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C’est un déplacement, du lieu traditionnel et stérile, du lieu morbide, que le comportement incompréhensible de Mme Ouellet opère.
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LA PRESSE CANADIENNE

Francine Pelletier, au Devoir, me permet d'entrer plus résolument, et avec elle, dans une zone à haute tension que l'obstination butée d'une seule femme et la colère unanime à son endroit est en train d'ouvrir, d'entrer au coeur de ce que je ne crains plus d'appeler le vrai grand tabou de la société qui est la nôtre.

Car à la vérité, rien de bien nouveau ne se donnait à lire dans sa chronique d'avant-hier. C'était dans le ton et dans la forme, la même stigmatisation de Mme Ouellet que l'on a lue et entendue partout, le même refus d'envisager un autre éclairage, de parler de ce qui se passe, par exemple, depuis le début de cette crise, de le penser, de penser justement cette condamnation unanime et véhémente que provoque la conduite de Martine Ouellet.

C'est un déplacement, du lieu traditionnel et stérile, du lieu morbide, que le comportement incompréhensible de Mme Ouellet opère. Sa conduite, là, maintenant, actuellement - et non pas celle qu'elle exige de ses députés en chambre ou qu'elle nous promet d'avoir une fois élue - c'est cela même qui provoque le déplacement; qu'elle ne soit pas assermentée - et compromise - aux yeux des autres (députés, journalistes), c'est ce qui la place en position d'extrême faiblesse et de puissance inédite tout à la fois. Car elle parle d'un endroit flou, transitoire, indéfini, depuis un nouvel espace de parole, une sorte d'antichambre (des communes), un négatif du pouvoir, elle devient - s'en rend-elle compte? -une négation simple et factuelle du pouvoir. C'est son illégitimité et son idée fixe qui dans cet endroit réveillent les furies.

En ce sens, oui, c'est une martyre, pas une idée de martyre, la pauvre idée qu'on met de l'avant ces jours-ci pour la ridiculiser, c'est vraiment quelqu'un qui à elle seule et sans vraiment le réaliser défie l'immense pouvoir en place et l'ébranle! Sa conduite met en relief la disproportion inouïe des forces en présence, un écrasant désavantage qu'il est plus commode d'oublier et qu'on fera oublier davantage en le défendant bec et ongle comme le parangon de démocratie qu'il est sensé être et la «société de droits» qu'il nous procure.

Soyons bien attentifs, cette posture inédite de Mme Ouellet nous donne l'occasion d'une riche réflexion collective que se refuse la minorité dite éclairée.

Soyons bien attentifs, cette posture inédite de Mme Ouellet nous donne l'occasion d'une riche réflexion collective que se refuse la minorité dite éclairée. Je ne m'en surprends pas autrement. Tout ce beau monde a appris à tirer - de peine et de misère - son épingle du jeu, un jeu aux dés pipés (au vu et au su de tous).

Que des journalistes et chroniqueurs soient unanimes à le défendre n'est pas si étonnant, au fond. Ils sont, comme on sait, les gardiens de la langue-gardienne de la foi, une foi devenue au fil du temps allégeance aveugle dans les institutions politiques de ce pays. Car ces institutions furent autrefois religieuses. D'un système à l'autre - tous les deux totalitaires en leur époque -, du spirituel au temporel, ce qui s'est conservé c'est la foi aveugle en ces institutions. La colère aveugle à les défendre aussi.

Je le dis, car il est de bon ton, au Québec, de se gargariser avec la laïcité, un rince-bouche bon marché pour mieux cracher à la gueule de tout ce qui vient d'ailleurs.

À foi aveugle, correspond colère aveugle, donc. Je le dis, car il est de bon ton, au Québec, de se gargariser avec la laïcité, un rince-bouche bon marché pour mieux cracher à la gueule de tout ce qui vient d'ailleurs. Nous sommes aussi laïques que maîtres de nous-mêmes, c'est à dire pas pantoute. La Laïcité comme la démocratie sont pour nous des tenues d'apparat : le petit roi est à poil!

Ce texte est la suite d'une réflexion amorcée dans un premier texte, à lire ici.

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