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La Palestine: la plus belle promesse de la Société des Nations ou l'insoutenable optimisme d'oncle Saïd

Je célébrais ma 66e année de réfugié officiel, certifié UNRWA par l'ONU, en pensant à la belle promesse de la Société des Nations de 1947 et à l'humiliante défaite du genre humain.
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Entre 1980 et 1991, le Conseil de sécurité de l'ONU avait pondu une dizaine de résolutions (la 468, la 592, la 605, la 607, la 608, la 636, la 641, la 672, la 673 et la 681) dans lesquelles, il rappelait que la convention de Genève relative à la protection des civils en temps de guerre «est applicable aux territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés par Israël depuis 1967». Il condamnait «l'armée israélienne qui, ayant ouvert le feu, a tué ou blessé des étudiants de l'université Bir Zeit». Il affirmait qu'Israël devait «s'abstenir d'expulser des civils palestiniens des territoires occupés», demandait à Israël «d'annuler l'ordre d'expulsion des civils palestiniens et d'assurer le retour immédiat et en toute sécurité» de «cesser immédiatement d'expulser d'autres civils palestiniens», et déplorait «qu'Israël, puissance occupante, continue d'expulser des civils palestiniens». Les résolutions 673 (24 octobre 1990) et 681(20 décembre 1990) étaient des bijoux, dans la première, le Conseil de sécurité «condamne le refus d'Israël d'appliquer la résolution 672» et dans la seconde il «somme Israël d'appliquer la convention de Genève.» Notre problème c'est qu'il n'y avait jamais eu un huissier pour obliger Israël à respecter les sentences des Nations-Unis.

Cependant, l'ONU allait retrouver bientôt sa force et sa fermeté dans l'application de ses résolutions lorsque le Conseil de sécurité avait décidé de libérer le «joyau de la démocratie», le Koweït sous occupation de l'Irak. Quand Saddam, le président irakien, eut l'idée lumineuse d'envahir le Koweït, je fêtais mon 42e anniversaire à Alger. L'administration sensible de l'OLP avait élu domicile en Algérie après le bombardement de ses bureaux à Tunis par Israël. C'est que la résistance et les combattants palestiniens avaient quitté le Liban quand Israël l'avait envahi en 1982 et exigé le départ des Palestiniens, donc après Aman et Beyrouth, la direction de l'OLP passait en Tunisie. Et moi, je passais de l'âge du rêve à l'âge réaliste, mais je trainais encore l'air d'un romantique révolutionnaire à la Che Guevara. Se marier, fonder une famille et s'installer, pourquoi pas, mais les paroles du poète Mahmoud Darwich revenaient sans cesse me hanter : «Je ne voudrais pas faire venir au monde des enfants sans patrie, réfugiés de naissance.»

La décennie 1980 était riche en rebondissements, l'élimination physique du dernier pacifiste de l'époque Peace and love John Lennon et l'apparition de Michael Jackson, la planète entière dansait sur Billy Jean. La faim en Afrique interpellait les consciences et mobilisait des artistes du monde entier. La chanson We are the World était née. En parallèle, d'autres artistes comme Tracy Chapman, Peter Gabriel, Bruce Springsteen, Sting, Michel Rivard, Daniel Lavoie, et à leur tête Johnny Clegg, luttaient contre l'Apartheid.

La chute du mur de Berlin avait entrainé avec elle celle de l'Union soviétique donnant une portée de nouveaux pays. (Estonie, Lithuanie, Lettonie, Géorgie, Ukraine, Biélorussie, Kazakhstan, Azerbaïdjan Turkménistan...) L'éclatement de la Yougoslavie allait suivre pour affranchir la Slovénie, la Croatie, la Macédoine, la Bosnie, la Serbie et un peu plus tard le Kosovo et le Monténégro ce qui augmentait du coup le nombre des pays membres de l'ONU qui passait de 154 à 184, mais rien à l'horizon pour la naissance de la Palestine. Soyons patients, disaient les sages Palestiniens, nous sommes sur la bonne voie, après le règlement des problèmes européens, le monde dirigerait ses projecteurs sur notre malheur. Le Hamas voyait enfin le jour, il était le bienvenu dans la famille des résistants palestiniens, décidait Israël. On allait bientôt lui remettre les clés de la bande de Gaza. J'étais encore un réfugié reconnu par les instances de l'ONU et la belle promesse était toujours dans l'air.

De 1991 à 2001, le Conseil de sécurité de l'ONU continuait à pondre des résolutions . Il déplorait, dénonçait, exigeait, demandait, blablabla... à Israël de respecter ses résolutions. Le monde inventait le téléphone et les bombardiers intelligents ainsi que la guerre préventive et l'ingérence humanitaire. Nous voilà donc aux portes de l'indépendance de la Palestine et sans guerre de libération s'il vous plaît. L'intervention humanitaire nous sauverait répétaient les éternels optimistes, profitant de cette nouvelle donne, Mandela sortait de prison, l'Apartheid avait vécu. Francis Fukuyama écrivait La fin de l'histoire et Samuel Huntington ripostait par Le choc des civilisations. Quittant Impérial Oil, le jeune Harper du parti réformiste entrait au parlement, Mulcair, le libéral provincial, à l'assemblée du Québec et Justin Trudeau à l'université. Cette décennie sera marquée par les interminables négociations d'Oslo. Ces négociations devraient mettre fin à l'occupation des territoires et l'installation d'une autorité palestinienne provisoire avant la déclaration de l'indépendance totale tant attendue. On se dirigeait vers une solution négociée et progressive lorsqu'eut lieu le plus grand événement du jeune XXIe siècle.

J'avais 53 ans et j'étais à New York dans les bureaux de la représentation de l'OLP auprès de l'ONU quand le prétexte du lancement de la guerre perpétuelle au terrorisme fut inventé. Bush fils allait finir le travail entrepris par son père en Irak. Le député Harper pressait le PM Chrétien de participer à la guerre, il fera 37 interventions en faveur de la guerre contre l'Irak, malgré l'absence de preuves de l'existence des armes de destruction massive. Sharon, le premier ministre israélien en appui à son homologue américain déclarait lui aussi la guerre au terrorisme. Du jour au lendemain, tous les groupes politiques palestiniens recevaient la suprême distinction, le label d'organisation terroriste. Les pourparlers de paix sont suspendus ainsi que l'espoir de voir un État palestinien de mon vivant. Yasser Arafat et la direction de l'autorité palestinienne seront assiégés chez eux à Ramallah pendant deux ans Harry Potter était en vogue et Madonna personnifiait Évita Perron.

Je quittais New York pour prendre mes nouvelles fonctions à Ottawa le jour même de l'opération «Plomb durci», Justin Bieber avait 14 ans et moi, j'en avais 60. Non loin de mon bureau, Harper, devenu premier ministre, entre-temps, déclarait qu'Israël avait le droit de se défendre l'encourageant à bombarder la bande de Gaza à sa guise. 1 400 morts - majoritairement des civils - plus tard, Obama entrait à la Maison Blanche et recevait le prix Nobel de la paix. Une nouvelle ère s'annonçait prometteuse pour la création de l'État palestinien, le Chef de la plus grande puissance au monde, brandissant la médaille de Nobel, déclarait qu'il était favorable à la solution de deux États et qu'Israël devait se retirer des territoires occupés en 1967. La décennie 2010 s'achevait sur le succès de My world de Bieber et l'attente impatiente des Palestiniens de voir la concrétisation des promesses du discours d'Obama, mais une tempête allait bientôt se déclencher pour emporter les vieux régimes des pays arabes. On l'appellera le «Printemps arabe».

Les présidents Z. Benali (Tunisie), M. Moubarak (Égypte), A. Salah (Yémen) et M. Kadhafi (Libye) disparaissaient du paysage politique arabe, et Bieber chantait Baby. L'ONU, encore elle, autorisait ses États membres de protéger le peuple libyen. Le Conseil de sécurité était prompt à réagir. Une coalition était mise en place comme pour le peuple koweïti pour la libération de la Libye. Les Palestiniens, médusés, regardaient cette intervention, la rage au cœur, ils étaient prioritaires. Ils se disaient qu'ils n'étaient pas assez visibles, le peuple de Gaza, sous un blocus inhumain depuis 2006, lançait des feux d'artifice sous forme de roquettes pour attirer l'attention du monde sur son sort. Il ne fallait pas plus pour qu'Israël ripostât par l'opération «Pilier de défense» (2012) en bombardant la bande de Gaza, laissant des centaines de morts parmi les civils. Les États-Unis, la France, l'Angleterre, le Canada et beaucoup d'autres petits pays criaient tous et en même temps, comme dans une chorale, qu'Israël avait le droit de se défendre.

2014 entamait son deuxième semestre en laissant derrière lui l'humiliante défaite du Brésil face à l'Allemagne, Israël continuait à bombarder la prison à ciel ouvert de Gaza, Harper et ses homologues continuaient à aboyer comme à l'accoutumée qu'Israël avait le droit ... le chef de l'opposition officielle Mulcair chuchotait à l'oreille des Canadiens qu'Israël devait montrer un peu de retenue et le jeune Trudeau répétait à qui voulait l'entendre qu'Israël avait le droit... 2 000 victimes plus tard, toujours majoritairement des civils, et la destruction de 10 000 habitations, 141 écoles, 12 hôpitaux, 1 centrale électrique, 6 abris de l'ONU , le Conseil de sécurité n'avait pas pondu de résolution cette fois-ci. Finalement, cela ne servira à rien que la communauté internationale prend des décisions et qu'elle ne trouve personne sur le terrain pour les appliquer.

Je célébrais ma 66e année de réfugié officiel, certifié UNRWA de l'ONU en pensant à la belle promesse de la Société des Nations de 1947 et à l'humiliante défaite du genre humain. L'occupation, la colonisation et l'humiliation de tout un peuple, au su et au vu de la planète entière, pendant plus de 60 ans auront, de toute évidence, un avenir radieux, vu l'état de délabrement avancé de la condition humaine.

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