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Le luxe de masse est-il envisageable?

Désormais, les marques de luxe ne sont plus seulement réservées aux élites. Mais la banalisation du luxe n'est-elle pas dangereuse pour les grandes marques?
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Désormais, les marques de luxe ne sont plus seulement réservées aux élites. Face à la stratégie de démocratisation des produits haut de gamme dans les économies industrielles, les marques de luxe se voient aujourd'hui contraintes d'élargir le spectre de leur clientèle et de trouver des moyens novateurs pour attirer une clientèle ambitieuse. Mais la banalisation du luxe n'est-elle pas dangereuse pour les grandes marques de luxe?

Afin d'attirer ces nouveaux consommateurs, les marques de luxe emploient une des trois stratégies suivantes: introduction de produits d'entrée de gamme, lancement d'extensions de la marque ou encore autorisation de licences de la marque. Toutefois, les marques de luxe sont confrontées à un problème stratégique: comment étendre sa part du marché sans pour autant diminuer son rôle en tant que symbole de statut social?

Les marques de luxe aujourd'hui oscillent entre le luxe et le marché de masse afin de générer des revenus à court terme, mais néanmoins leur objectif principal demeure la croissance à long terme. Élargir sa clientèle -en ne se limitant pas aux supers-riches- peut aider à augmenter les ventes. Mais les entreprises du luxe espèrent toujours que leurs consommateurs d'entrée de gamme se dirigeront progressivement vers leurs offres haut de gamme. Malheureusement, cette stratégie n'est pas toujours couronnée de succès.

Lorsque les marques de luxe perdent de leur rôle de statut social

Lorsqu'une marque s'aventure dans les produits de luxe "abordables", l'image de cette marque peut en souffrir. Cela a été notamment le cas des grandes marques Burberry, Diane Van Furstenberg ou bien Pierre Cardin qui, à un moment donné de leur histoire, par des licences de marque mal gérées, ces marques ont perdu leur statut de luxe et ont dû passer par une phase de reconstruction.

Les licences de marques sont, en effet, particulièrement dangereuses quand elles sont mal gérées puisqu'elles peuvent facilement échapper à tout contrôle. Prenons l'exemple des briquets Pierre Cardin : ils étaient en vente à chaque coin de rue. Du coup, l'image prestigieuse de la marque a été considérablement altérée. Il en va de même pour Diane Von Furstenberg, qui a dû reconstruire presque de zéro l'image de sa marque, après s'être trop aventurée, elle aussi, dans les produits d'entrée de gamme.

Le développement des produits de luxe "abordables", tels que portes-monnaies ou portes-clefs peut aussi avoir des effets négatifs sur l'image de la marque. Les entreprises comme Louis Vuitton, Gucci et Burberry ont, ces dernières années, essayé d'accroître leur gamme de produits, mais en l'imitant l'usage de leur "monogramme" et en lançant parallèlement de nouveaux modèles, des tissus uniques et des produits en édition limitée avec des prix plus élevés.

Qu'est-ce qui conduit un consommateur "entrée-de-gamme" à progresser vers le "haut-de-gamme"?

Lorsque ce type de stratégie client est bien géré, les marques de luxe ont la possibilité de générer de la croissance à long terme. Car, bien que le nombre de consommateurs haut de gamme ait déjà triplé au cours des 30 dernières années, les marchés émergents et les jeunes générations sont des cibles de choix pour l'avenir de l'industrie du luxe.

Ces consommateurs sont parmi ceux qui montrent une volonté de progression: plutôt que de s'en tenir à des produits "milieu de gamme", ils investissent dans quelques produits luxes "d'entrée de gamme" avec l'intention ensuite de progresser vers le haut de gamme. Lorsque leur pouvoir d'achat s'accroît avec le temps, ils vont "mettre à niveau" leurs achats: par exemple, celui qui possède un portefeuille Louis Vuitton choisira d'investir dans un sac à main s'il a développé un goût pour cette marque.

Avec Vanessa Patrick, de l'Université de Houston, nous cherchons actuellement à identifier les facteurs qui conduisent un consommateur "entrée-de-gamme" à progresser vers le "haut-de-gamme". Nous montrons que tout dépend au fond de la force de la marque et de ses produits phares.

En effet, les produits phares tels que le sac à main 2.55 de Chanel ou le diamant solitaire de Tiffany sont tellement emblématiques qu'un produit d'entrée de gamme, tel qu'un portefeuille Chanel ou un bracelet Tiffany en argent, n'a presque aucun impact sur le désir d'accéder aux produits haut de gamme.

Faute de ce genre de produit emblématique, les consommateurs sont plus souvent satisfaits par leur achat d'entrée de gamme. Ainsi, il y a quelques années, Marc by Marc Jacobs a proposé aux consommateurs des sacs et autres accessoires à des prix relativement bas. Malgré un bon chiffre d'affaires, cette stratégie était vouée à l'échec puisque la marque Mark Jacobs était trop jeune, n'évoquait ainsi pas le sentiment d'appartenance à une marque prestigieuse et donc n'attirait pas ces nouveaux clients vers le haut de gamme.

Mais de façon surprenante, il nous est apparu que, parmi les consommateurs d'extensions de marque et de produits d'entrée de gamme, ceux qui sont les plus susceptibles d'acheter du haut de gamme sont ceux qui sont déjà clients de la marque. Autrement dit, si je ne possède aucun produit Prada, l'achat d'un bracelet d'entrée de gamme satisfera d'autant plus mon désir pour cette marque. Cependant, si je suis déjà une fidèle la marque Prada, j'aurais toujours autant envie d'accéder à ses produits phares.

En conséquence, une stratégie efficace consiste d'abord à développer des produits correspondant à l'ADN de la marque. Bien que les produits d'entrée de gamme puissent être bon marché, ils doivent refléter l'image et la qualité de la marque.

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