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Et si nous débattions des priorités?

Avant de vouloir voler de nos propres ailes, nous devrions faire du ménage dans notre cabane et nous attaquer aux véritables enjeux qui mettent en péril notre prospérité future. Voilà ce qu'aurait dû comprendre Pierre Karl Péladeau avant de faire sa déclaration référendaire qui a eu pour effet de replonger les électeurs dans la polarisation d'une époque révolue.
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C'est incroyable comment une seule personne, en l'occurrence Pierre Karl Péladeau, peut changer toute la dynamique d'une campagne électorale. On se rappellera qu'à l'annonce officielle de sa candidature, le dimanche 9 mars dernier, M. Péladeau - brandissant le poing - a affirmé haut et fort qu'il sautait dans l'arène politique pour faire du Québec un pays, pour réaliser la souveraineté. Son objectif a le mérite d'être clair.

En fait, il ne faut pas « blâmer » uniquement PKP pour ce changement de cap dans la campagne en cours, car les journalistes ont vite fait de sauter sur l'occasion pour assaillir M. Péladeau de questions sur ses intentions chaque fois qu'ils en avaient l'occasion. À un point tel que Pauline Marois a décidé, jeudi dernier, de remettre les points sur les i et les barres sur les t en rappelant aux journalistes que nous étions en campagne électorale et non en campagne référendaire.

Aussi, comme il fallait s'y attendre, les libéraux ont bondi sur l'occasion pour ressortir leur cassette et brandir devant l'électorat la menace d'un troisième référendum si le PQ est reporté au pouvoir - majoritaire et avec Pierre Karl Péladeau à bord du navire cette fois. Disons que nous avons un aperçu de l'allure que pourrait avoir une campagne référendaire version 3.0.

De toute évidence, les stratèges péquistes n'avaient pas prévu le coup, car il a fallu plusieurs jours après l'annonce en grande pompe à Saint-Jérôme avant que Mme Marois ne tente de rajuster le tir. Mais le dommage est probablement fait... Philippe Couillard veut gagner et risque de jouer cette carte référendaire jusqu'au jour J. Une conclusion est évidente : cette déclaration indépendantiste de M. Péladeau a eu pour effet de polariser une bonne partie de l'électorat entre les « rouges » et les « bleus » et de nous ramener dans la bonne vieille dynamique stérile qui, au fil des décennies, a mené le Québec à la position peu enviable qu'il occupe aujourd'hui - de neuvième province la plus pauvre sur dix au sein de la fédération canadienne.

Pendant ce temps, c'est la Coalition avenir Québec de François Legault qui écope. En effet, un sondage réalisé la semaine dernière dans la région de la Capitale nationale place la CAQ à 19 %, loin derrière les libéraux (39 %) et les péquistes (32 %). Un sondage Léger Marketing mené la semaine dernière pour le compte du Devoir et du Globe and Mail place la formation de François Legault à 14 %. Pourtant, le Grand Québec est depuis plusieurs années un terreau fertile pour la « troisième voix » (incarnée par l'ADQ, puis la CAQ). Il est clair que l'électorat est en train de se polariser et que la CAQ - un parti sans noyau dur de partisans - se vide au profit des péquistes et des libéraux.

Pourtant, ce ne sont pas les « vrais enjeux » qui manquent pour le Québec et les Québécois. Santé, éducation, finances publiques, économie, confiance des citoyens en le système judiciaire et les institutions publiques, état des infrastructures... La liste est longue. Et certains faits en disent long sur l'état de la situation dans la Belle Province. En voici trois :

1.Selon l'Indice québécois d'équité entre les générations du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, l'endettement public par habitant a doublé depuis 1986 et un gouffre économique géant guette la jeune génération. Qui s'échangent le pouvoir depuis 1986? Le PQ et le PLQ. Ce sont donc ces deux vieux partis qui ont mené le Québec à un tel niveau d'endettement et nous nous apprêtons collectivement à confier les rênes du pouvoir une fois de plus à l'un d'eux.

2. Un graphique de la Commission nationale sur la participation au marché du travail des travailleuses et travailleurs expérimentés de 55 ans et plus donne littéralement des frissons dans le dos tellement la réalité qu'il présente est implacable. Alors que nous étions environ 8 travailleurs pour 1 retraité en 1971, nous sommes rendus à environ 4 travailleurs pour 1 retraité aujourd'hui et ce ratio sera réduit à environ 2 travailleurs pour 1 retraité d'ici 2030. Ces chiffres sont connus depuis longtemps. Pourtant, aucun gouvernement au pouvoir ne juge bon ou n'a le courage politique nécessaire pour faire le ménage et adapter la taille de l'État à notre capacité de payer collective. La réalité est bien là, devant nous, tout comme l'impasse. Comment pouvons-nous continuer à vivre au-dessus de nos moyens alors que nous sommes de moins en moins nombreux à payer la note? Les chiffres ne s'additionnent tout simplement pas!

3. Le chroniqueur de La Presse, Alain Dubuc, est revenu vendredi dernier sur la perte de 25 500 emplois au Québec en février. Là aussi, quelque chose ne tourne pas rond. Je le cite : « Les gouvernements ne créent pas les emplois, mais ils contribuent indirectement à la situation. Le fait que l'emploi, après avoir explosé à l'automne 2012, a plafonné et baissé tout au cours de 2013 ne peut pas être que le fruit du hasard. Ce n'est pas arrivé ailleurs au Canada. Et c'est arrivé quelques mois après l'arrivée au pouvoir du PQ. Assez pour y voir une partie de l'explication, quoiqu'il y a évidemment d'autres facteurs. » Oui, il y sûrement d'autres facteurs, mais le gouvernement sortant y est pour beaucoup. Les investisseurs détestent l'incertitude. Or le gouvernement Marois a créé un grand sentiment d'incertitude dès son arrivée au pouvoir à l'automne 2012. Et il se crée des emplois partout ailleurs au Canada...

Bref, Pierre Karl Péladeau a décidé de faire le saut en politique active pour réaliser son rêve souverainiste. Le problème est que la réalité de ce milliardaire québécois est bien différente de celle de la nôtre, nous qui sommes beaucoup moins nantis que lui. Il n'a pas à se soucier de son avenir financier ou de celui de ses enfants. Ce n'est pas le cas pour le commun des mortels qui tente d'avancer et d'améliorer son sort et celui de sa progéniture dans cette province appauvrie. Et, malheureusement, les défis auxquels nous faisons face collectivement sont tels que ce n'est pas en nous isolant du Canada - dont nous sommes dépendants du régime de péréquation depuis des années - que nous pourrons envisager un avenir meilleur.

Avant de vouloir voler de nos propres ailes, nous devrions faire du ménage dans notre cabane et nous attaquer aux véritables enjeux qui mettent en péril notre prospérité future. Voilà ce qu'aurait dû comprendre Pierre Karl Péladeau avant de faire sa déclaration référendaire qui a eu pour effet de replonger les électeurs dans la polarisation d'une époque révolue.

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