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Les 5 dossiers qui ont marqué la santé en 2017

À la veille des élections, le gouvernement jouera sur les mots en lançant des affirmations comme : un million de Québécois ont maintenant accès à un médecin de famille.
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1. Les transferts en santé (la négociation fédérale-provinciale sur la santé) :

Le bras de fer s'est terminé en mars 2017, à l'avantage du gouvernement fédéral, qui a atteint ses deux principaux objectifs lors de la négociation du nouvel accord fédéral-provincial sur la santé. Premièrement, le gouvernement fédéral a obtenu des provinces qu'elles dépensent une partie des sommes d'argent dans les soins à domicile et la santé mentale, deux secteurs prioritaires pour le fédéral. Deuxièmement, l'accord diminue les montants d'argent transférés vers les provinces, comparativement au précédent accord négocié par le gouvernement de Paul Martin.

L'approche du fédéral découle de la théorie d' "Acheter le changement" (Traduction libre de: Buying change). Cette théorie vise à forcer les provinces à investir dans des secteurs qui seront "rentables" à long terme et permettront de diminuer éventuellement les coûts des soins de santé. La ministre de la santé fédérale de l'époque, Jane Philpott, a réussi à faire accepter le principe aux provinces, en signant des accords bilatéraux qui ont affaibli le front commun provincial, qui s'est désintégré au fil des mois.

Bien que l'on peut saluer le leadership du gouvernement fédéral, qui souhaitait forcer des changements structurants pour le système de santé à moyen et long terme, l'entente a malheureusement manqué une opportunité d'encourager une meilleure coopération entre les provinces.

Parce qu'il s'agit d'ententes bilatérales avec chaque province, le "système" de santé canadien demeure très fragmenté avec des systèmes différents pour chaque province, territoire, et pour certains groupes tels que celui des peuples autochtones vivant sur des réserves. On peut croire qu'un accord global aurait favorisé l'échange entre les provinces des meilleurs programmes, l'échange inter-provincial de certains services, en plus d'augmenter le pouvoir de négociation des provinces envers les pharmaceutiques et les autres pourvoyeurs de services.

2. Le financement public des échographies au Québec.

Bien qu'il faut selon moi saluer l'initiative de couvrir publiquement les échographies, les "perdants" de cette mesure sont les patients qui payaient de leur poche afin de passer plus rapidement que les patients qui attendent une échographie dans le réseau public, notamment pour des échographies moins urgentes (exemple: une échographie des tendons de l'épaule après une déchirure).

Depuis 2017 les radiologistes qui pratiquent dans des cliniques à gestion privée ne peuvent plus accepter un paiement privé.

Puisque le gouvernement du Québec empêche maintenant les cliniques de radiologie de fixer eux-mêmes leur prix pour des échographies faites dans une clinique à gestion privée, les cliniques de radiologie doivent revoir leurs budgets d'opérations. Auparavant, les cliniques pouvaient augmenter leurs tarifs pour payer les nouveaux investissements et les employés. Depuis 2017 les radiologistes qui pratiquent dans des cliniques à gestion privée ne peuvent plus accepter un paiement privé (par exemple, un paiement par carte de crédit). Depuis la nouvelle mesure, les radiologistes ne peuvent qu'accepter la carte d'assurance maladie comme mode de paiement pour les échographies couvertes par le régime d'assurance maladie. Le tarif est donc fixé par une entente entre la partie syndicale et l'État et c'est la Régie de l'Assurance Maladie du Québec qui fait le paiement.

De plus, les cliniques doivent revoir leurs façons de trier les demandes de consultations, pour s'assurer que les échographies soient faites en fonction de l'urgence de celles-ci. Il ne faudrait pas que l'attente pour des échographies très urgentes ou urgentes augmente.

Une grogne pourrait éventuellement se manifester, face à l'allongement des listes d'attente pour ceux qui avant, avaient les moyens de se payer un accès prioritaire au privé. Si les listes d'attente s'allongent trop, pourrait-on voir l'émergence d'un regroupement organisé et bien financé, de patients favorables à une privatisation de certains soins de santé ? Ceux-ci pourraient-ils invoquer le jugement Chaoulli, pour permettre l'émergence d'un financement privé (via des assurances privées) des soins de santé ?

3. La promesse phare du Parti libéral du Québec (PLQ), d'un médecin de famille pour chaque Québécois, ne se réalisera pas.

Tel que je l'expliquais l'an dernier, les objectifs définis dans l'entente entre la FMOQ et le gouvernement de 2015 ne se sont pas réalisés. La même chose s'est produite en Colombie-Britannique, où le gouvernement provincial avait fait une promesse similaire en 2010, avant de se rendre compte en 2014 que la promesse serait impossible à réaliser.

Malgré les avertissements de plusieurs médecins du terrain, les actuaires du gouvernement et de la partie syndicale (FMOQ) ont sous-estimé notamment:

  • L'effet des retraites de médecins: Ceux-ci ont de très grosses clientèles que les jeunes médecins nouvellement gradués peuvent difficilement prendre en charge d'un seul coup.
  • La féminisation de la médecine: Les nouveaux médecins de famille sont à 75% des femmes entre 25-35 ans, donc débutant des familles et ayant recours à des congés de maternité, ce qui est tout à fait normal et souhaitable.

Mais surtout:

  • Le vieillissement de la population: Un patient âgé consulte plus souvent qu'un patient jeune et en bonne santé, donc un médecin ne peut pas suivre autant de patients qu'auparavant quand la population était plutôt jeune et ne consultait sporadiquement.

Le gouvernement provincial se prépare pour les élections, et celui-ci a donc permis en octobre la "pré-inscription" afin d'augmenter rapidement et artificiellement le taux d'inscription, taux qui est encore loin de la cible. La pré-inscription signifie que les médecins de famille peuvent inscrire des patients sans les voir. Bien que plusieurs patients en bonne santé ne bénéficiaient pas d'un rendez-vous simplement pour les aviser qu'ils étaient maintenant inscrits à un médecin de famille, la nouvelle mesure est purement comptable.

Je doute que les patients observeront un meilleur accès au système de santé avec cette mesure, puisque le "volume" total de soins est plutôt similaire aux projections effectuées avant l'arrivée au ministère de la Santé de Gaétan Barrette. Le système de santé fonctionne avec le même nombre de médecins arrivant sur le marché du travail (le ministre a récemment réduit dernièrement les places dans les facultés de médecine), et une journée compte toujours 24 heures.

À la veille des élections, le gouvernement jouera sur les mots en lançant des affirmations comme : un million de Québécois ont maintenant accès à un médecin de famille.

Donc, à la veille des élections, le gouvernement jouera sur les mots en lançant des affirmations comme : un million de Québécois ont maintenant accès à un médecin de famille. On devrait plutôt dire : 1 million de Québécois ont été inscrits par un médecin à la Régie de l'Assurance Maladie. Une inscription à un médecin de famille ne veut pas nécessairement dire que vous serez vu plus rapidement par celui-ci, ou que votre chirurgie ou vos tests cardiaques seront faits plus rapidement.

Officiellement, le taux "d'inscriptions" est passé de 69% à environ 78-79% à l'échelle provinciale. L'entente de 2015 visait un taux de 85% au 31 décembre 2017.

4. Les fermetures de petites urgences dans les régions rurales du pays.

Les fermetures temporaires de petites urgences en régions rurales, par manque de médecins, font particulièrement les manchettes en Nouvelle-Écosse et au Manitoba depuis quelques années. Au Québec, des organisations comme ROME (le Regroupement des médecins Omnipraticiens pour une Médecine Engagée) et l'AMUQ (Association des Médecins d'Urgence du Québec) dénoncent depuis 2014 qu'en transférant les médecins des urgences vers les GMF pour augmenter le nombre de Québécois inscrits à un médecin de famille, nous allions assister à des ruptures de services sporadiques de petites urgences québécoises.

C'est effectivement ce qui s'est passé dans plusieurs municipalités québécoises en 2017, notamment à Témiscaming, à Cap-de-la-Madeleine et à Paspébiac. À Paspébiac récemment, une enquête du coroner a été ouverte à la suite du décès d'un patient en arrêt cardiorespiratoire. L'urgence étant fermée la nuit, le patient a été transporté 80 km plus loin (à Maria) pour y recevoir des soins de réanimation.

Si le gouvernement souhaite maintenir ouvertes les petites urgences du Québec, il devra augmenter le nombre de médecins habilités à pratiquer dans les urgences de la province.

Tôt ou tard, les gouvernements devront affirmer clairement quelles municipalités sont considérées trop rurales pour y avoir des soins d'urgence de réanimation. Présentement, il n'existe pas de politique cohérente pour déterminer quelle municipalité a droit à des services d'urgence, et de quel type. Si le gouvernement souhaite maintenir ouvertes les petites urgences du Québec, il devra augmenter le nombre de médecins habilités à pratiquer dans les urgences de la province.

5. Les frais accessoires

Par un article dans la Loi20, le gouvernement du Québec a tenté de légaliser et "baliser" des frais accessoires pourtant illégaux au Canada.

Vers la fin de 2016, fut prise l'importante décision de réaffirmer le caractère public du système, et l'illégalité des frais accessoires. Cette décision est la conclusion du bras de fer entre le gouvernement fédéral et provincial, découlant d'une poursuite entamée par la Fédération de l'Âge d'Or du Québec (FADOQ) envers le gouvernement fédéral en 2016.

La FADOQ a poursuivi le gouvernement fédéral, pour forcer celui-ci à appliquer sa propre Loi fédérale sur la santé (LCS) et le forcer à intervenir au Québec. Le fédéral est intervenu au Québec en menaçant la province de réduire les transferts fédéraux en santé du même montant que celui prélevé illégalement auprès des patients québécois. Dès lors, afin d'éviter une diminution des transferts fédéraux, le gouvernement du Québec a été obligé de s'attaquer concrètement à la question des frais accessoires.

Sur le terrain, la plupart des cliniques se sont organisées avec les CISSS (les administrations régionales) pour mieux définir ce qui est couvert ou non. Les CISSS remboursent maintenant beaucoup des frais qui étaient auparavant assumés par les patients à l'hôpital et en cliniques médicales.

Cependant, il reste encore énormément de travail de négociation avec les fédérations médicales (surtout les associations de spécialistes qui ont besoin de coûteux équipements technologiques pour travailler, et qui finançaient leurs équipements par la facturation de frais accessoires aux patients). Les négociations visent à déterminer ce que le gouvernement du Québec considère médicalement requis et est prêt à payer (donc à déterminer ce qui est couvert par l'Assurance Maladie du Québec). Le reste devra sortir de la poche des patients.

Heureusement, en précisant la direction (le caractère public du système de santé canadien), le bras de fer fédéral-provincial fut l'amorce d'une résolution des zones grises où plusieurs abus étaient observés.

De plus, nous pourrions voir se multiplier les recours collectifs de groupes de patients contre le gouvernement, au fur et à mesure que le gouvernement reconnaît implicitement que des millions de dollars ont été facturés illégalement aux patients ces dernières années. Ces recours collectifs pourraient coûter cher au gouvernement provincial, lui qui a volontairement ignoré le problème pendant trop longtemps.

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