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L'adoption d'une charte de la laïcité - ou des «valeurs québécoises» - n'est pas nécessaire ni souhaitable puisqu'elle n'apporterait rien de plus ou de bon au bagage législatif dont est déjà muni le Québec. Nous devrions davantage nous pencher sur les problèmes liés à l'intégration économique des immigrants, principale clef de leur épanouissement parmi nous.
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S'il y a bien une chose à retenir du présent débat autour de la Charte des «valeurs québécoises» du Parti québécois, c'est la nécessité de régler une fois pour toutes les questions liées à la laïcité et aux accommodements. Mais la prudence s'impose, car c'est possiblement la volonté de vouloir régler tous les problèmes - réels ou non - en même temps qui pousse le gouvernement à aller de l'avant avec ce projet qui s'apparente davantage à un «régime de cheval» qu'à une approche responsable et mesurée. Car qu'on se le dise franchement, s'il s'avère maintenant évident que le statu quo n'est plus une option, il convient tout de même de rappeler qu'il n'y a pas réellement de «crise» identitaire au Québec et que, dans les faits, les demandes d'accommodement sont plutôt rares et généralement anodines.

Cette «crise», donc, tout comme celle de 2007, en est avant tout une de perception. Plusieurs acteurs gouvernementaux s'évertuent d'ailleurs à nous faire croire qu'il n'existe actuellement aucune balise aux accommodements et que le Québec serait de ce fait une sorte de «buffet à volonté», dont la seule limite se mesurerait à l'appétit des minorités voulant s'en prendre plus ou moins directement et consciemment à la majorité et à son patrimoine culturel et religieux. C'est bien mal engager le débat que de présenter les choses ainsi. Et surtout, cela dessert la cause de la laïcité elle-même puisque cette dernière devient captive de ceux qui cherchent à l'instrumentaliser à des fins bassement électoralistes et/ou populistes.

La laïcité, qu'est-ce que c'est au fond? De manière générale, on la définit comme le principe de séparation de l'Église et de l'État. Cette définition n'est pas mauvaise, mais elle passe néanmoins à côté de l'essentiel, à savoir les fins que cherche à réaliser la laïcité. Autrement dit, la laïcité oui, mais pourquoi? Ce qui cloche dans la position du Parti québécois, c'est notamment le fait qu'on a affaire à une laïcité qui retire ou affaiblit des droits plutôt que de les renforcer. Ce qui cloche aussi, c'est cette laïcité «à deux vitesses» qui discrimine les individus sur la base de leur appartenance religieuse plutôt que de consacrer leur égalité. Historiquement, la laïcité «authentique» n'a pourtant qu'un seul grand objectif, à savoir la reconnaissance de l'égalité morale des individus et, pour corollaire, la protection de leurs libertés de conscience, de religion et d'expression.

Bien qu'il soit de facto et, indirectement de jure, une société laïque, il est vrai que le Québec n'a pas tout à fait achevé sa laïcisation. Aucun texte de loi ne fait effectivement référence à la laïcité au Québec. Dans ce contexte, une démarche pour «officialiser» la laïcité de nos institutions apparaît comme un exercice louable, voire nécessaire aux yeux de certains. Mais comment s'y prendre? L'un des principaux problèmes avec l'idée même d'introduire cette nouvelle charte de la laïcité - ou des «valeurs québécoises» - est qu'elle risquerait d'imposer un cadre rigide d'interprétation qui aurait pour effet de complexifier ou de dénaturer l'objectif et l'application de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. À ce jour, nous ne savons d'ailleurs toujours pas quel statut aurait cette charte. Loi à valeur quasi constitutionnelle ou règle supplétive? Dans tous les cas, plusieurs difficultés se profilent à l'horizon.

Plutôt que de songer à remettre en cause nos règles de droit et leurs applications (en tentant, par exemple, d'introduire une hiérarchie des normes), il me semble que les circonstances actuelles imposent une approche plus responsable et mesurée. À cet égard, une voie prometteuse et porteuse de solutions pour le Québec serait d'abord l'inscription du caractère laïc de nos institutions à même la Charte québécoise des droits et libertés de la personne - laquelle garantit déjà le respect des valeurs fondamentales de la société québécoise, notamment l'égalité homme-femme.

Par ailleurs, tel que recommandé par les commissaires Bouchard et Taylor dans leur rapport, la rédaction d'un «livre blanc» sur la laïcité permettrait de définir les contours de la laïcité québécoise et d'offrir des balises claires et explicites aux demandes d'accommodement. Finalement, l'édification d'une véritable politique québécoise de l'interculturalisme doterait le Québec d'une approche originale et adaptée à ses besoins spécifiques en matière d'immigration.

Bref, on le voit bien, l'adoption d'une charte de la laïcité - ou des «valeurs québécoises» - n'est pas nécessaire ni souhaitable puisqu'elle n'apporterait rien de plus ou de bon au bagage législatif dont est déjà muni le Québec. Par ailleurs, j'aimerais noter au final que si nous avons vraiment à cœur l'intégration des nouveaux arrivants à la société québécoise, nous devrions davantage nous pencher sur les problèmes liés à leur intégration économique, laquelle est la principale clef de leur épanouissement parmi nous.

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