la nouvelle patronne propose de diminuer les revenus de l'organisation. On pouvait donc s'attendre à une période d'inconfort après les élections, mais certainement pas, un revirement aussi pathétique.

Un rappel des événements ; bien avant son élection, madame Khuong se fait interpeler au Simmons du Carrefour Laval parce qu'elle n'a pas payé deux pantalons. Sa version des faits est qu'elle a repayé deux pantalons déjà payés dans un autre Simmons plutôt que payer les nouveaux pantalons, par étourderie. Jusqu'à preuve du contraire, elle est présumée dire vrai. Et il n'y a pas eu preuve du contraire, il n'y a pas eu preuve de culpabilité devant un tribunal, car le procureur au dossier a choisi de ne pas porter d'accusation et de déjudiciariser le dossier. L'histoire devrait s'arrêter là. Madame Khuong ne s'est pas obstinée pour avoir un acquittement puisqu'elle n'aurait pas de dossier criminel et le tout demeurerait confidentiel. Bref, comme n'importe quel avocat compétent le lui aurait recommandé, elle s'est dit qu'elle n'irait pas perdre son temps dans un procès qui risquerait de lui faire du tort publiquement.

Mais l'histoire ne s'est pas arrêtée là. Comme dans le cas de Joël Legendre, un coquin aux intentions « pures » a coulé l'information, cette fois, non pas au Journal de Montréal, mais à La Presse qui s'est empressée d'en faire la Une de son journal. Le conseil d'administration mis au courant ne fait rien le matin même, mais quelques heures plus tard décide de suspendre la bâtonnière parce qu'elle aurait déconsidéré la justice en disant à La Presse que ça aurait été une perte de temps que d'aller en cour pour prouver son innocence. Il semblerait que ses agissements sont incompatibles avec la fonction de bâtonnière. De quels agissements au juste ? Des agissements qui sont présumés ne pas avoir eu lieu ? Des explications tout à fait raisonnables sur la non-divulgation de ces informations confidentielles ? Et qui peut en juger ?

À mon avis, c'est le conseil d'administration du Barreau qui déconsidère la justice par cette décision qui ne peut pas être motivée seulement par les déclarations de la bâtonnière. Il s'agit vraisemblablement d'une décision injuste pour celle qui a été élue avec 63% des voix, et d'une décision injuste pour la majorité des membres qui ont voté pour elle.

La frilosité du monde juridique par rapport aux médias ne date pas d'hier et les médias eux, se gardent toujours une petite gêne de commenter ce que font les juristes. D'un côté, on a peur de projeter une image négative et de l'autre, on a peur des représailles si jamais on avait le malheur de se tromper dans nos commentaires ou reportages.

Ce qui est spectaculaire dans ce cas-ci, c'est que la bourde du conseil d'administration est si évidente que l'image projetée par le Barreau n'a pas été salie par sa digne représentante la bâtonnière, mais bien par ceux qui ont coulé de l'information confidentielle, qui l'accusent de nuire à l'image du Barreau et qui désirent l'éjecter sans un processus légitime et démocratique. Et pour une fois, qu'on soit commentateur ou journaliste, le topo ne peut pas être plus simple à faire.

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