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Le Malcom X de l'Arabie sera-t-il libéré?

Co-fondateur du Liberal Muslim Network en Arabie Saoudite, Raif Badawi est emprisonné à Djeddah depuis juin 2012. Arrêté à l'origine pour insulte envers la police religieuse et pour crime d'apostasie (dont le châtiment est la décapitation) en décembre 2013, une cour d'appel a décidé qu'il fallait fournir plus de preuves pour maintenir l'accusation d'apostasie, Badawi ayant déclaré au juge qu'il est musulman.
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De hauts dignitaires religieux d'Arabie saoudite ont dernièrement déclaré que la bande dessinée et le dessin animé «Les 99», des super-héros inspirés de l'islam, étaient le «travail du diable que les musulmans ne devraient pas regarder».

Ce n'est pas surprenant. Après tout, «Les 99», produits par la maison d'édition Teshkeel Media Group, mettent en scène des super-héros féminins. Récemment, Marvel Comics a aussi ajouté une nouvelle super-héroïne musulmane américaine nommée Kamala Khan, alias la nouvelle Miss Marvel. Kamala Khan, dont le caractère est comparé à celui de Peter Parker, possède des super pouvoirs, tel que celui de pouvoir changer de forme, et s'exprime en lançant des phrases comme «je suis Kamala Khan et je suis ici pour nettoyer les lieux. Je te dirais bien "Tu me cherches, tu me trouves" mais j'ai l'impression que ça ne t'arrêtera pas.»

Dans un pays où les femmes ne sont pas autorisées à conduire, les filles ne sont donc pas censées imaginer qu'elles puissent, dans le futur, changer de forme, ou pire encore, combattre des méchants.

Le plus troublant, c'est que ces clercs saoudiens exercent un pouvoir non seulement sur leurs adeptes, mais aussi sur tout le royaume. Ils influencent tant les politiques gouvernementales sur les affaires intérieures que les affaires étrangères. Ils sont probablement responsables d'avoir poussé l'Arabie saoudite à déclarer que tous les athées sont des « terroristes ». Pour faire une analogie sur la manière dont la religion peut influencer la politique, ne pensez même pas la Westboro Baptist Church, pensez plutôt au Tea Party.

Mais pourquoi devrait-on s'en préoccuper ? L'Arabie Saoudite, n'est-ce pas à l'autre bout du monde?

Peut-être bien, mais ces mêmes clercs saoudiens soutiennent une idéologie similaire à celle de l'organisation terroriste Al-Qaïda. Et on rapporte qu'Al-Qaïda est maintenant plus fort que jamais.

Pour aider aux efforts de la guerre en Syrie contre Bachar el-Assad et ses troupes, il a été rapporté qu'Al-Qaïda reçoit maintenant des armes de l'Arabie Saoudite et que cette guerre est devenue une cause des plus utiles pour le recrutement d'Al-Qaïda. On estime également que l'Arabie Saoudite (et ses alliés, que ce soit indirectement ou par inadvertance) aide Al-Qaïda, tout comme l'on fait les Américains lorsqu'ils ont aidé les moudjahidine dans leur guerre contre l'URSS. Vous rappelez-vous des moudjahidine? Ils sont maintenant connus sous le nom de «talibans».

Et nous, Canadiens, ne devrions pas fermer les yeux sur une éventuelle contribution, qu'elle soit indirecte ou faite par inadvertance. Notre gouvernement fédéral a récemment applaudi un accord de dix milliards de dollars avec l'Arabie Saoudite pour fabriquer des véhicules blindés pour ce pays. Critiqué par l'opposition, cet accord a été scellé sans aucun débat parlementaire. Les armes fabriquées au Canada vont-elles finir dans les mains d'Al-Qaïda?

Évidemment, les Canadiens ne sont pas les seuls à faire affaire avec les Saoudiens et nous ne sommes pas non plus des experts en la matière. Cette expertise revient à nos voisins du Sud, les États-Unis ainsi qu'à plusieurs pays de l'autre côté de l'océan, dont le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne.

Cette nouvelle version d'Al-Qaïda, en lutte contre un dictateur diabolique, est-elle différente? Non. Il s'agit du même Al-Qaïda qui a fait sauter les tours du World Trade Center le 11 septembre 2001, les trains britanniques le 7 juillet 2005, et plus récemment, le massacre de la faction Al-Shabaab dans le centre commercial Westgate à Nairobi l'année dernière, une tragédie qui s'ajoute à une longue liste d'autres attaques.

C'est ce même Al-Qaïda qui nous appelle les infidèles, à l'exception de ses partisans, comme si nous étions ceux qui vivent en dehors de l'islam, alors qu'en réalité, c'est tout le contraire.

Qui donc fera cesser cette folie ?

Ici en Occident, les gens demandent : «Où est le Ghandi du monde musulman ? Où est votre Martin Luther King ? Où est votre Mandela ?»

Tout d'abord, il n'y a pas qu'un seul individu qui mène la lutte non-violente pour la justice dans le monde musulman. Il y a beaucoup de militants solides, y compris des femmes, de partout dans le monde. Certaines sont bien connues, telle que Malala Yousafzai.

Mais d'autres ne sont pas aussi bien connus. Malheureusement, dans des pays comme l'Arabie Saoudite, ils finissent trop souvent en prison, comme c'est le cas pour Waleed Abu al-Khair et Mikhlif al-Shammar.

Il y a aussi le très courageux Raif Badawi, le Malcom X de l'Arabie.

Co-fondateur du Liberal Muslim Network en Arabie Saoudite, Raif Badawi est emprisonné à Djeddah depuis juin 2012. Arrêté à l'origine pour insulte envers la police religieuse et pour crime d'apostasie (dont le châtiment est la décapitation) en décembre 2013, une cour d'appel a décidé qu'il fallait fournir plus de preuves pour maintenir l'accusation d'apostasie, Badawi ayant déclaré au juge qu'il est musulman. Le cas de Badawi a donc été renvoyé à un tribunal inférieur pour qu'il soit étayé (l'accusation n'ayant toutefois pas été abandonnée). Il a été condamné à recevoir 600 coups de fouet et à sept ans de prison.

L'épouse de Badawi, Ensaf, ainsi que les trois enfants d'âge scolaire du couple vivent maintenant au Québec. Ensaf, sur la photo ci-dessous prise en 2010 avec son mari, lutte pour la libération de Badawi et prendra part aux manifestations qui auront lieu samedi le 3 mai, en cette Journée de la liberté de la presse de l'UNESCO, devant les ambassades saoudiennes de 12 pays, y compris ici à Ottawa, sur la promenade Sussex.

Quel « crime » Badawi a-t-il commis ?

Il a dirigé un organisme avec le soutien non seulement de l'Arabie Saoudite, mais aussi de celui de partenaires du Maroc, de Tunisie, d'Égypte, du Liban, du Koweït et de la Palestine. Badawi et son organisme ont fait la demande, en Arabie Saoudite, d'églises pour les chrétiens, de droits pour les femmes visant à mettre fin au système de la tutelle masculine et de l'abolition des lois sur l'apostasie.

Cet professeur d'anglais de 30 ans va-t-il déclencher la montée du printemps arabe saoudien?

C'est possible. Son emprisonnement et sa possible éxécution à mort ne feraient que prouver ce que le Royaume sait déjà et que résument les paroles du grand Malcolm X : «Le pouvoir de la défense de la liberté est plus grand que le pouvoir en faveur de la tyrannie et de l'oppression.»

Badawi devrait être libre et le monde devrait être un endroit où la sécurité n'est pas un enjeu.

Traduction de Sana Khalil et Line Briand d'un billet initialement publié sur le blogue au HuffPost Canada de Shahla Khan Salter.

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