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Une bonne idée, le fractionnement du revenu?

La possibilité pour les couples ayant des enfants âgés de moins de 18 ans de fractionner leur revenu deviendra probablement une réalité l'an prochain.
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Promesse maîtresse des conservateurs fédéraux en 2011, la possibilité pour les couples ayant des enfants âgés de moins de 18 ans de fractionner leur revenu deviendra probablement une réalité l'an prochain. En effet, il est attendu que le gouvernement Harper intègre cette mesure d'allègement fiscal dans son budget préélectoral du printemps prochain puisque l'équilibre budgétaire aura été atteint. Ottawa prévoit même dégager un surplus de 6,4 milliards de dollars en 2015. Mais avons-nous collectivement les moyens de nous permettre une telle mesure?

Le fractionnement du revenu permettrait aux couples de réduire leur facture d'impôt en transférant jusqu'à 50 000 $ du conjoint au revenu plus élevé au conjoint au revenu plus modeste (donc imposé à un taux moins élevé). Les conservateurs ont autorisé le fractionnement du revenu de pension en 2007, et cette mesure coûte annuellement au bas mot quelque 1,2 milliard de dollars au gouvernement fédéral en pertes de recettes fiscales et environ 500 millions de dollars aux provinces. À l'heure actuelle, 70 % des personnes âgées ne tirent aucun bénéfice du fractionnement du revenu de pension, tandis que les 10 % d'aînés qui touchent les revenus les plus élevés ont droit à un avantage moyen de 820 $ par année.

Il est estimé qu'étendre le fractionnement du revenu aux familles ayant des enfants âgés de moins de 18 ans réduirait les recettes gouvernementales de l'ordre de 3 milliards de dollars de plus par année à l'échelle fédérale et de 1,9 milliard de dollars par année au niveau des provinces. Et le coût de cette mesure augmentera au fil du temps. Même le regretté Jim Flaherty, que plus d'un qualifie d'un des meilleurs ministres des Finances qu'a produit le Canada, songeait à reculer sur cette mesure controversée - ou plutôt à tenter de convaincre Stephen Harper de reculer - peu avant sa démission le printemps dernier. Ce n'est pas rien.

Selon des études, dont une menée par l'Institut C.D. Howe, le fractionnement du revenu familial aurait pour effet d'enrichir les riches et créerait des iniquités entre les régions du Canada. Ce sont surtout les provinces fortement conservatrices de l'Alberta et de la Saskatchewan qui en sortiraient gagnantes. Ça ressemble en tous points à une promesse électoraliste conçue pour plaire à la base conservatrice.

Je ne suis pas un « gauchiste » lorsqu'il est question des finances publiques. Dans le spectre politique, je me définis plutôt comme quelqu'un du centre-droit sur le plan économique et fiscal. Je figure parmi les contribuables qui pourraient bénéficier de cette nouvelle mesure fiscale et, pourtant, je ne suis pas favorable à son adoption. Pourquoi? Certainement pas parce que je ne souhaite pas réduire ma facture d'impôt qui s'avère salée année après année. Mais je pense à mes enfants et privilégie donc une fiscalité responsable et un financement adéquat des missions essentielles de tout État que sont la santé et l'éducation, par exemple.

Ce sont des compétences provinciales-territoriales, me direz-vous. C'est vrai. Cependant, alors qu'Ottawa se prépare à dégager d'importants surplus pendant les années à venir, plusieurs provinces - dont le Québec et la jadis puissante Ontario - peinent à boucler leurs budgets respectifs. En Ontario, le déficit atteint 12,5 G$. Et on sait à quel point les finances publiques sont dans un état pitoyable dans la Belle Province. À une époque où la plupart des gouvernements provinciaux doivent sabrer dans leurs dépenses et subissent des pressions fiscales particulières, il ne fait aucun sens de dépenser des milliards sur un programme qui ne bénéficierait qu'à une très faible minorité de familles canadiennes.

Si le gouvernement fédéral dispose de milliards dont il ne sait quoi faire, il y a d'autres programmes nationaux qui seraient beaucoup plus avantageux pour un plus grand nombre de familles canadiennes : l'assurance-médicaments, les services de garde à l'enfance et les soins aux aînés pour n'en nommer que trois. C'est sans parler du vieillissement de la population et des intenses pressions qui seront exercées sur les systèmes de santé au pays au cours des années et des décennies à venir.

Cette carte maîtresse de Stephen Harper a toutes les apparences d'une promesse conçue sur mesure pour plaire aux conservateurs de l'Ouest et coûterait de l'argent aux provinces, dont plusieurs font face à d'énormes défis fiscaux qu'elles ne sont pas près de relever. En sa qualité de premier ministre du Canada, Stephen Harper doit prendre des décisions fiscales responsables dans l'intérêt supérieur de la population canadienne et de l'ensemble des provinces et des territoires qui forment ce pays. Permettre le fractionnement du revenu des familles n'est pas compatible avec cette responsabilité et les imminents surplus fédéraux pourraient être utilisés à bien meilleur escient.

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