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Je dois être trop naïve. J'y ai cru, moi, à ma liberté d'expression, d'opinion et de religion. J'y ai tellement cru que j'ai décidé de porter le voile en 2010 sans me douter que ce choix ferait la une des médias quelque temps plus tard.
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29 septembre 2015. Une femme enceinte et voilée a été attaquée par deux adolescents. Encore ?

De cet automne, je me souviendrais d'une campagne électorale fédérale avec le niqab comme thème principal.

De l'automne dernier, je me souviens que les minorités religieuses faisaient couler beaucoup d'encre en période électorale provinciale.

De l'automne 2013, je me souviens qu'on nous rabâchait les oreilles avec la charte des valeurs.

À croire que les enjeux d'analphabétisme, de décrochage scolaire, de chômage, d'écologie, d'iniquités sociales, etc. disparaitraient si quelques femmes acceptaient de découvrir leur visage.

Je me souviens aussi de l'automne d'avant où les produits halals faisaient les manchettes. Soit dit en passant, quoique bien plus nombreux sur nos étagères, les produits casher, eux, ne faisaient pas jaser. Tiens donc. Mais ce débat-là n'aura pas duré, car dès qu'il est question d'argent, tout le monde se prête au jeu.

De ces derniers mois, je me souviens également du journaliste prétendant que des alertes à la bombe auraient été lancées avec un accent musulman. Puis, de cet autre-là qui nous informait que le tireur de la base militaire portait un foulard de type arabe. Des qualificatifs pour le moins douteux, qui en réalité sont vides de sens, mais portent une connotation sensationnaliste faut croire. Je ne peux pas oublier non plus cette juge qui a refusé d'entendre la cause d'une femme voilée. Et encore moins les appels sur les réseaux sociaux à arracher les voiles de femmes dans les rues du Québec.

En fait, je procède à ce devoir de mémoire que lorsque surviennent de malheureux incidents du genre, question de relativiser.

Mais au jour le jour, ce dont je me souviens surtout c'est de mon éducation dans le système scolaire public québécois. De la maternelle à l'université, c'est les enseignements que j'y ai reçu qui m'ont façonnés. Dès le primaire, on m'a enseigné les grandes lignes des droits et libertés fondamentales.

Je dois être trop naïve. J'y ai cru, moi, à ma liberté d'expression, d'opinion et de religion. J'y ai tellement cru que j'ai décidé de porter le voile en 2010 sans me douter que ce choix ferait la une des médias quelque temps plus tard.

À force de faire les manchettes des médias de masse, les femmes-voilées-toutes-dans-le-même-sac ne sont plus perçues comme chacune un être humain à part entière.

Ce qui me brise le cœur ce sont celles qui enlèvent leur voile, celles qui y songent, celles qui arborent des chapeaux par-dessus par crainte d'être rejetés ou de peur d'une agression et non parce que c'est ce qu'elles veulent réellement. Tout ça pour passer inaperçue, s'intégrer, ne plus défrayer les manchettes, ne pas offenser, ne surtout pas déranger : pour être accepté.

Je vais reformuler cela pour m'assurer d'être bien comprise. Je suis attristée que des faux débats aient réussi à faire croire à des citoyennes qu'elles ne seraient pas acceptées si elles affichaient leur convictions religieuses.

Ce n'est tellement pas la réalité du Québec, à mon sens.

Je n'ignore pas ici que le port du voile ne fait pas l'unanimité. Mais ça n'a pas d'affaire à être une question de société : c'est le choix personnel de celle qui décide de le mettre. Je n'attendrais certainement pas l'approbation de l'opinion publique pour m'habiller comme bon me semble. Oui, j'y tiens à ces libertés individuelles.

Et je préfère sourire comme si de rien était bien que l'on m'ait déjà assez fait comprendre que ce voile gêne. Tantôt, des inconnus font des bruits de cochons à mon passage. Tantôt, on me regarde droit dans les yeux en me disant «Dieu est mort».

L'essentiel c'est ce dont je décide de me souvenir : la curiosité des Québécois qui donne lieu à de belles discussions, l'Assemblée nationale qui a condamné sans réserve les appels à la haine et à la violence contre tous les citoyens du Québec ce 1er octobre 2015 et ceux qui m'arrêtent dans la rue pour me dire : Vous avez un joli sourire :)

Lors de la manifestation anti-charte en septembre 2013

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Mai 2017

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