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J'ai participé à la guerre la plus controversée de ma génération

Beaucoup de ceux qui ont fait leur service en Irak sont passés à autre chose et ont recommencé leur vie. Je fais partie de ceux-là. Mais malgré ce nouveau départ, je suis toujours hanté par les souvenirs de cette guerre. Ils me rappellent la chance que j'ai de vivre en Amérique.
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File photo dated 20/03/03 of members of the Household Cavalry regiment looking on into southern Iraq at destroyed and burning oil well heads. March 20 marks 10 years since British troops helped invade Iraq as part of a multi-national task force. At the peak of the operation, some 46,000 British servicemen and women are deployed.
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File photo dated 20/03/03 of members of the Household Cavalry regiment looking on into southern Iraq at destroyed and burning oil well heads. March 20 marks 10 years since British troops helped invade Iraq as part of a multi-national task force. At the peak of the operation, some 46,000 British servicemen and women are deployed.

Beaucoup de ceux qui ont fait leur service en Irak sont passés à autre chose et ont recommencé leur vie. Je fais partie de ceux-là. Mais malgré ce nouveau départ, je suis toujours hanté par les souvenirs de cette guerre. Ils me rappellent la chance que j'ai de vivre en Amérique.

Mon pays est sûr, et ne risque pas d'être envahi bientôt par des armées étrangères. Il n'y aura pas de soldats étrangers pour imposer un couvre-feu, des fouilles de maison sous la menace d'une arme, ou la loi martiale.

En tant que soldat d'infanterie en Irak en 2003 et 2004, j'ai fait partie des forces militaires qui ont refusé aux Irakiens ce luxe. Ce n'est pas comme si les troupes avaient envahi les Irakiens avec l'idée de les priver de leurs libertés fondamentales. Mais les opérations militaires à grande échelle dans les pays étrangers sont loin d'être parfaites.

Une fois que l'invasion a commencé, toutes les parties impliquées n'ont plus eu la possibilité d'en contrôler l'issue.

La mission initiale impliquait au départ des tactiques de "recherche et destruction". Ici et là, des mesures de "libération et maintien" (clear and hold) ont été conduites pour empêcher l'ennemi de revenir. Le plus difficile était de ne pas savoir qui était cet ennemi.

L'IRAK EN PHOTOS, 10 ANS APRÈS

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Iraq, 10 Years On

Durant mon service en Irak, le mot "guérilla" est devenu un euphémisme. Les embuscades éclair étaient légion et les attaquants disparaissaient souvent au profit de la nuit. Nos ennemis ne portaient pas d'uniformes. Ils ne présentaient pas de caractéristiques identifiables qui nous auraient permis de les repérer comme insurgés ou membres d'Al-Quaïda. Ils ressemblaient aux gens qui vivaient là.

Après avoir enduré les attaques innombrables d'un ennemi non identifiable, j'avais l'impression de me battre surtout contre les Irakiens, pas ceux responsables du 11 septembre.

Réaliser qu'ils n'ont finalement combattu que ceux qu'ils étaient venus libérer peut se révéler assez pénible pour les soldats ou Marines américains. La pilule est dure à avaler. Surtout pour ces soldats qui ne sont engagés que pour répondre aux attaques du 11 septembre.

Dix ans après, nous avons besoin de prendre un moment pour réfléchir et accepter les preuves irréfutables que cette guerre n'avait en fait rien à voir avec les attaques du 11 septembre. Si nous ne voulons pas reproduire ce type d'erreur, nous devons ouvrir les yeux une bonne fois pour toutes.

Et nous pouvons le faire sans pour autant être des traîtres à la patrie, ou être catalogués"anti-soldats". C'est l'indéniable réalité.

Je suis fier de mon service militaire, et encore plus des hommes avec lesquels j'ai servi. Et je peux éprouver cette fierté tout en étant en désaccord avec la mission en Irak. Malgré mon opinion personnelle sur cette mission, je l'ai poursuivie.

Les engins explosifs improvisés (EEI) explosaient souvent dans mon secteur. Les attaques de mortier et au lance-roquettes étaient aussi fréquentes. Toute cette activité ne manquait pas de susciter des réactions de la part des gros bonnets. Ce n'était pas quelque chose que ces chefs militaires avaient demandé, mais ils avaient la responsabilité de trouver qui se cachait derrière cette agitation meurtrière.

On devait faire quelque chose pour arrêter cette folie.

Nous avons commencé à chercher qui pouvait être responsable de ces attaques dans notre secteur d'opération. Ce qui signifiait aller de maison en maison à la recherche d'armes, de propagande anti-américaine, ou toute preuve susceptible de nous renseigner sur l'insurrection. Nous revenions souvent les mains vides. Ce qui a conduit à la création d'une base sensée aider les soldats à identifier un potentiel terroriste ou insurgé. Il n'y avait en fait qu'une simple règle: seulement un fusil d'assaut par foyer.

Beaucoup d'Irakiens en possédaient plus d'un avant l'invasion américaine. Si Sadam Hussein avait imposé une limitation du nombre de fusils d'assaut toléré par foyer irakien avant que les forces militaires américaines ne débarquent, ça l'a été à mon insu.

LES RÉACTIONS DES LEADERS POLITIQUES CANADIENS (en anglais)

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Former prime minister Jean Chretien

What Leaders Said About Iraq In 2003

Les Irakiens en possession de plusieurs armes de ce type chez eux devenaient automatiquement des suspects. Péchant par excès de prudence, on cataloguait alors ces hommes comme terroristes potentiels ou membres de l'insurrection.

En utilisant ce critère, il y a eu une flambée d'arrestations d'Irakiens considérés comme des possibles opposants aux États-Unis, malgré le manque de preuves flagrantes.

Pour pouvoir comprendre cette guerre injustifiée, j'ai eu besoin de me mettre dans la peau des Irakiens. Si j'avais été Irakien durant cette période, j'aurais probablement souhaité détenir des armes pour défendre mon foyer et ma famille, étant donné le chaos alentour.

Aux États-Unis, nous sommes fiers du Second Amendement. Je soutiens moi-même le droit au port d'armes. De ce fait, je regrette infiniment qu'autant d'Irakiens aient été emmenés durant la nuit et arrachés à leurs femmes et enfants en larmes, simplement parce qu'ils détenaient plus d'une arme chez eux.

C'était peut-être une stratégie nécessaire à un moment où les options étaient limitées, mais c'était contre-productif pour s'attirer les bonnes grâces des gens. À la place, cela a suscité des réactions de représailles chez les Irakiens qui ont alors continué la lutte.

Certains soutiendrons qu'ôter leurs armes aux Irakiens était nécessaire pour protéger les troupes américaines.

Pourtant, nos stratèges ont dit aux soldats qu'ils étaient là pour libérer les Irakiens. Ils ont dit que les Irakiens accueilleraient les forces américaines les bras grands ouverts. Si c'était vrai, pourquoi fallait-il désarmer ces Irakiens bienveillants que nous étions sensés libérer? Si la grande majorité des Irakiens étaient réellement ouverts à la présence armée américaine, les troupes américaines n'auraient pas été mises en danger par des Irakiens ordinaires détenant des armes.

Les défenseurs des droits au port d'arme ont clairement exprimé leur souhait que le Second Amendement soit protégé aux États-Unis. Pourquoi refuser à un pays que nous étions sensés libérer ces mêmes droits?

Envahir une nation souveraine et lui enlever ces mêmes libertés dont nous profitons dans notre pays revient à une conquête qui est bien différente d'une libération.

Une fois qu'il est devenu clair que Saddam ne possédait pas d'armes de destruction massive, les stratèges se devaient de justifier ce conflit. Le seul moyen de le faire a été de construire de toutes pièces des liens entre l'Irak, les attaques du 11 septembre et Al-Qaïda. C'était une tentative pas très rusée de détourner l'attention des armes de destruction massive et de recentrer la mission sur Al-Qaïda.

Avec du recul, il est rationnel de penser que nous avons vraiment combattu des membres d'Al-Qaïda. Pourtant il est plutôt probable que nous nous sommes battus sur un territoire neutre, nous attirant l'un l'autre comme des aimants.

À mesure des années, on n'a jamais manqué d'idées toutes faites balancées par ceux qui n'ont jamais servi, quand ils débitent des clichés du genre: "La guerre, c'est la guerre, et nous devons les mener là-bas plutôt qu'ici". Ça arrange bien ceux qui n'y participent pas.

Ceux qui ont supporté de près la rhétorique facile des spectateurs savent qu'il y a un lourd prix à payer à partir en guerre.

À l'avenir, on ne peut qu'espérer que ceux qui ont la responsabilité d'envoyer de jeunes Américains ne le fassent qu'en absolu dernier ressort, et avec l'application totale attendue. Nous ne devrions plus jamais infliger à de jeunes Américains les séquelles physiques et émotionnelles d'une guerre présentée comme nécessaire, mais qui s'avère injustifiée.

J'aimerais penser que désormais, nous avons pris conscience de la réalité et que "l'opération Irak en liberté" aurait pu être évitée. Elle n'a pas contribué à la sécurité nationale américaine et elle a divisé notre nation. En plus de cela, nous ne pourrons jamais mesurer les effets destructeurs qu'à eu cette guerre sur la nation irakienne.

VOIR AUSSI: Des images iconiques de la guerre en Irak

Iconic Images of the Iraq War

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