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Péages à Montréal: non au PPP, oui au débat

En attendant l'élection de gouvernements moins obtus, la question se pose : vaut-il mieux un mauvais péage, mal conçu et mal foutu, que pas de péage du tout?
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Le gouvernement conservateur continue de faire la sourde oreille : il y aura un péage sur le nouveau pont Champlain, qui sera administré via un partenariat public-privé (PPP). Le projet est dénoncé de tous les côtés : à Québec, autant le Parti libéral (par la voix du nouveau ministre des Transports, Robert Poëti) que le Parti québécois (par celle de l'ancien titulaire du ministère, Sylvain Gaudreault) ont rejeté l'idée d'un péage. À Ottawa, le Nouveau parti démocratique claironne haut et fort son opposition, tandis que le Parti libéral attaque le PCC (mais refuse de se positionner clairement). Le maire de Montréal, ainsi que ses collègues de la grande région métropolitaine ont ajouté leurs voix au concert de critiques.

Évidemment, il y a des raisons électorales à ce positionnement stratégique. On le sait, des élections au Québec (fédérales ou provinciales), ça se gagne en banlieue. Sur ces échiquiers politiques, Montréal est quantité négligeable. Les électeurs qu'il faut séduire (et à qui il faut dire ce qu'ils veulent entendre) vivent sur les rives nord et sud du Saint-Laurent, pas sur l'île. Il est donc de bon ton de s'opposer à un projet impopulaire dans ces régions, quel que soit son mérite propre. Stephen Harper et les conservateurs ayant mis une croix sur le Québec depuis longtemps, ils peuvent se permettre de briser cette règle et, ce faisant, flatter leurs électeurs du ROC dans le sens du poil. Mais il serait simpliste de limiter l'analyse de cet enjeu à la simple joute politique. Il y a plus.

On peut, et on doit certainement, dénoncer le traitement bancal et arbitraire que le gouvernement Harper a réservé à ce dossier. Un péage sur un seul des ponts qui relient Montréal à ses banlieues ne fait évidemment aucun sens. On peut légitimement croire qu'il causerait des bouchons apocalyptiques sur les autres ponts de la Rive-Sud, beaucoup d'automobilistes choisissant un pont « gratuit » plutôt que le seul pont payant pour se rendre au travail et en revenir. De plus, le format PPP rend impossible l'investissement des sommes prélevées dans le transport en commun et dans le maintien de nos autres infrastructures routières, qui en ont bien besoin. Un pont d'une telle importance névralgique doit par ailleurs être de propriété publique. Bref, le dossier a été complètement bâclé par Denis Lebel, qui a laissé l'idéologie conservatrice l'emporter sur les proverbiales vraies affaires et, disons-le, le sens commun. Pas de doute là-dessus.

Mais doit-on pour autant écarter le concept même du péage pour financer nos infrastructures de transport? Si nous voulons être sérieux dans notre lutte contre les gaz à effet de serre, nous devons réduire drastiquement notre consommation de pétrole et donc, conséquemment, stimuler l'usage des transports publics pour les déplacements au quotidien. De la même manière, pour favoriser la densification des centres et réduire l'étalement urbain, nous devons privilégier les transports en commun devant les infrastructures autoroutières, qui repoussent toujours plus loin les frontières de la banlieue.

Il y a plusieurs moyens d'y parvenir, mais tous auront un impact sur notre mode de vie. Aucun n'est parfait, et tous signifient une ponction dans la poche des usagers de la route. Le péage en est un, à la condition qu'il soit bien intégré sur l'ensemble des axes autoroutiers de la région, qu'il répartisse les coûts de manière équitable entre les utilisateurs, et que les fonds qu'il génère soient versés de manière aussi équitable dans les infrastructures de transport des municipalités de la région. Le fiasco du pont de l'autoroute 25 entre Montréal et Laval, ainsi que la gestion calamiteuse du dossier Champlain par les conservateurs, nous ont déjà enseigné quoi ne pas faire. Il ne nous reste qu'à faire mieux. Quelques idées : créer un fonds dédié et transparent où les citoyens sont à même de constater où vont les fonds récoltés, rapatrier la gestion dans le secteur public, réduire ou éliminer le péage pour les « covoitureurs » ou les utilisateurs d'autopartage, etc.

Il y a aussi la voie de la taxe sur l'essence. La théorie économique nous enseigne que, lorsqu'on augmente le prix d'un bien, la demande baisse. En ce qui concerne l'essence, c'est notre objectif : on doit réduire notre consommation. Ceci reste toutefois vrai seulement dans la mesure où les biens alternatifs, soit ceux qu'on achète en remplacement (le transport en commun, dans le cas qui nous occupe), soient rendus aisément disponibles.

Ceci est très important : les fonds récoltés doivent impérativement servir à la création d'alternatives de transport en commun, afin de permettre aux résidents du Grand Montréal de faire la transition de l'auto vers les transports publics, lorsque c'est possible. Nous savons déjà que le prix n'est qu'un seul des multiples facteurs qui président au choix d'un mode de transport. L'accessibilité, la fiabilité, le confort et la rapidité en sont d'autres, dont il faut aussi se préoccuper. En effet, le transport en commun est déjà, dans la très vaste majorité des cas, significativement moins cher que l'achat et l'entretien d'une voiture privée. Pour convertir ces « navetteurs » d'un mode à l'autre, il faudra utiliser d'autres arguments que le prix.

Notons aussi que nous pourrions utiliser le levier des frais de stationnement comme incitatif au transport en commun, via sensiblement la même mécanique, comme on le fait déjà avec les stationnements incitatifs existants autour des principaux axes de transport collectif.

Quel que soit le choix politique que nous ferons, nous devons réaliser qu'il y a urgence d'agir. Pour faire court, nous avons besoin d'une révolution. Le secteur des transports est, et de loin, le secteur économique le plus polluant au Québec. Il contribue de manière disproportionnée à nos émissions de gaz à effet de serre, en plus d'encombrer nos rues par la multiplication des bouchons de circulation. Notre culture du « tout-à-l'auto », surtout en solo, est ici à blâmer. Nous payons aujourd'hui le prix, parce que nous avons manqué de vision et nous n'avons pas fait nos devoirs sur le plan urbanistique, et ce pendant des décennies. Ces embouteillages, devenus à la longue synonymes de vie urbaine, représentent un poids énorme pour notre économie en plus d'être une menace à notre santé.

Il est inutile, sinon contre-productif, de s'asseoir sur nos mains en attendant qu'une solution aisée tombe du ciel. Car en attendant, le statu quo signifie l'ajout de dizaines de milliers de véhicules sur nos routes chaque année. À ce rythme, c'est non seulement la qualité de l'air ou le nombre d'accidents de la route qui deviendront préoccupants : on risque carrément de manquer d'espace physique pour caser toutes ces voitures! Ce n'est pas compliqué : le réseau routier montréalais est saturé, pour ne pas dire sur-saturé.

Alors, en attendant l'élection de gouvernements moins obtus, la question se pose : vaut-il mieux un mauvais péage, mal conçu et mal foutu, que pas de péage du tout? Je le répète, le statu quo est intenable. Que ceux qui ont de meilleures idées se lèvent, parce que le temps presse.

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