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Darrell Cannon, survivant de la torture

Lors d'une visite à Chicago, j'ai eu l'immense privilège de faire la connaissance de Darrell Cannon, un homme courageux, déterminé et généreux. Il a pris le temps de nous raconter sa douloureuse histoire. Il nous a invité à la faire connaître, ce que je vais tenter de faire tout en étant conscient que je ne peux rendre compte de toutes les atrocités qu'il a vécues.
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Lors d'une récente visite à Chicago, j'ai eu l'immense privilège de faire la connaissance de Darrell Cannon, un homme courageux, déterminé et généreux. Il a pris le temps de nous raconter sa douloureuse histoire. Il nous a invités à faire connaître cette histoire, ce que je vais tenter de faire dans ce billet, tout en étant conscient que je ne peux rendre compte de toutes les atrocités qu'il a vécues. S'il est important de dénoncer ces atrocités et de rétablir la justice pour les personnes concernées, nous avons aussi certaines leçons à tirer de cette histoire.

Son histoire

L'histoire de Darrell Cannon, c'est aussi celle de plus de 110 hommes afro-américains, qui ont été victimes de torture aux mains du commandant Jon Burge et son équipe de détectives blancs travaillant au sein des services policiers de Chicago. Entre 1972 et 1991, ces hommes leur ont infligé des sévices physiques et sexuels, incluant la brutalité, les chocs électriques aux organes génitaux, la suffocation avec des sacs de plastique, la pénétration anale avec des bâtons, ainsi que la privation de sommeil et de salle de bain. La torture ne se limitait pas aux sévices physiques et sexuels; elle incluait également la violence verbale et psychologique. Par exemple, l'endroit où les policiers infligeaient des chocs électriques était décrit comme la "boîte à nègres" et des hommes ont été menacés de se faire pendre "comme les autres nègres", ce qui renforce le caractère raciste de cette torture. Darrell Cannon et ces autres hommes ont été victimes de torture parce qu'ils étaient noirs.

Darrell Cannon, comme plusieurs de ces hommes, a été jugé et reconnu coupable d'un crime sur la base d'une confession obtenue sous la torture. Il a été incarcéré pendant plus de deux décennies. Il nous a d'ailleurs partagé la douleur physique et psychologique subie lors des incidents de torture, ainsi que les épreuves vécues lors de son incarcération - incluant la perte de plusieurs membres de sa famille - et les défis rencontrés lors de sa libération.

Jusqu'à maintenant, aucun de ces policiers n'a été reconnu coupable pour les atrocités qu'ils ont commises, malgré l'abondance de preuves démontrant l'existence d'un tel système.

Darrell Cannon s'identifie maintenant comme un survivant de la torture. Il raconte, avec une certaine fierté, comment il a survécu à ces atrocités et comment il continue de résister face à un système qui légitimise le racisme, même dans ses formes les plus extrêmes. Il a brisé le silence. Avec d'autres survivants et des alliés dans la communauté, il exige réparation pour tous les hommes qui ont été victimes de torture, incluant l'accès à un procès juste et équitable.

Quelles leçons en tirer ?

Après avoir écouté la douloureuse histoire de Darrell Cannon, avoir exprimé notre tristesse, notre colère et notre admiration, nous nous sommes demandé si une telle situation pourrait se produire au Canada. J'aimerais croire que cela est impossible, que nos policiers seraient incapables d'une telle cruauté. Mais la majorité des citoyennes et des citoyens de Chicago ne croyaient pas qu'un tel système pouvait être en place dans leur ville... D'ailleurs, n'est-ce pas une des attitudes les plus dangereuses, que de croire que nous sommes à l'abri d'une telle situation? Serions-nous même prêts à prendre au sérieux les propos d'une personne qui dénoncerait une situation similaire au Canada ?

Certes, le contexte canadien est différent du contexte américain, où les inégalités sociales sont encore plus marquées et où les taux d'incarcération sont beaucoup plus élevés, surtout parmi les groupes racisés. Cependant, le Canada n'est pas exempt d'inégalités sociales. Si le racisme est présent dans les comportements individuels, il est aussi soutenu par des structures et des institutions, comme en témoigne la surreprésentation de groupes minoritaires (minorités visibles, Autochtones, etc.) dans les systèmes de protection de l'enfance, dans les prisons et dans les pénitenciers. Plusieurs groupes ont aussi dénoncé les pratiques de profilage utilisées par plusieurs services policiers. L'oppression peut se manifester de manière extrêmement violente, comme dans les cas de torture, mais elle se manifeste souvent de manière plus subtile et insidieuse, étant ainsi moins visible et plus difficile à dénoncer.

Dans ce contexte, il est important de demeurer vigilant face aux injustices qui peuvent être présentes dans notre système de justice et de dénoncer celles qui sont portées à notre attention, en alliance avec les individus et les groupes directement concernés. Il est aussi essentiel de lutter contre les inégalités sociales qui font en sorte que certains groupes sont plus susceptibles de se retrouver dans le système de justice. De manière plus générale, il faut s'interroger sur le racisme "ambiant" et sur la persistance des privilèges que notre société accorde aux personnes blanches.

Si, comme personnes blanches, nous ne pouvons réellement comprendre l'expérience du racisme au quotidien, nous pouvons tenter de nous positionner comme des alliés dans la lutte contre le racisme. Darrell Cannon nous rappelait d'ailleurs que, si nous fermons les yeux et ne dénonçons pas le racisme, nous faisons partie du problème.

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