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L'interculturalisme: un modèle à définir

Il est bon de rappeler qu'en dépit des efforts de nombreux intellectuels, le modèle québécois de gestion de la diversité ethnoculturelle et religieuse reste toujours à définir. L'interculturalisme, en effet, ne jouit à ce jour d'aucune reconnaissance officielle ni d'une définition complète et compréhensible.
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Alors que se tient, jusqu'au 5 octobre 2014, la semaine québécoise des rencontres interculturelles, il est bon de rappeler qu'en dépit des efforts de nombreux intellectuels, le modèle québécois de gestion de la diversité ethnoculturelle et religieuse reste toujours à définir. L'interculturalisme, en effet, ne jouit à ce jour d'aucune reconnaissance officielle ni par ailleurs d'une définition complète et compréhensible. Cette situation doit être corrigée.

Alors que de l'aveu même du premier ministre Philippe Couillard, la diversité sera « le défi de ce siècle », il importe de doter le Québec d'un modèle apte à conjuguer le respect du pluralisme avec les impératifs du vivre ensemble. Depuis 1971, année de l'adoption de la politique canadienne du multiculturalisme, un quasi-consensus s'est installé au Québec voulant que ce modèle ne convenait pas à la situation et aux aspirations du Québec. Dès lors, une vaste réflexion s'amorça afin de définir les contours d'une approche proprement québécoise en matière d'intégration des nouveaux arrivants et de gestion de la diversité.

Plus de quarante ans plus tard, il me semble que cette réflexion est arrivée à maturité et qu'il est plus que temps de doter le Québec de sa politique de l'interculturalisme. Ce serait par ailleurs l'occasion de mettre à jour l'Énoncé en matière d'immigration et d'intégration, dont l'adoption remonte à 1990, alors que les libéraux de Robert Bourassa étaient au pouvoir. Il va sans dire que de l'eau a coulé sous les ponts depuis. Alors que le Québec entre de plain-pied dans « l'ère post-Bouchard-Taylor », il est donc nécessaire de lui donner une politique à la hauteur de ses aspirations.

Avant de procéder, il importe cependant d'éviter certains écueils ou lieux communs, notamment celui qui tend à exagérer la différence entre multiculturalisme et interculturalisme. Si l'interculturalisme mérite d'être mieux défini, ce n'est pas tant par opposition au multiculturalisme que par nécessité de consolider l'approche québécoise en matière d'immigration et d'intégration, laquelle permettra de répondre adéquatement à la situation et aux besoins particuliers d'un Québec moderne, diversifié, pluraliste, inclusif et ouvert sur le monde. Une société distincte appelle une approche distincte, comme j'aime bien le rappeler.

Ce qu'il faut par ailleurs éviter, c'est d'occulter ou de tourner en ridicule ce que d'aucuns appellent le « malaise identitaire » des Québécois. Comme le débat sur la laïcité québécoise tend à le démontrer, la société québécoise est plus que jamais divisée sur les enjeux liés au vivre ensemble. Déchirés entre modernité et désir de continuité, les Québécois sont de toute évidence soucieux d'assurer la protection de ce qui constitue leur identité distincte, sans pour autant être fermés aux apports de l'immigration. Cette préoccupation légitime nous rappelle entre autres choses qu'au Québec, toute réflexion au sujet de l'intégration des personnes immigrantes doit se faire à l'intérieur d'un cadre conceptuel bien précis.

Dans l'ouvrage qu'il a publié sur le sujet, le sociologue et historien Gérard Bouchard souligne d'ailleurs l'importance du « paradigme de la dualité », lequel met en lumière l'existence sociale et historique de la majorité franco-québécoise de souche canadienne-française, une majorité elle-même en quête de reconnaissance et soucieuse d'assurer la protection de sa langue, de sa culture et de ses valeurs. C'est là une donnée essentielle et fondamentale dont on ne peut faire abstraction si l'on cherche à saisir la dynamique de base sur laquelle s'articule l'ensemble des rapports qu'entretient cette majorité avec la diversité.

L'interculturalisme, parce qu'il constitue une voie mitoyenne entre l'assimilisationnisme et le communautarisme, et qu'il favorise les interactions entre les Québécois de toutes origines, devrait précisément permettre de construire et de maintenir une culture commune forte dans un Québec néanmoins appelé à se diversifier toujours davantage. Le modèle interculturel valorise par ailleurs la notion de réciprocité, c'est-à-dire que la société québécoise s'engage à participer activement à l'intégration socioculturelle et économique des personnes immigrantes et qu'en même temps, ces personnes adhèrent aux valeurs de la société québécoise, partagent sa culture et assument la responsabilité de préparer et poursuivre leur parcours d'intégration.

En cette semaine québécoise des rencontres interculturelles, je souhaite non seulement que nous mettions en valeur la contribution importante des Québécoises et des Québécois de toutes origines au développement social, économique et culturel du Québec, mais aussi, et surtout que nous veillions à ce que le Québec soit doté d'une politique qui assurera de façon soutenue et cohérente la construction du dialogue et le rapprochement interculturel.

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