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Je suis bobo et vous emmerde

Oui, je mange du kale. Oui, j'essaie de ne plus acheter les poissons menacés. D'accord, je ne vais dans aucune chaîne de fast-food. Oui, je lave ma salle de bains au vinaigre blanc. Oui, je fais du yoga...
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Le problème avec ce mot, bobo, c'est qu'il est la patate chaude de la cour de récré: quand on te traite de bobo, tu ne sais pas ce que c'est, mais tu sens, à voir et à entendre celui qui le dit, que ça craint du boudin, alors tu t'en défends: «Non! Non, je ne suis pas bobo, jamais de la vie!» Situa- tion très puérile: le mot, qui n'a pas de définition claire, porte malgré tout un sens puisque chacun l'utilise et qu'il est de toute évidence connoté péjorativement. C'est celui qui l'dit qui l'est.

Bobo c'est moi, bobo c'est toi, sois bobo avec moi.

Oui, j'ai eu la chance de choisir, parce que mes parents, eux, n'ont pas pu et qu'ils ont tout misé sur mon éducation. Je ne suis pas enfant de bour- geois.

Oui, je fais un métier créatif, je travaille quand je veux, où je veux, avec qui je veux, et je ne gagne pas grand-chose.

Oui, j'accorde beaucoup d'importance aux détails du quotidien et, oui, j'ai envie que l'humanité aille mieux. Peut-être que je t'exaspère parce que tu n'as pas eu le courage de choisir, toi. La différence te fait peur. Si être un enfant gâté c'est être beaucoup aimé, alors je suis une enfant gâtée. Peut-être que tu n'as pas été aimé, toi.

Bobo... J'ai un problème avec le mot parce que c'est tout le temps négatif. Personne aujourd'hui n'oserait se revendiquer bobo, c'est devenu synonyme de nuisible. Tu remplaces bobo par musulman, black, juif, gros... et là, d'un coup, c'est moins facile de s'en prendre à lui. Bobo, c'est tout et n'importe quoi. Bobo, ça t'arrange que ce soit flou. Bobo, c'est ton bouc émissaire préféré. Bobo, tu peux le définir? Bobo, c'est une carica- ture.

Oui, j'ai envie d'être chic et sale.

Oui, j'ai envie d'harmonie universelle.

Oui, j'aime ma soli- tude.

Oui, j'apprécie le confort, mais oui, j'aime aller voir des spectacles ou des expos auxquels je ne comprends rien: ça m'élève.

Oui, je suis abonnée aux Inrocks et à Télérama. Chez moi, c'est l'homme qui fait les lessives et la vaisselle.

Oui, j'ai envie d'inventer des nouvelles façons de vivre ensemble. Bobo, c'est ton punching-ball. C'est tellement mainstream de taper sur les bobos. Bobo, c'est du vocabulaire pour bébés. Bobo c'est la modernité, bobo c'est l'avenir. Je ne suis pas l'exemple à suivre, je sais plus de choses que je n'ai d'argent.

J'aime bien imaginer des trucs qui n'existent pas, qui n'ont pas d'utilité évidente, mais qui aident à vivre.

Oui, je suis bobo et j'en ai marre qu'on me stigmatise. Stop le bobo bashing! Bobo, c'est un vilain croche-pied par-derrière, c'est l'automatisme des commentateurs beaufs sur Internet. Je ne cherche pas le conflit, non. J'ai envie que les gens s'entendent - c'est une utopie, peut-être. C'est pas encore ça pour les femmes. Tu ne crois pas qu'ils étaient un peu bobos, ceux qui ont lancé les révolutions arabes?

Oui, je vis dans un quartier où je me sens culturellement en sécurité.

Oui, j'aime bien que des gens différents se rencontrent, se mélangent, sympathisent. Tu vas dire: «On ne vit pas dans un monde de Bisou- nours!» Et pourquoi pas? Qui n'a pas besoin de bons sentiments?

Oui, je cherche du sens à ce que je fais et j'essaie de construire des choses de qua- lité.

Oui, je pense que dans le couple la femme, l'homme et leurs rôles sont interchangeables.

Oui, si j'avais un enfant, je ne voudrais peut-être plus qu'on le note à l'école.

Oui, j'ai envie que mon tra- vail m'épanouisse personnellement, parce que, s'il ne m'épanouit pas, moi, je vais intoxiquer tout le monde! Non, bobo n'est pas élitiste, bobo s'adapte, bobo cherche, bobo se trompe, bobo trouve. Bobo, il veut réussir sa vie, il n'en a rien à faire de réussir dans la vie. Le bobo est curieux de toi en ce moment même, le bobo aimerait parler avec toi.

Oui, je veux me faire plaisir et oui je veux sauver la planète et oui les deux en même temps et non je n'y arriverai pas, mais je continue d'es- pérer.

Oui, je mange bio parce que ça me fait du bien dans les organes. Je regarde toutes sortes de films sous-titrés, des hongrois, des russes, des allemands, des suédois, des finlandais.

Oui, le métier que je fais est étroitement lié à ma vie per- sonnelle et je continuerai de cultiver cette inter- pénétration.

Oui, j'ai envie d'avoir des plantes et un petit chien et d'aller faire les brocantes.

Oui, je mange du kale.

Oui, j'essaie de ne plus acheter les poissons menacés. D'accord, je ne vais dans aucune chaîne de fast-food.

Oui, je lave ma salle de bains au vinaigre blanc. J'essaie d'arrêter le gluten et les produits laitiers. Je consomme local, mais j'achète des ananas et des mangues qui viennent de loin, parce que c'est quand même bon.

Oui, j'ai plusieurs produits Apple. J'ai un frigo dans mon salon et j'adore.

Oui, je fais du yoga. Je suis bobo et je vous emmerde.

Extrait du livre Solange te parle publié chez Payot

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Mai 2017

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