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Alors que j’ai l’immense privilège de me promener comme bon me semble entre ces frontières, d’autres migrent par contexte politique, par peur, car ils n’ont pas d’autre choix.
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Dans les ruelles de Jabal el-Hussein
Sonia Li
Dans les ruelles de Jabal el-Hussein

La crise de réfugiés n'est pas à propos des réfugiés. Elle est à propos de nous.

Ai Weiwei

J'errais dans le camp de réfugiés Jabal el-Hussein. J'observais. J'écoutais la vie quotidienne. Seulement 10 minutes plus tard et un groupe d'enfants commencent à me parler en arabe. Je ne comprends évidemment pas un mot, mais j'ai décidé de les suivre*. Et je me suis retrouvée dans la maison de trois des enfants, à boire du café et thé avec leurs mères pendant trois heures.

Trois heures à discuter, échanger et même danser. Merci à Google translate, j'ai réussi à discuter religion, la situation de chômage des femmes en Jordanie, nourriture, et même des Ouïghours. Et, évidemment, à propos la situation de la Palestine. Je ne prendrai pas position dans le conflit israélo-palestinien, puisque c'est tout sauf simple. Mais en discutant avec ces trois femmes, et en me promenant dans le camp, on comprend rapidement que ces camps ne sont pas temporaires. Ils sont là pour rester. Il y a des marchés, des magasins, des fast food, car la vie continue...

Sonia Li

Le camp Jabal el-Hussein a été établi en 1952 comme réponse à la guerre de 1948. À l'époque, 8000 réfugiés ont été placés dans ce camp s'étalant sur 0,42 km. Depuis, Palestiniens et Palestiniennes ont développé et construit en hauteur les bâtiments pour accommoder plus de gens. Le camp est bondé, surpeuplé, petit. Il n'y a plus d'espace pour construire. Ici, c'est un Amman différent. Un Amman différent jusque dans son aménagement. Un zoom sur Google maps permet de constater que l'aménagement parle de lui-même. L'aménagement du camp est complètement différent du reste d'Amman. Différence. Isolement.

Mais en te promenant, tu observes la vie qui continue et tu parviens presque à oublier cette différence, cet isolement. Les enfants se promènent. Les enfants jouent dans les rues.

Ils sont désormais la troisième génération de Palestiniens en Jordanie. J'ai demandé à ces femmes si elles iraient en Palestine, si elles le pouvaient? Elles m'ont toutes dit oui, sans aucune hésitation. Elles ne sont jamais allées en Palestine. Elles sont nées en Jordanie, tout comme leurs enfants. Et pourtant, elles y retourneraient toutes, car c'est leur maison. Ne le demandez pas à la première génération de Palestiniens arrivés en Jordanie, ils et elles répondront oui sans hésitation aussi.

Un de mes amis locaux est d'origine palestinienne. Il a une vision complètement différente de ces femmes. Peut-être parce que son grand-père a réussi à quitter le camp seulement deux ans après y être arrivé... Je lui ai demandé s'il se sentait plus Palestinien ou Jordanien. Il m'a répondu qu'il était Jordanien. La Jordanie est son pays, mais il est définitivement fier de ses origines. Et il est fier de le mentionner après avoir dit qu'il est Jordanien.

Ces réfugiés palestiniens, sont-ils Jordaniens ou Palestiniens?

Il n'y a pas de réponse universelle. Au-delà de tout ça, je pense surtout à la résilience dont la communauté palestinienne a fait preuve pour s'adapter à leur nouvelle situation. Cette résilience, elle est hier, aujourd'hui, demain. Car ils n'ont eu d'autre choix que de s'adapter hier, aujourd'hui et demain. La Jordanie est devenue leur maison.

Et la Jordanie est la maison de millions de réfugiés. C'est le pays accueillant le plus de réfugiés en nombre absolu. La Jordanie a le plus haut ratio de réfugiés-population.

C'est la maison d'au moins 2,1 millions de Palestinien.ne.s d'origine qui sont enregistrés sous le United Nations Relief and Work Agency for Palestine Refugees in the Near East (UNRWA). Et c'est aussi désormais la maison d'un nombre important de Syriens et d'Iraqis.

La Jordanie est devenue une terre d'accueil pour ces gens. Par obligation, par choix, par acte humanitaire? Position géopolitique oblige. Alors que j'ai l'immense privilège de me promener comme bon me semble entre ces frontières, d'autres migrent par contexte politique, par peur, car ils n'ont d'autre choix que de migrer.

Quand il n'y a aucun endroit où aller, le nulle part devient la maison.

*Il est important de mentionner qu'apparemment, selon ma collègue jordanienne et d'autres, ce que j'ai fait, suivre ces enfants dans leur maison n'était peut-être pas très sécuritaire, surtout en étant femme et seule. Donc, si vous envisagez de faire la même chose, réfléchissez-y à deux fois et soyez prudent svp.

Ce texte a d'abord été publié dans le blogue Solivagant.

La section des blogues propose des textes personnels qui reflètent l'opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

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