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Jeu de mots oblige, je ne suis évidemment pas le premier à parler «d'excommunication» pour décrire la façon cavalière dont madame Mourani a été expulsée du caucus bloquiste. Je note cependant que le choix de ce mot est intéressant et révélateur, car il décrit à mon sens très bien la triste réalité du mouvement indépendantiste.
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Parce qu'une fois n'est pas coutume, j'aimerais aujourd'hui vous écrire sur un ton un peu plus personnel. J'aimerais en fait réagir à l'expulsion de Maria Mourani du caucus bloquiste et vous livrer mes impressions générales sur le mouvement indépendantiste. Ce n'est un secret pour personne qu'il y a quelques mois encore, j'étais indépendantiste et je militais au sein d'Option nationale. Ce qui est moins connu, cependant, c'est que je faisais partie du groupe des Indépendantistes pour une laïcité inclusive (IPLI), celui-là même qui a publié cette fameuse Déclaration qui devint l'élément déclencheur de ce qui mena à «l'excommunication» de madame Mourani. Je ne suis plus indépendantiste, mais je partage toujours les valeurs d'ouverture et d'inclusion véhiculées par ce groupe et je comprends parfaitement leurs appréhensions quant aux impacts que pourrait avoir la Charte des valeurs du Parti québécois sur la société québécoise et sur le mouvement indépendantiste en particulier.

Jeu de mots oblige, je ne suis évidemment pas le premier à parler «d'excommunication» pour décrire la façon cavalière dont madame Mourani a été expulsée du caucus bloquiste. Je note cependant que le choix de ce mot est intéressant et révélateur, car il décrit à mon sens très bien la triste réalité du mouvement indépendantiste, un mouvement qui arrive difficilement à se remettre en question et qui accepte mal ceux et celles qui osent défier certains de ses dogmes fondamentaux. Par souci d'honnêteté intellectuelle, j'éviterai par contre de généraliser mon propos à l'ensemble des indépendantistes, mais force est de constater qu'en ce moment le mouvement est torpillé par sa frange la plus conservatrice qui met tout en œuvre pour enfermer le projet d'indépendance dans une logique identitaire réactionnaire qui s'incarne notamment dans le concept on ne peut plus incohérent de «catho-laïcité». De quoi laisser songeur...

Visiblement irritée par tout cela, madame Mourani dit réfléchir à son avenir au sein du mouvement indépendantiste. Je ne peux que la comprendre. Tout comme madame Mourani, j'ai moi-même goûté à la médecine des Grands prêtres de l'indépendance lorsque je suis devenu l'objet de suspicions en raison de ma supposée adhésion au «multiculturalisme trudeauiste canadien». Une attaque basée sur des demi-vérités qui aura cependant un impact bien réel sur ma capacité à manœuvrer dans le mouvement indépendantiste. Les choses ne s'arrangeront évidemment pas lorsqu'un peu plus tard je déciderai de quitter le navire et de réviser mes positions. Une décision réfléchie et assumée, mais non sans conséquence. Dès lors, je devenais non seulement un traître à la cause, mais à la nation tout entière. Il faut dire qu'au pays des Dogmatiques, il y a peu de place à la nuance et il est bien difficile de concevoir qu'une personne puisse remettre en question ses convictions. Dans la lutte du Bien contre le Mal, j'avais choisi mon camp. J'étais un hérétique.

N'étant pas moi-même un grand adepte de la pensée manichéenne, je ne pouvais que ressentir un profond malaise devant une telle attitude. Car je suis peut-être un grand naïf, mais je persiste à croire que dans la vie les choses ne sont que très rarement toutes blanches ou toutes noires, et ce même en politique. C'est d'ailleurs dans ce même esprit que j'affirme aujourd'hui, au risque d'en surprendre quelques-uns, que je suis profondément déçu et attristé de voir ce qui se passe au Bloc québécois. À mon avis, ce parti vient ni plus ni moins de signer son arrêt de mort. Mais pourquoi donc un fédéraliste comme moi est-il accablé de la sorte par les mésaventures du Bloc québécois? Ne devrait-il pas au contraire s'en réjouir? Comme j'aime à le souligner, les choses ne sont jamais si simples qu'elles le paraissent.

Je suis un fédéraliste, certes, mais aussi et surtout un nationaliste québécois. Cela signifie que bien que je considère le maintien du lien fédéral canadien comme l'option constitutionnelle la plus apte à promouvoir les meilleurs intérêts du Québec et de ses partenaires, mon engagement premier est envers le Québec et les Québécois. Ceci étant dit, je crois donc en l'importance de la présence à la Chambre des communes d'un parti qui saura représenter et exprimer la spécificité québécoise dans l'ensemble fédéral canadien. Un parti qui veillera à l'amélioration constante de la fédération canadienne et aux intérêts du Québec en tant que nation distincte à part entière. Est-ce que le Parti conservateur du Canada, le Parti libéral du Canada ou encore le Nouveau parti démocratique sont aptes à jouer ce rôle? Tout porte à croire que non. J'en prends pour témoin mon député Claude Patry, qui a claqué la porte du NPD lorsqu'il s'est rendu compte que ce parti faisait d'abord valoir les intérêts du Canada, et non ceux du Québec.

Voilà donc pourquoi, par le passé, j'ai toujours voté pour le Bloc québécois lors des scrutins fédéraux. Je doute cependant le faire à nouveau. Ce parti s'est littéralement trahi lui-même en revenant sur les principes qu'il défendait jusqu'alors au nom de la sacro-sainte union avec le PQ *. C'est déplorable, car à mon sens, le BQ avait son utilité dans la mesure où il permettait de porter à Ottawa les revendications historiques - et légitimes - du Québec. Et si cela est fait de bonne foi et favorise l'amélioration de la fédération dans le sens des intérêts du Québec et de ses partenaires, même un fédéraliste ne peut y être opposé. On m'objectera certainement le fait que le Bloc québécois avait aussi pour mission de promouvoir la souveraineté du Québec. Ce n'est évidemment pas faux, mais cela m'apparaît de moindre importance dans la mesure où l'indépendance du Québec, si elle devait se décider, se décidera à Québec et pas ailleurs.

En terminant, je tiens absolument à souhaiter la meilleure des chances à madame Mourani pour la suite des choses. C'est une femme intègre et déterminée pour qui j'ai la plus grande admiration. Nos aspirations pour le Québec ne sont pas exactement les mêmes, mais nous sommes tous deux animés par la volonté de maintenir la nation québécoise dans la voie de l'ouverture et de l'inclusion. En ce sens, je considère que nous sommes davantage des alliés que des adversaires.

* Voir à ce propos le mémoire déposé par le BQ lors des audiences de la Commission Bouchard-Taylor, en 2007. Un document intitulé « Bâtir le Québec ensemble », qui propose entre autres la laïcité ouverte et insiste sur l'intégration économique des femmes musulmanes.

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