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La bande originale de «La La Land» décryptée

Dans ce film, les principaux codes classiques de l'âge d'or de la comédie musicale sont respectés.
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Récemment sacrée aux Golden Globes, la comédie musicale «La La Land» (Pour l'amour d'Hollywood, en français) est à l'affiche au Québec depuis le 25 décembre 2016 avec pour message d'inviter le spectateur à prendre de la hauteur sur un quotidien empreint de cynisme. Le but? Interroger ses ambitions de bonheur.

Mia est une barista rêvant de devenir actrice de cinéma. Sebastian est musicien de piano-bar rêvant d'ouvrir son club de jazz. Invités par le destin à se rencontrer, à croire ensemble en leur avenir artistique et à l'amour; ils sont appelés à faire face aux écueils de la vie afin de réaliser leurs rêves : un hymne scandé tout au long du film.

Dès la scène d'ouverture, le cinéaste Damien Chazelle et son compositeur Justin Hurwitz affichent à leur tour leur ambition avec audace : faire revivre l'âge d'or de la comédie musicale avec modernité. Le pari est réussi! On pense à Vincente Minnelli avec sa thématique du rêve et la vitalité de ses couleurs, à Stanley Donen avec l'engagement de sa caméra dans la danse, à Busby Berkeley et la rondeur de ses tableaux musicaux, à Michel Legrand avec l'union du jazz et de la formation orchestrale, à Jacques Demy et son intérêt pour les relations humaines... Les références ne manquent pas et raviront les plus cinéphiles.

Les principaux codes classiques de l'âge d'or de la comédie musicale sont respectés. Citons notamment la thématique de la réussite sociale ou amoureuse, l'esthétique formelle du Cinemascope, celle plus musicale du célesta et observons combien le corps des protagonistes est invité à être vecteur de musique et d'émotion.

La chorégraphie, la lumière, les couleurs, les costumes vintage, la rythmique, la mise en scène, tout porte à nous rappeler les grands numéros de l'âge d'or de la comédie musicale hollywoodienne. Pour autant, la froideur des rapports humains et la partition sonore du film (présence de la sonorité d'un iPhone), nous renvoient au monde contemporain. La musique de «La La Land», quant à elle, évolue dans un univers jazz atemporel.

L'intégralité de la partition (chansons et underscore) a été composée et orchestrée par Justin Hurwitz, ce qui permet de dépeindre une couleur intrinsèque au film et peut expliquer les raisons de son succès.

Les chansons, au nombre de six, ont été écrites par les auteurs Benj Pasek et Justin Paul. Elles participent à évoquer les difficultés de tenter sa chance à Los Angeles et portent haut et fort les ambitions artistiques de Mia et Sebastian.

Les principaux thèmes mélodiques des chansons sont repris comme autant de motifs et variés dans la partition musicale tout au long du récit (underscore). Ils révèlent les émotions réelles des protagonistes alors que les chansons exposent principalement la dimension des rêves, des fantasmes et des ambitions. Pour cette raison, les chansons sont prédominantes dans la première partie du film, avant les éventuelles réalisations des rêves.

«Another Day of Sun» est la chanson d'ouverture au rythme coloré et enlevé accompagnant un brillant numéro de danse filmé en plan-séquence. Elle est présentée comme une métaphore de la vie des deux protagonistes, bloqués à l'arrêt dans un embouteillage géant et rêvant de leurs ambitions artistiques.

«Someone in the Crowd» : aussi enlevée et optimiste que mélancolique, elle accompagne Mia en proie aussi bien aux rêves de réussite qu'aux doutes.

«A Lovely Night» ou l'alchimie de l'amour est la chanson jazzy évocatrice de l'attirance inavouée entre Sebastian et Mia. Elle est l'occasion d'offrir un très beau tableau de danse sur fond de claquettes. La chorégraphie et sa musique illustrent le bouillonnement émotionnel entre les deux protagonistes. Son motif est utilisé à plusieurs reprises dans la narration, illustrant autant l'attraction que les frictions entre Mia et Sebastian.

«City of Stars» accompagne Sebastian dans sa quête de réussite amoureuse. Elle est reprise plusieurs fois et notamment entre Mia et Sebastian lorsque ce dernier semble interroger la dualité carrière/vie privée. C'est une ode à Los Angeles et à la réalisation des rêves. Elle révèle également Ryan Gosling en joueur de pianiste plutôt convaincant sans doublage à l'écran.

«Start A Fire» (écrite notamment en collaboration avec John Legend qui interprète le personnage de Keith), ce titre est le grand succès commercial du groupe The Messengers que rejoint Sebastian pour gagner sa vie. La musique est d'inspiration pop avec des influences de jazz qui ne répondent malheureusement pas aux ambitions puristes de Sebastian.

«Audition (The Fools Who Dream)» est la chanson de Mia. Elle accompagne sa renaissance artistique. Sa voix est plus assurée qu'auparavant, bien qu'habitée par les fêlures de la vie qui semblent l'avoir renforcée. Cette interprétation ne permet aucun doute sur le talent d'Emma Stone à camper un personnage et sublimer une partition. Plus discrète et intimiste, cette chanson n'en reste pas moins l'une des plus abouties de la partition.

La musique du film (underscore) en soutenant l'ensemble de ces chansons, les esquissant en fond sonore, les modifiant au gré des humeurs et des situations ou encore en tissant des liens structurels entre elles, participe à les rendre familières dès leur première audition.

Mais l'oreille attentive retiendra le motif principal du film qui n'est autre que le thème de Mia et Sebastian. Romantique et empli d'émotions, il n'est pas sans rappeler celui du film Casablanca pour sa fonction narrative. Le thème de Mia et Sebastian est un lien invisible entre les deux protagonistes. C'est par cette musique délicatement esquissée au piano que Mia retrouve de façon fortuite Sebastian après leur première rencontre sur fond d'aigreur. Ce thème prend différentes teintes au fil de leur histoire.

Empli d'optimisme, de couleurs, de lumière, d'énergie et de musiques, «La La Land» est résolument une belle surprise musicale et cinématographique (mention spéciale pour l'épilogue, véritable film dans le film qui reprend l'ensemble des grands thèmes musicaux du récit). Un film et une partition savamment construits, romantiques et mélancoliques qui devraient séduire les spectateurs les plus réfractaires au genre, ceux présents en salle comme simples accompagnants, et qui seront invités, comme tout le monde, à s'interroger sur leur véritable aspiration au bonheur à la sortie de la salle obscure.

En abordant la quête du bonheur dans sa dualité (rêves/réalité) tout en offrant une vision exaltée et nostalgique du passé, le duo Chazelle/Hurwitz nous présente avec cette comédie musicale, une métaphore de leur travail.

Le projet du film «La La Land» est né avant «Whiplash» (leur précédente collaboration). Présenté à des producteurs ayant demandé des modifications narratives importantes, Damien Chazelle a préféré l'abandonner plusieurs années pour retenter sa chance sans compromis. De nombreux discours «aux étoiles de Los Angeles» ont dû leur permettre de réaliser cet ambitieux projet. Nul doute qu'il faut croire en ses rêves, telle est la rengaine de «La La Land».

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