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L'UQÀM et le danger d'aller trop vite

Quel chemin est-il préférable pour exprimer la voix étudiante et plus largement celle du peuple?
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J'ai voté à toutes les fois que j'ai été appelé à le faire et je compte bien recommencer. Dans mon parcours d'implication politique que ce soit lors du printemps québécois, mon association étudiante de cégep où lors des campagnes électorales, voter m'a toujours semblé aller de soit.

Étudiant à l'UQÀM en science politique, je me retrouve dans ce que je qualifierais d'un des cœurs de la pensée ultra-progressiste québécoise et je suis donc exposé à la grande question de la démocratie. Référendum? Vote électronique? Assemblée générale? Quel chemin est-il préférable pour exprimer la voix étudiante et plus largement celle du peuple?

Je suis arrivé depuis peu, je ne peux pas prétendre connaître les associations étudiantes dans tous leurs détails, par contre le rejet de la démocratie libérale parmi les cercles les plus militants est un secret de polichinelle.

J'avais précédemment rédigé un article posant l'idée que la gauche radicale se replierait sur elle-même. J'ai peut-être négligé un peu la question de la brutalité d'État pouvant radicaliser certains esprits, mais avec la dissolution de l'AFESPED marquant clairement un écart entre les militants et les étudiants du quotidien, la grève générale illimitée lancée par l'association de sociologie contre le renvoi de 9 étudiants et très récemment le blocage forcé de cours, je continue de croire que le schéma que j'ai donné peut nous aider à comprendre la situation actuelle.

Dans cet article, je pose comme thèse que le manque de modération intrinsèque à la pensée libérale à l'UQAM est une des principales causes des situations que nous connaissons en ce moment et qui ne sont pas prêt de s'arrêter à moins qu'en tant qu'étudiants nous changions un peu les règles du jeu.

Platon et Schumpeter au café Aquin

Comment en sommes-nous arrivés à ce point à l'UQÀM? Si quelqu'un avait affirmé il y a quelques mois que l'AFESPED serait dissoute, il n'aurait pas été pris au sérieux. La grève actuelle ne semble pas connaître un grand succès, nous avons pris connaissance de ce document de l'ASSÉ proposant de repousser le mouvement à l'automne pour s'allier avec les centrales syndicales. Devant ce qu'on pourrait qualifier d'un appel au réalisme, nous avons pu lire sur différents forums un rejet très clair de cette idée par les plus convaincus des militants. De toute façon, les associations les plus radicales de l'UQAM envisagent une GGI contre ce qui est qualifié de « purges politiques » et ce même si plusieurs professeurs ont exprimé quelques mises en garde sur les vertus du mouvement et des pratiques douteuses lui étant liées. Platon s'aperçoit de cela et explique qu'il s'agit d'un processus psychopolitique normal, l'homme démocratique finissant par devenir l'homme tyrannique. Selon lui, le fait que l'UQAM se soit dotée de la démocratie directe finit par faire le lit de la pensée autoritaire.

« Ils ne laissent pénétrer l'aide alliée, pas plus qu'ils n'accueillent l'ambassade des paroles de bon conseil de particuliers plus âgés. (...) La modération, qu'ils invectivent en la taxant de lâcheté, ils la rejettent en la couvrant d'injures et ils expulsent la mesure et la discipline dans la dépense, en persuadant le jeune homme, en lui donnant pour cortège une multitude de désirs inutiles, qu'il s'agit d'attitudes de paysans et indignes d'un homme libre. » (PLATON, « La république », Éditions Flammarion, 2004, p. 429)

Devant cette forme de déterminisme politico-historique, Schumpeter reste sceptique. Il revient sur la rhétorique radicale entretenue dans les milieux les plus militants et sur le mouvement actuel dont les revendications semblent non seulement confuses, mais être trop éloignées des demandes syndicales traditionnelles :

« Ne disposant d'aucune autorité authentique et se sentant constamment exposé au risque de se voir invité sans ambages à se mêler de ce qui le regarde, l'intellectuel doit flatter, promettre, surexciter, soignes les ailes gauches et les minorités gueulardes, prendre à cœur les cas douteux et submarginaux, pousser aux revendications extrêmes, se déclarer lui-même prêt à obéir en toute circonstance (...) Ainsi, bien que les intellectuels n'aient pas créé le mouvement ouvrier, ils l'ont néanmoins pétri jusqu'à le transformer en quelque chose qui diffère substantiellement de ce qu'il aurait été sans eux. » (SCHUMPETER Joseph, « Capitalisme, socialisme et démocratie », Éditions Payot, 1965, p. 215)

De cette discussion entre le philosophe et l'économiste, nous détenons selon moi quelques clés de compréhension supplémentaire à la situation actuelle. Une fois que cela est dit, je pense qu'il est temps de proposer quelques pistes de solutions pour résoudre la situation actuelle, et ce pour le mieux de la démocratie étudiante puis du militantisme.

Les bienfaits de la concurrence démocratique

Parmi les nombreux aspects positifs d'un système de vote, le plus important me semble avoir été relevé par l'ancienne première ministre du Pakistan, Benazir Bhutto, dans Pour une réconciliation, l'Islam, l'Occident et la démocratie (Éditions Héloise d'Ormesson) : « La démocratie empêche les extrémistes de respirer. »

Nous pouvons constater que la démocratie directe ne remplit pas ce rôle. Bien au contraire, le système démocratique de l'UQAM pose le problème qu'il n'existe pas de compétition entre différents points de vue ayant la dynamique de modérer les propositions. Le fait que des oppositions organisées tentent de convaincre le plus grand nombre les porte à tenir un discours plus réaliste et les oblige à rester sur des enjeux concrets. Par contre, l'idée de campagne avant un vote peut pousser les militants à se surpasser et à pouvoir être encore plus fort avec un résultat positif. Quoi que certains en pensent, un référendum donnant 55% d'appui à la grève avec un taux de participation référendaire de 70% aura toujours plus d'impact qu'un vote d'appui à 75% dans une assemblée générale comptant 10% des membres. La dissolution de l'AFESPED n'aurait jamais eu lieu en AG. S'il y avait eu une assemblée, il y a fort à parier que bons nombres d'interventions auraient été de nature idéologique par exemple sur l'importance de la contestation en soit. Lors de la campagne référendaire, les tracts d'un côté comme de l'autre ne portaient que sur les points spécifiques au débat. Je pense qu'en cette période de troubles à l'interne, il serait plus judicieux de favoriser des référendums en laissant le soin aux étudiants de discuter entre eux des aboutissants d'un litige. En plus d'augmenter le taux de participation, le référendum a comme aspect positif que la personne peut voter la tête froide. Je ne suis pas convaincu qu'un étudiant venant de vivre 5 ou 6 heures d'assemblée générale, avec toute l'émotion que cela comprend et le bombardement idéologique soit en bonne posture pour voter selon ce qu'il perçoit comme ses intérêts.

Pour prendre certaines décisions importantes, cela peut demander du temps et c'est pour cela aussi que les référendums sur une durée d'une semaine sont préférables aux assemblées générales d'une demi-journée. En d'autres termes, le référendum permet d'évacuer l'émotion de la politique pour faire plus de place à la rationalité. Étant un compromis entre la démocratie représentative et la démocratie directe menant toute les deux à une crise de la représentativité, l'exercice référendaire me semble la clé pour sortir de la crise de l'humanisme actuelle et constitue le meilleur espoir pour le mouvement étudiant à long terme.

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