La solitude n'a pas besoin de remède

Étant une bibitte très sociale, il m'arrive d'être un peu anxieuse quand je me retrouve seule avec moi-même. Et chaque fois que la vie m'accorde un peu de solitude, je pitonne instinctivement sur mon iPhone ou mon ordinateur comme la plupart d'entre vous, à la recherche de je ne sais quoi.

L'humoriste américain Louis CK a récemment expliqué à Conan O'Brien de manière brillante et profonde les raisons pour lesquelles il ne voulait pas acheter un téléphone intelligent à ses enfants.

Je me permets de reprendre ici ses propos et de les commenter.

Il commence d'abord par dire qu'il veut s'assurer de développer de l'empathie chez ses enfants. Si sa fille dit à un autre enfant qu'il est laid en pleine face, ce dernier réagira aussitôt de manière négative, ce qui devrait faire sentir sa fille mal alors que si elle le fait via un réseau social, elle ne se sentira pas coupable, et ne prendra pas acte des conséquences d'un tel geste. Chaque jour, je suis flabergastée par le nombre d'insultes et de commentaires haineux sur les blogues et les réseaux sociaux. J'aimerais tant voir leurs auteurs tenter les mêmes commentaires en face de leurs destinataires. Ça me rappelle la fois où l'animateur André Arthur s'était dégonflé en personne après m'avoir fièrement insultée en ondes.

Mais ce n'est pas la raison principale pour laquelle Louis CK veut éloigner le téléphone intelligent de ses enfants le plus longtemps possible. Il prétend avec raison que nous avons tous en nous ce vide, éternellement vide, et que nous en prenons conscience uniquement dans les moments de solitude. Ce vide est tellement inconfortable que nous sommes prêts à tout pour ne pas y faire face. Il dit avec humour que c'est pour cette raison que pratiquement 100 % des gens textent au volant. Ils préfèrent mettre leur vie et celle des autres en danger plutôt que de faire face à leur « vide intérieur ».

Puis il raconte avoir un jour fait face à ce vide, à cette tristesse absolue devant l'absurdité de la vie et ce sentiment d'être seul au monde. Il dit avoir arrêté sa voiture sur le bord de l'autoroute pour pleurer sur les airs d'une chanson triste de Bruce Springsteen. Puis, il raconte avoir ensuite ressenti une bouffée de joie intense, probablement à cause d'endorphines relâchées dans son système. Il s'est alors senti énormément reconnaissant du simple fait d'être en vie et de pouvoir ressentir ces émotions grandioses. Qu'on y voie là l'illumination ou une simple équation biologique, l'expérience était au final très positive.

Puis, il conclut rapidement avec le sourire en disant que c'est exactement pour cette raison qu'il ne veut pas que ses enfants possèdent un téléphone intelligent. Cinq millions de personnes ont vu cet extrait depuis sa parution sur YouTube et ça me réjouit.

Ce week-end, j'ai eu droit à 24 heures de solitude. Pour une mère monoparentale qui a un chum et beaucoup d'amis, ça relève du miracle. Je me suis observée à vouloir éviter la solitude; appeler des amis à la dernière minute, lire un livre, voir le film Gabrielle (parenthèse : ce film extraordinaire m'a quand même rappelé le simple bonheur d'exister), rentrer à la maison et ressortir, manger au bar d'un des mes restos préférés (Trois petits bouchons), déguster des dattes surprises et potiner avec la chef qui les a créées, boire un peu trop, regarder des dizaines d'extraits vidéo comiques (toute l'oeuvre de Louis CK sur YouTube) ou touchants (comme cet orchestre de musiciens jouant d'instruments créés à partir de déchets dans un bidonville au Paraguay) jusqu'à ce que, ô misère !, mon iPhone manque de jus (maudit OS. 7.0 ! ).

Et puis, j'ai touché mon vide intérieur, j'ai eu du mal à respirer au début, mais peu à peu, dans cet espace, je me suis sentie plus humaine que jamais et ma respiration s'est apaisée. Je n'avais rien à faire, rien à prouver, rien à éviter; j'étais.

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