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8 raisons de ne pas avoir d'enfants

J'ai plein de raisons de ne pas en vouloir (et elles ne regardent que moi) mais on me demande sans arrêt de me justifier.
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"Tu ne sais pas ce que tu perds."

"Tu passes à côté de la vie."

"Tu ne te seras jamais accomplie."

"Tu le regretteras plus tard."

"Tu finiras par changer d'avis."

"Tu ne seras jamais une Femme avec un grand F."

"Tu ne comprendras jamais vraiment ce qu'est l'amour."

On m'a dit toutes ces choses parce que j'ai choisi de ne pas avoir d'enfants.

J'ai plein de raisons de ne pas en vouloir (et elles ne regardent que moi) mais on me demande sans arrêt de me justifier.

Alors voici quelques aspects qu'il est utile d'envisager:

1. Financier

Les enfants, ça coûte cher, surtout aux Etats-Unis. En août 2013, une famille américaine de la classe moyenne dépensait 304 480 dollars pour élever un enfant jusqu'à ses dix-huit ans. Prix de l'accouchement: de 3296 dollars à 37 227 dollars . Prix des études supérieures, très chères outre-Atlantique: de 8893 dollars à 22 203 dollars par an et par enfant. Je reviens, je vais me verser un whisky. Ces chiffres me font défaillir.

2. Logistique

Malgré les avancées sociétales et culturelles, les femmes continuent à s'occuper davantage de leurs enfants, surtout les premières années. Elever un enfant jusqu'à son entrée en primaire est plus qu'un boulot à plein temps, c'est 24h/24, dimanche compris, et sans remise de peine pour bonne conduite. Je ne suis pas capable d'être sociable avec des adultes quand je suis crevée, alors imaginez quand il s'agit d'un enfant qui a BESOIN. DE. MOI. EN. PERMANENCE.

3. Ecologique

Il y a environ 153 millions d'orphelins sur Terre. Je ne vois pas l'intérêt d'imposer une bouche de plus à nourrir à notre planète surpeuplée, au nom d'un instinct égocentré que je ne ressens même pas. Si je devais vraiment choisir, j'adopterais.

4. Physique

Mon corps a déjà bien souffert en trente-cinq années d'existence. J'ai été victime d'une agression à main armée, dont je conserve des séquelles post-traumatiques, et mes nerfs en ont pris un coup. J'ai aussi grandi à l'étranger, sans les additifs et conservateurs que l'on trouve dans la plupart des aliments aux Etats-Unis. Si j'avais ne serait-ce qu'un seul enfant, ma famille n'aurait plus les moyens d'acheter des produits bio. Ni de soigner un cancer potentiel.

5. Emotionnel

Je dois vivre chaque jour avec mon syndrome de stress post-traumatique. J'ai eu la chance de faire des insomnies quand survenait la douleur. Ou de dormir douze heures d'affilées si j'en avais besoin. Je travaille de chez moi et je choisis mes horaires, une situation idéale. Que se passerait-il si j'avais un enfant et que j'étais tellement déprimée que je ne pouvais pas me lever? Ou que je pleurais pendant une semaine entière? Ou que j'avais des crises de rages incontrôlables?

6. Social

Je ne pense pas me tromper en affirmant que le monde va mal. Aux Etats-Unis, il ne se passe pas une semaine sans qu'on entende parler d'une fusillade dans un lycée. Sans oublier un petit truc bien sympathique, la « culture du viol », que l'on retrouve à tous les niveaux de notre société. Bien des enfants d'aujourd'hui en seront les victimes ou les bourreaux dans un avenir pas si lointain. Je crois que je vais aller me servir un autre verre, parce que c'est horrible rien que d'y penser.

7. Culturel

Je suis moitié Américaine, moitié Sri-lankaise, une enfant multiculturelle qui n'a pas grandi dans le pays d'origine de l'un ou l'autre de ses parents et qui doit gérer quotidiennement des problèmes liés à son identité. Je me sens étrangère dans mon pays d'adoption, les Etats-Unis. La question que l'on me pose me plus souvent, c'est: "Tu viens d'où?" (celle que l'on me pose presque aussi fréquemment fait l'objet de cet article). Et je devrais choisir de faire porter ce fardeau culturel à un innocent?

8. Envie

Vivre toutes les choses horribles liées à la maternité et aux enfants ne m'intéresse absolument pas. Les déchirures du périnée, les hémorroïdes, la constipation, les contractions, les conjonctivites, les sécrétions, les vomissements, les diarrhées, les gamins à torcher, ceux qui se roulent par terre en public, qui veulent regarder Dora en boucle, la phase critique des deux ans, la crise de l'adolescence, l'abandon de mon identité propre? NON. MERCI.

"Mais, bon sang, Sezin, je ne peux pas concevoir que tu n'aies pas envie d'avoir l'enfant le plus intelligent, le plus beau, le plus doué et le plus extraordinaire que la Terre ait jamais connu!"

C'est pourtant simple. J'aime dormir. J'aime m'organiser comme je le souhaite. J'aime avoir du temps pour moi, pour écrire, pour rêvasser. J'aime manger quasiment 100% bio. J'aime me faire tatouer. J'aime avoir un week-end entier à faire ce que bon me semble, entre deux projets. J'aime ma liberté. Entre un travail créatif, un boulot que j'aime et un mari que j'adore et qui est d'accord avec tout ce qui précède, je me sens heureuse, en pleine forme et plus épanouie que jamais.

Tout ça disparaîtrait avec un enfant, tout simplement parce que c'est dans la nature des choses. Un petit être vient au monde, totalement dépendant de vous, et de personne d'autre. Votre univers se rétrécit jusqu'à son échelle, et il ne se développe qu'à son rythme.

Je préfère avoir accès à tout ce qui m'entoure quand j'en ai envie, et pas uniquement parce que mon enfant fait enfin sa sieste, ou dans les rares instants où je peux m'autoriser une douche, ou un petit casse-dalle. J'ai filé un coup de main à des amies qui avaient des enfants. Je sais comment ça marche.

Pourquoi suis-je régulièrement obligée de me justifier? Et pourquoi mon mari -qui a fait les mêmes choix- échappe-t-il aux critiques?

Voilà pourquoi le féminisme est indispensable : malgré toutes les avancées technologiques, sociétales et culturelles, le rôle d'une femme passe obligatoirement par celui de mère de famille.

Et voici ce que ça m'inspire:

Je n'ai jamais jugé que ceux qui faisaient d'autres choix que les miens étaient moins humains ou avaient des vies moins riches.

J'ai choisi de ne pas avoir d'enfants. Et alors?

Je n'ai pas besoin d'expulser un enfant par mon vagin pour me sentir femme.

Je n'ai pas besoin d'un enfant pour connaître l'amour absolu ou faire des sacrifices.

Je n'ai pas besoin d'un enfant pour être heureuse.

Je n'ai certainement pas besoin d'avoir des enfants pour mes vieux jours. Pour ça, il y a les maisons de retraite.

Et je ne changerai pas d'avis. A vrai dire, j'ai plus de huit raisons de ne pas vouloir d'enfants.

Comme l'a écrit Anaïs Nin: "La maternité est une vocation comme les autres. Elle doit être librement choisie, et non imposée à la femme"

La culpabilisation, ça suffit.

Si vous n'avez pas d'enfants ou que vous pensez que ce point de vue est valable, faites-nous part de votre expérience!

Sezin Koehler est l'auteur de American Monster, et blogueuse dans la rubrique Women du HuffingtonPost.

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