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La grande fluctuation naturelle a un prix: 100 000 $

Les climato-sceptiques nous demandent de croire que le réchauffement n'est rien de plus qu'une grande fluctuation naturelle d'origine solaire. Oui, nous pouvons la rejeter de manière scientifique.
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Bien que la communauté scientifique admette que l'activité humaine, particulièrement l'émission de gaz à effet de serre, soit la cause principale du réchauffement planétaire depuis l'ère industrielle, les climato-sceptiques ont continué de dénigrer les modèles climatiques numériques et de prétendre au biais des données climatiques.

L'explication sceptique classique était visible sur un panneau publicitaire des «Amis de la science»: «Le soleil est la cause principale du changement climatique. Pas vous. Pas le CO2.»

De ce fait, on nous demande de croire que le réchauffement n'est rien de plus qu'une Grande fluctuation naturelle (GFN) d'origine solaire.

Jusqu'à maintenant, les sceptiques ont simplement invoqué les théories de GFN sans jamais proposer de modèles concrets. Il était ainsi difficile de réfuter leur position fuyante. En novembre dernier, un tel modèle de GFN a été proposé par le statisticien et climato-sceptique britannique Douglas Keenan sous la forme d'un ensemble de 1000 séries issues d'un «modèle statistique sans tendance ajusté à une série de températures globales».

Suite à une présentation par Keenan en 2014 devant la chambre des Lords du Parlement britannique, ces séries furent rendues disponibles comme un casse-tête statistique avec un prix de 100 000 $ à quiconque pourrait identifier les tendances ajoutées de manière aléatoire à certaines des séries avec 90 % de succès. L'objectif de Keenan est avant tout de démontrer que «toute prétention de conclusions statistiques à partir des données climatiques est intenable. En particulier, il n'y a aucune évidence observationnelle d'un réchauffement climatique statistiquement significatif.»

Notre groupe de recherche à l'université McGill vient de publier dans Geophysical Research Letters (GRL) une analyse détaillée du modèle de Keenan montrant que bien qu'il puisse être compatible avec les données annuelles et globales de température depuis 1880, il est largement incompatible avec nos connaissances des températures pré-industrielles.

En particulier, la théorie d'une GFN implose quand elle est testée sur des reconstructions de température couvrant la période 1500-1900. Ces reconstructions «multiproxy» sont produites à l'aide de milliers de séries provenant de diverses sources, comme les anneaux de croissance d'arbres, les puits de forage, les carottes de glace et les sédiments lacustres, pour ne nommer que quelques-uns de ces indicateurs de températures passées.

Par exemple, le groupe a montré que la variabilité du modèle de Keenan est si forte pour des périodes multi-centenaires qu'une simple extension produirait pratiquement un nouvel âge glaciaire chaque millénaire. De plus, alors que la variabilité centenaire typique pour la température pré-industrielle est d'environ 0,2°C, celle du modèle de Keenan est 3 à 5 fois plus élevée.

À noter, pour ceux intéressés à gagner de l'argent: nous montrons dans le supplément comment essayer de gagner le concours.

Ironiquement, le concours de Keenan fut inutile dès sa conception: en 2014, notre groupe avait déjà publié une analyse démontrant que la probabilité que le réchauffement de l'ère industrielle soit une GFN est moins de 0,1%. Cette analyse prenait même en compte la possibilité d'une fluctuation extrême improbable, «un cygne noir», qui n'avait jamais été considérée; sous l'hypothèse conventionnelle d'une distribution normale, la probabilité d'une GFN tombait à moins d'une chance sur un million.

Keenan voulait attirer l'attention sur la méthode de quantification de l'incertitude adoptée par le Groupe international d'experts sur le climat (GIEC) dans leur cinquième rapport en 2013. Techniquement, il s'agissait de savoir si l'on assumait une corrélation faible ou forte dans les séries de résidus, c'est à dire les séries obtenues après avoir soustrait une tendance à une série initiale. Le GIEC a convenu d'une hypothèse conventionnelle de faible corrélation, alors que le modèle de Keenan implique de fortes corrélations; les tendances obtenues, et leurs incertitudes, en dépendent jusqu'à un certain point. Malgré tout, l'article publié par notre groupe dans GRL démontre que bien que le choix de l'hypothèse par rapport à la corrélation, faible ou forte, soit scientifiquement important, les conséquences de cette hypothèse sur l'analyse statistique du réchauffement anthropique sont relativement marginales.

Pour répondre à M. Keenan, oui, nous pouvons rejeter de manière scientifique l'hypothèse d'une grande fluctuation naturelle à l'aide de nos méthodes statistiques innovatrices et fiables.

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