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La Charte ne fera pas adhérer les religieux extrémistes aux valeurs québécoises

Certains affirment que le gouvernement chercher à régler des problèmes imaginaires. Je suis plutôt d'avis que la Charte met en lumière un profond besoin d'explorer cette question si sensible: quelle place donner au voile et quoi en penser? Pourquoi ne pas saisir cette occasion d'en apprendre plus sur cette coutume qu'on craint tant, et, peut-être, de réviser nos prises de position.
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Alors que plusieurs jugent qu'il y a plus urgent à régler au Québec que les questions religieuses, je me réjouis de ce que le dépôt du controversé projet de loi 60 nous oblige à débattre de la place de la religion, et du voile islamique, dans la vie publique. La situation actuelle, bien que difficile pour les communautés islamiques, incite les femmes musulmanes, peut-être plus que jamais, à s'exprimer publiquement sur cette question. Certains affirment que le gouvernement chercher à régler des problèmes imaginaires. Je suis plutôt d'avis que la Charte met en lumière un profond besoin de parler religion. Un besoin d'explorer cette question si sensible : quelle place donner au voile et quoi en penser? Pourquoi ne pas saisir cette occasion d'en apprendre plus sur cette coutume qu'on craint tant, et, peut-être, de réviser nos prises de position.

Un bémol quant aux tensions sociales

J'ai entendu, à plusieurs reprises, des opposants de la Charte suggérer que celle-ci était la cause des tensions sociales qu'on vit actuellement. Un peu comme si les emportements xénophobes étaient calculés en fonction des décisions prises par le gouvernement, celles-ci étant perçues comme des permissions implicites de s'engager dans des comportements douteux. D'abord, il convient de se demander si ces débordements sont réellement plus fréquents maintenant ou s'ils reçoivent simplement plus d'attention.

Il ne faut pas, selon moi, faire le procès d'une décision gouvernementale en fonction des tensions qu'elle risque de susciter. Je ne dis pas que la position du gouvernement quant aux signes religieux ''ostentatoires'' constitue une avancée pour le Québec. Simplement que les tensions sociales engendrées n'est pas un argument valable pour appuyer l'idée que le gouvernement fait fausse route.

Dieu sait que les tensions abonderaient au Québec à la suite, par exemple, d'un référendum. Pourrait-on dire qu'il s'agit d'une mauvaise initiative pour autant? Le 4 septembre 2012, un attentat a été perpétré par quelqu'un qui s'est exprimé de façon à suggérer qu'il haïssait les francophones et le projet de souveraineté. Le Parti québécois, par sa victoire, par ses désirs d'indépendance, est-il directement responsable du comportement d'un meurtrier? Les électeurs du PQ ont-ils à porter le poids de cet homicide?

L'Islam comme une masse monolithique

Ceci étant dit, la question du port de signes religieux ostentatoires pose, à mon avis, certains problèmes. On a tendance à voir dans le hijab un symbole d'oppression de la sexualité de la femme tentatrice qui doit, au nom de la vertu, soustraire ses attraits au regard de l'homme. Des femmes comme Djemila Benhabib condamnent, avec raison le fait que les autorités politiques des pays comme l'Algérie, le Liban et l'Iran usent de violence pour imposer le port du voile. Le Canada lui-même n'est pas exempt d'une violence faite aux femmes qui refusent qu'on leur impose code vestimentaire et style de vie. Le conseil du statut de la femme recense 21 victimes de crimes d'honneur dans les 20 dernières années. Celles-ci sont issues de milieux familiaux musulmans, sikhs et tamouls.

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No. 10: Djibouti

Les pires pays arabes pour les femmes

Bien que je respecte celles qui prennent la parole pour dénoncer les horreurs infligées au Moyen-Orient et, à échelle réduite, en Amérique, je ne suis pas certaine qu'il soit correct d'établir un lien direct entre ces pays théocratiques et la situation de ceux qui y vivent, et celle des femmes musulmanes établies ici. Combien de crimes ont été perpétrés au nom de la foi chrétienne? Combien de femmes innocentes ont été accusées de sorcelleries et tuées par l'Inquisition? Est-ce parce qu'il existe une grande distance historique entre ces événements et nous qu'on tend à oublier que cet héritage chrétien, dont le gouvernement Marois semble si fier, est lui aussi taché de sang?

Combien d'enfants ont été victimes de prêtres pédophiles au cours des dernières décennies? Et pourtant, personne ne pointe du doigt les femmes qui font aujourd'hui, pour elles et leurs enfants, le choix de pratiquer cette religion et de fréquenter l'Église catholique dont l'ancien chef Benoît XVI, bien qu'il ait condamné publiquement ces crimes, est soupçonné d'avoir protégé des prélats accusés lorsqu'il était cardinal.

Pourquoi ne pas admettre que malgré les circonstances, parfois horribles, dans lesquelles naît et évolue une religion ou une pratique, comme le port du voile, certains peuvent faire le choix d'y adhérer, indépendamment de la violence avec laquelle elle s'est imposée? Indépendamment des injustices qu'elle continue d'encourager ou d'ignorer? Si on juge que les catholiques modernes et ouverts sur le monde adoptent un mode de vie tout à fait acceptable et qu'ils n'ont pas à porter le poids de ces crimes affreux dont on entend encore parler, pourquoi ne pourrait-il pas en être de même pour les musulmans?

Sauver quelles femmes?

On associe beaucoup le hijab à la femme soumise. Janette Bertrand affirme être convaincue que les femmes voilées sont conditionnées à se croire libres. Certes, le conditionnement religieux existe et je crois qu'il est juste d'affirmer que plusieurs en sont victimes. Mais qui d'entre nous peut déterminer de qui il s'agit? Qu'elles y soient attachées du fait d'une démarche personnelle ou conditionnées à y tenir comme à la prunelle de leurs yeux, forcer des femmes à se départir d'une partie d'elle, de leur culture et de leur religion, ne viendra pas détruire cet endoctrinement de la femme dominée au secours de laquelle les Québécois semblent vouloir se porter et qui risque plutôt de se sentir doublement opprimée.

Et les extrémistes, ceux qui sont opposés à ce qu'une femme circule tête nue et qui sont ceux à qui on essaie de déclarer la guerre, obtempèreront-ils réellement à ces exigences? Les adeptes de la ferveur religieuse accepteront-ils tout bonnement de se conformer aux règles d'un gouvernement qu'ils jugeront liberticide? Très loin de moi l'idée qu'il s'agit d'une cause perdue, bien au contraire, mais franchement, si les partisans de la Charte croient qu'un texte rédigé par le Parti québécois transformera les groupes religieux extrémistes en êtres qui adhèrent aux ''valeurs québécoises'' et qui embrassent le principe d'égalité homme-femme, ils rêvent!

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