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Après s'être offert un moment de réflexion - ce que certains n'ont évidemment pas manqué de lui reprocher -, le Parti libéral du Québec a finalement présenté sa position en matière de laïcité. Une position responsable et mesurée qui s'inscrit dans la lignée de la grande tradition libérale, celle-là même qui permit aux libéraux de Jean Lesage et de Robert Bourassa de bâtir un Québec moderne, ouvert et inclusif.
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Après s'être offert un moment de réflexion - ce que certains n'ont évidemment pas manqué de lui reprocher -, le Parti libéral du Québec a finalement présenté sa position en matière de laïcité. Une position responsable et mesurée qui s'inscrit dans la lignée de la grande tradition libérale, celle-là même qui permit aux libéraux de Jean Lesage et de Robert Bourassa, pour ne nommer que ceux-là, de bâtir un Québec moderne, ouvert et inclusif. Une position qui se veut par ailleurs rassembleuse, car construite autour de principes communs qui définissent notre société et qui font largement consensus au Québec.

Pour l'essentiel, la position libérale consiste à encadrer l'exercice des droits et libertés sans en limiter indûment la portée et l'étendue. Elle permettra par ailleurs de moderniser l'État du Québec en affirmant et définissant clairement les contours de la laïcité québécoise ainsi que les balises encadrant les demandes d'accommodement. D'aucuns ont toutefois souligné la complexité ou encore le penchant légaliste de cette position. Je souhaiterais ici expliquer une fois pour toutes les tenants et les aboutissants de la position libérale en matière de laïcité en relevant ses principaux éléments ainsi que les principes fondamentaux qui l'animent.

1- Affirmer et définir la neutralité religieuse de l'État

Bien qu'il soit de facto et, indirectement, de jure un État laïc, il est vrai que le Québec n'a pas tout à fait achevé son processus de laïcisation. À ce jour, aucun texte de loi ne fait effectivement explicitement mention de la laïcité au Québec. Dans ce contexte, une démarche pour «officialiser» la laïcité de nos institutions apparaît comme un exercice louable, voire nécessaire aux yeux de certains. Mais comment s'y prendre? L'un des principaux problèmes liés à la position du Parti québécois et plus largement à l'idée d'introduire une nouvelle charte (Charte de la laïcité ou des valeurs québécoises) est que cette dernière risquerait d'imposer un cadre rigide d'interprétation qui aurait pour effet de complexifier ou de dénaturer l'objectif et l'application de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Pour sa part, le Parti libéral du Québec estime que la neutralité religieuse de l'État devrait être affirmée et définie à même la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Il importe par ailleurs de souligner que la laïcité est un arrangement institutionnel, non une valeur qu'il conviendrait d'imposer aux individus. Ce faisant, l'exigence de neutralité s'adresse aux institutions de l'État, non à leurs employés qui, pour leur part, peuvent arborer des signes religieux sans que cela ait pour effet de remettre en cause la neutralité religieuse et décisionnelle de l'État. Un État véritablement neutre sur le plan religieux se doit avant tout d'éviter de fonder d'une façon ou d'une autre ses choix et les normes institutionnelles sur une conception particulière du monde et du bien, qu'elle soit religieuse ou séculière. Il se doit par ailleurs d'attribuer le même respect et la même considération à tous les individus (1), sans égard à leurs convictions religieuses ou autres. Et puisqu'à ce jour personne n'a pu faire la démonstration que les signes religieux constituent, en soi, une entrave au bon fonctionnement des institutions de l'État ou un problème en regard de leur neutralité religieuse et décisionnelle, le Parti libéral du Québec juge qu'il serait abusif et mal avisé de les interdire systématiquement.

2- Interdiction de la burqa, du niqab et du tchador chez les employés de l'État

Aussi fondamentales soient-elles, les libertés individuelles ne sont évidemment pas absolues ou illimitées. Or, dans une société libérale et démocratique comme la nôtre, elles constituent par contre une norme de base à laquelle toute entorse ou limitation nécessite une justification forte. À cet égard, il apparaît que l'interdiction tous azimuts des signes religieux chez les agents de l'État que propose le Parti québécois est une mesure excessive et injustifiée. Excessive, d'une part, puisque porteuse d'effets potentiellement discriminatoires, notamment parce qu'elle ferait en sorte d'exercer une pression plus grande sur certains groupes de croyants pour qui le port de signes religieux constitue une dimension fondamentale de leur identité morale ainsi qu'une exigence liée à leurs convictions religieuses, les forçant ainsi à choisir entre leur foi et l'accès à un emploi dans la fonction publique. C'est par ailleurs une mesure injustifiée, puisque comme il a été mentionné plus haut, personne n'est parvenu à faire la démonstration éloquente de sa stricte nécessité en regard du bon fonctionnement des institutions de l'État ou encore de leur neutralité religieuse et décisionnelle.

Pour des motifs liés à la sécurité, à la communication et à l'identification, le Parti libéral du Québec reconnaît cependant qu'il est légitime et raisonnable d'interdire certains signes religieux, tels que le niqab et la burqa, car ces derniers couvrent complètement le visage. Il est aussi proposé que soit interdit le port du tchador, bien que ce dernier nécessite une analyse plus approfondie. Reconnaissons d'abord qu'il s'agit là d'un cas hautement hypothétique. En effet, il est plus qu'improbable, en raison de la signification de ce vêtement, qu'une femme qui porte le tchador souhaite travailler dans la fonction publique. Cela dit, c'est précisément sa signification univoque, laquelle renvoie à l'exclusion et au refus d'interaction sociale, qui fait en sorte que ce vêtement est incompatible avec la mission de l'État et la prestation de services publics.

3- Définir et baliser les accommodements

Par définition, un accommodement raisonnable correspond à l'assouplissement d'une norme ou d'une règle institutionnelle afin de contrecarrer les effets potentiellement discriminatoires de cette dernière (2). Autrement dit, il s'agit de reconnaître que l'application stricte et sans nuance de certaines normes ou règles institutionnelles, aussi neutres soient-elles dans leur essence, peut en réalité avoir pour effets de porter atteinte aux droits fondamentaux de certains individus ou groupes. Au Québec, les accommodements sont cependant sujets à diverses critiques, car perçus - à tort - comme un privilège ou un passe-droit octroyé à certains individus ou groupes au détriment des autres (de la majorité franco-québécoise de souche canadienne-française, le plus souvent) ou encore parce qu'ils apparaissent comme carrément déraisonnables.

Une étude attentive de la jurisprudence permet pourtant de constater qu'il existe bel et bien des balises encadrant les demandes d'accommodement. Tout d'abord, pour qu'il y ait matière à accommoder, le demandeur doit être en mesure de faire la démonstration qu'il est l'objet d'une forme ou d'une autre de discrimination reconnue par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ensuite, pour que l'accommodement soit accordé, il se doit d'être raisonnable, c'est-à-dire qu'il ne doit pas porter atteinte aux droits d'autrui ou encore entraîner une « contrainte excessive ». Cela dit, il est vrai qu'à l'instar de la laïcité, aucun texte de loi au Québec ne fait explicitement mention de ces balises ni ne définit clairement ce qu'est un accommodement. Pour pallier ce manque et répondre aux besoins des autorités compétentes, le Parti libéral du Québec propose donc de procéder à une codification des pratiques actuelles en matière d'accommodements en plus d'expliciter les critères qui président à l'évaluation d'une demande.

4- Respecter nos valeurs fondamentales et préserver notre patrimoine

La position libérale en matière de laïcité se veut responsable et mesurée, car d'une part conforme à notre tradition juridique et par ailleurs soucieuse d'assurer le respect des valeurs fondamentales de la société québécoise. À cet égard, il convient d'ailleurs de souligner que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne constitue notre meilleure défense. Il s'agit en effet d'un texte législatif fondamental qui offre une protection contre les différentes formes de discriminations et qui garantit le respect du principe d'égalité entre les femmes et les hommes. Pour ces raisons, le Parti libéral du Québec estime que toutes les modifications à la Charte devraient dorénavant être soumises à un vote des 2/3 des membres de l'Assemblée nationale.

Dans le même ordre d'idées, il est un fait incontournable que les Québécois souhaitent que les valeurs de la société d'accueil ainsi que son patrimoine soient préservés. Ce faisant, et puisque par ailleurs sa présence revêt un caractère historique et patrimonial plutôt que religieux, le Parti libéral du Québec est d'avis que le crucifix doit demeurer au Salon bleu de l'Assemblée nationale et que sa présence ne remet aucunement en cause la neutralité religieuse et décisionnelle de l'État.

(1) Voir Ronald Dworkin, Prendre les droits au sérieux, Paris, Presses universitaires de France, 1995.

(2) Voir Fonder l'avenir. Le temps de la réconciliation. Rapport final de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles, 2008.

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