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Québec, une capitale en mutation

Québec est une ville dynamique dont le tissu économique et démographique est en pleine mutation. Pour la première fois, Québec attire plus de migrants venant de Montréal qu'elle n'accuse de pertes de population vers la métropole: en 2010, 2167 personnes ont quitté Québec pour Montréal, mais 2247 ont pris le chemin inverse; et 1614 personnes ont quitté la Montérégie vers Québec contre 1423 dans le sens opposé.
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Flickr: satanoid

La ville de Québec n'est plus une capitale provinciale tranquille, caractérisée par ses grands ormes majestueux peints par Marc-Aurèle Fortin, sa bourgeoisie empesée de la haute ville, sa fonction publique omniprésente, sans oublier ses quartiers ouvriers de la basse ville et ses couvents typiques du Canada français d'autrefois.

Une ville qui change

Québec est une ville dynamique dont le tissu économique et démographique est en pleine mutation. Pour la première fois, Québec attire plus de migrants venant de Montréal qu'elle n'accuse de pertes de population vers la métropole: en 2010, 2167 personnes ont quitté Québec pour Montréal, mais 2247 ont pris le chemin inverse; et 1614 personnes ont quitté la Montérégie vers Québec contre 1423 dans le sens opposé.

Québec et sa grande banlieue comptent plus de 700,000 personnes, mais la ville attire encore peu d'immigrants internationaux, soit un peu plus de 2000 personnes par année depuis six ans. Bien qu'étant en croissance, ce nombre reste très faible, ce qui place Québec loin derrière Montréal, mais aussi loin derrière des villes canadiennes de taille comparable comme Halifax, Winnipeg ou Edmonton. Assez pour faire vivre une équipe de hockey de la Ligue nationale? Le maire y travaille, les gens d'affaires ville le croient et les citoyens de la ville en rêvent.

Fusion réussie

Québec a réussi en moins de 10 ans la fusion des villes autrefois dites de banlieues, devenues en peu d'années autant de quartiers qui trouvent peu à peu une nouvelle identité dans un ensemble intégré. Les élus et les opposants en dehors du Conseil municipal débattent sur les grands enjeux urbains -le nouveau Colisée, l'agrandissement du Musée national des beaux-arts, le futur tramway, les écoquartiers et j'en passe- sans s'empêtrer dans les chicanes de clochers d'autrefois.

Qui plus est, les anciennes banlieues comme Sainte-Foy, Charlesbourg et Beauport ont même trouvé un nouveau souffle comme entités de la nouvelle ville. Ainsi, Sainte-Foy se redéploie comme nouveau centre des affaires avec ses édifices à bureau qui s'imposent dès l'entrée dans la ville par le boulevard Laurier qui, soit dit en passant, sera revampé en priorité dans les prochains mois. Québec va notamment y planter des arbres- des ormes majestueux?- et construire des trottoirs, ce que n'avait pas eu le cœur de faire l'ancienne administration d'avant la fusion.

Embellir la ville

On doit à l'administration de Jean-Paul Lallier (1989-2005) un virage majeur: l'embellissement des quartiers de la ville. Ce maire avait donné priorité à la revitalisation du quartier Saint-Roch: une réussite, mais qui comportait encore bien des défis à relever, dont celui du transport en commun pour y amener les travailleurs. L'administration Labeaume a repris le chantier. La ville s'est occupée de refaire l'aménagement public des lieux et elle a influencé le développement du quartier (sièges sociaux d'institutions universitaires comme l'ENAP et l'INRS, entreprises de technologies, etc.). La ville poursuit ses efforts dans d'autres quartiers, avec l'aide de la Commission de la Capitale nationale.

Nouveau tissu économique

Au cours des dernières années, des changements majeurs sont survenus sur le plan économique. Le taux de chômage est bas à Québec -seulement 5,2% en décembre 2011 (7,7% le même mois dans tout le Québec)- et l'un des moins élevé dans tout le Canada. Le taux d'emploi y est aussi plus élevé (+4,4%). Ces chiffres témoignent du renouveau qu'a connu la ville depuis 15 ans. Le taux de chômage a augmenté en début 2012, mais la tendance de fond qui distingue la ville de Québec reste la même.

Regardons les derniers chiffres donnés pas l'Institut de la statistique du Québec. Entre 2007 et 2011, l'emploi dans le secteur de la production des biens a progressé de 14,7 % dans la ville de Québec et sa région immédiate alors qu'il a régressé de 11,8% dans la région montréalaise. L'emploi dans les services a augmenté de 5,8% dans les services à Québec et de 3,3% à Montréal.

Recul de l'administration publique

La ville de Québec applique-t-elle en fait les idées de Richard Florida? (Dont la pensée est contestée, je le sais.) Je résumerai sa thèse comme suit: si le cadre urbain est agréable et si la ville est dynamique sur les plans culturel et scientifique, elle va attirer des entreprises et des emplois de haut niveau, attirer selon ses mots la classe créative. La thèse est séduisante, mais n'apparaît pas comme une condition suffisante, surtout dans le cas d'une ville de taille moyenne comme Québec. Je pencherais plutôt pour une autre explication, celle de l'économiste montréalais Mario Polèse afin de rechercher ce qu'il y a de spécifique à Québec.

Polèse avance le raisonnement classique d'un économiste. «Le recul de l'État dans l'économie locale aurait donc permis à la région de Québec de retrouver un marché du travail 'normal' où les salaires sont le reflet 'juste' de son avantage compétitif.» Le chercheur de l'INRS a analysé l'évolution de l'emploi et il a observé que la source de la croissance de l'emploi ne se trouve plus dans l'administration publique qui stagne depuis 30 ans. Elle se trouve dans le secteur manufacturier --touché cependant par l'actuelle récession dont il est victime au Québec comme au Canada -- et dans le secteur des services supérieurs (secteur financier, services professionnels et scientifiques, secteurs de l'information et de la culture).

La grande région de Québec a suivi la tendance des économies urbaines développées, avance Polèse, mais avec deux particularités qui lui sont propres: elle est la capitale d'une grande région dynamique comme en témoigne sa mutation depuis plus d'un siècle et la vie y est moins chère qu'à Montréal pour y développer l'économie du savoir.

Une ville d'une certaine taille peut offrir plusieurs avantages d'une grande métropole, mais sans en être une ni sans en présenter les désavantages (congestion routière, coûts élevés de la vie et en particulier prix élevé des logements). Ce serait le cas de Québec, qui dispose d'une offre intéressante et dynamique sur le plan culturel, d'un cadre de vie agréable, des équipements sportifs (ski et activités de plein air à proximité) et des logements encore abordables, sans oublier les institutions d'enseignements. Ces atouts, et en particulier les avantages financiers comparatifs mis en évidence par le chercheur, ont attiré de nouvelles entreprises tant dans la production de biens que de services, notamment financiers.

Expliquer le mystère de Québec

Nous avons expliqué dans notre essai sur Québec que les citoyens de cette ville avaient donné un faible appui au camp du OUI au Référendum de 1995 et fait défection vis-à-vis des partis souverainistes par la suite pour deux raisons: leur ville est déjà la capitale dynamique d'un État - provincial certes, mais d'un État important quand même - et ils ne sentent pas que le français y est menacé, contrairement à ce qui se passe à Montréal. L'analyse qui précède et les travaux de Polèse en particulier (que nous avons sommairement exposés) ajoutent un autre élément d'explication. «C'est plutôt rare qu'une région en croissance avec un marché du travail dynamique vote à gauche», soutient ce dernier. Il faudra revenir sur ces hypothèses dans un autre billet.

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