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Loi électorale, DGEQ et Équiterre: serait-il temps de mettre à jour la Loi?

La solution pourrait passer par une mise à jour de la Loi électorale, afin qu'elle soit cohérente avec la réalité des télécommunications au 21e siècle.
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La Loi électorale est entrée en vigueur en 1989 et plusieurs articles sur les dépenses électorales n'ont pas été mis à jour depuis. À cette époque, les cellulaires étaient rares et l'internet un phénomène marginal connu par bien peu de gens.
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La Loi électorale est entrée en vigueur en 1989 et plusieurs articles sur les dépenses électorales n'ont pas été mis à jour depuis. À cette époque, les cellulaires étaient rares et l'internet un phénomène marginal connu par bien peu de gens.

Le 14 septembre dernier, le Directeur général des élections Québec (DGEQ) a mis en demeure Équiterre, afin que l'OSBL retire de son site internet le comparatif des politiques environnementales des quatre partis présents à l'Assemblée nationale. L'exercice ayant été fait lors des élections précédentes, le geste a surpris plusieurs observateurs politiques. Cela semble démontrer un changement dans l'interprétation du DGEQ de la Loi électorale.

Essentiellement, le DGEQ reproche à l'organisme d'avoir fait une dépense électorale non autorisée. Durant la campagne électorale, seuls les agents officiels peuvent procéder à de telles dépenses et ils doivent respecter des règles strictes.

L'article 402 de la Loi précise qu'une dépense électorale est, entre autres, le «coût de tout bien ou service utilisé pendant la période électorale» pour soi:

1°favoriser ou défavoriser, directement ou indirectement, l'élection d'un candidat ou celle des candidats d'un parti;

2° diffuser ou combattre le programme ou la politique d'un candidat ou d'un parti.

En quoi le comparatif publié serait-il une dépense électorale?

Le DGEQ avance deux raisons.

Premièrement, en prenant compte des prédispositions d'Équiterre eu égard à la protection de l'environnement, il y aurait une intention de favoriser ou de défavoriser l'élection des partis sondés. Ainsi, selon le DGEQ, la comparaison des positions politiques favoriserait ceux qui proposent un programme plus ambitieux en la matière.

La simple diffusion des politiques des partis constitue une dépense électorale. Il n'est pas nécessaire de rapporter ou commenter la position d'un parti positivement ou non pour qu'il y ait infraction.

Deuxièmement, la simple diffusion des politiques des différents partis constitue une dépense électorale. Ainsi, il n'est pas nécessaire de rapporter ou commenter la position d'un parti positivement ou négativement afin qu'il y ait infraction. Le DGEQ se base sur le 2 paragraphe de l'article 402: «diffuser ou combattre le programme ou la politique d'un candidat ou d'un parti.» Le DGEQ fait ici une interprétation littérale de la loi.

La première partie de l'article 402 soulève par contre une autre question: est-ce que la publication du document implique «nécessairement un cout», comme l'affirme le DGEQ?

À propos de l'utilisation d'un site web pour la diffusion, il est vrai qu'Équiterre doit nécessairement débourser des sommes pour l'hébergement d'un site internet. Mais supposons qu'Équiterre avait enregistré le document sur un site gratuit et diffusé celui-ci essentiellement à l'aide des médias sociaux (Twitter, Facebook, etc.). Pourrait-on alors parler de coûts, de dépenses électorales?

La Loi électorale est entrée en vigueur en 1989 et plusieurs articles sur les dépenses électorales n'ont pas été mis à jour depuis.

Peut-être il existe dans la loi un flou sur cette question. La Loi électorale est entrée en vigueur en 1989 et plusieurs articles sur les dépenses électorales n'ont pas été mis à jour depuis. À cette époque, les cellulaires étaient rares et l'internet un phénomène marginal connu par bien peu de gens. Procéder à une diffusion de masse, comme par la distribution de pamphlets ou la location de panneaux publicitaires, avait un certain coût.

Bref, la loi présumait que toute diffusion, considérant les moyens nécessaires afin de diffuser, était nécessairement une dépense. Maintenant, la diffusion d'informations sur les médias sociaux se fait gratuitement, à la condition d'avoir un accès Internet et un ordinateur. Est-ce que la loi devrait permettre la diffusion, par des tiers, des programmes politiques (sans biais positif ou négatif), ou encore ce type d'activité devrait être restreinte, même s'il n'y a pas nécessairement de coûts qui y sont attachés ?

Quels sont les objectifs de la Loi électorale?

Dans l'arrêt DGEQ c. Piché de la Cour d'appel du Québec, on nous rappelle que «la qualité du processus démocratique exige le maintien d'un équilibre de forces entre les différents candidats [...]. L'objectif visé par les règles de financement [...] s'inscrit donc dans la promotion d'un mode électoral dit égalitaire».

Bref, on vise à empêcher que certains candidats puissent être financièrement favorisés. Pour ce faire, il est nécessaire de limiter non seulement les sommes dépensées par les candidats, mais également par les tiers, qui peuvent avoir des intérêts économiques ou idéologiques d'appuyer un candidat au cours de la campagne électorale.

Le paragraphe 2 de l'article 402, qui porte sur la diffusion des politiques des candidats, était conséquent avec l'objectif de la loi, car l'argent joue un facteur dans la capacité de diffusion des idées. Mais avec les médiaux sociaux, il est maintenant possible d'émettre des idées à peu de frais, voire gratuitement. Par exemple, n'importe qui pourrait créer un «Twitter bot», afin de retweeter à une très grande fréquence les idées d'un parti.

Si la loi est désynchronisée par rapport par rapport à son époque, il est possible que les actions du DGEQ le soient également.

Peut-être que le DGEQ a simplement décidé de faire appliquer la loi et qu'il existait auparavant un certain laxisme. Ceci dit, le DGEQ se base sur la Loi électorale. Son champ d'action est défini par celle-ci. Si la loi est désynchronisée par rapport par rapport à son époque, il est possible que les actions du DGEQ le soient également.

Ainsi une révision des règles encadrant les dépenses électorales serait nécessaire. Les tiers ont le droit de se positionner politiquement, mais ne peuvent faire des dépenses électorales. Ils sont donc en droit de savoir ce qui est qui considéré comme une dépense électorale et ce qui ne l'est pas. Et peut-être que la solution passe par une mise à jour de la Loi électorale, afin qu'elle soit cohérente avec la réalité des télécommunications au 21 siècle.

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