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La nation distincte et la voie de l'interculturalisme

Si le Québec doit se doter de son propre modèle d'intégration des nouveaux arrivants, c'est d'abord parce qu'il constitue de fait et à bien des égards une nation distincte à l'intérieur de l'ensemble fédéral canadien.
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Le débat entourant la charte des valeurs québécoises est bien mal engagé. Plutôt que de s'attarder aux véritables enjeux, à savoir l'intégration socioculturelle et économique des personnes immigrantes, on s'enlise dans des débats interminables sur l'accoutrement des gens et la place des signes religieux dans l'espace public. Tout cela est bien intéressant, mais est-ce vraiment ce dont le Québec a le plus besoin en ce moment? Au même titre que toutes les nations démocratiques modernes, le Québec est appelé à relever les défis liés à la gestion de la diversité ethnoculturelle. Une nouvelle charte peut-elle nous aider à relever efficacement ces défis? Il y a tout lieu d'en douter. Il apparaît plutôt que c'est notre modèle d'intégration qui nécessite d'être repensé en profondeur afin de mieux répondre aux besoins et aux aspirations de la société québécoise.

La nation distincte

Au Québec, toute réflexion au sujet de l'intégration des personnes immigrantes doit cependant se faire à l'intérieur d'un cadre précis dont les paramètres méritent d'être explicités. Rappelons d'abord qu'en 1971, le Canada a été le premier pays au monde à adopter une politique officielle de multiculturalisme et que celle-ci fût immédiatement rejetée par le Québec. Le premier ministre québécois de l'époque, Robert Bourassa, a fait valoir que ce modèle ne convenait pas à la situation et aux aspirations du Québec. Le rejet initial fit rapidement place à la réflexion et c'est ainsi que le Québec élabora progressivement un modèle novateur que les intellectuels ont désigné sous le nom d'interculturalisme. Toujours méconnu du grand public - et souvent confondu à tort avec le multiculturalisme -, l'interculturalisme québécois ne jouit cependant que d'un statut officieux puisqu'à ce jour aucune politique ou loi n'est venue enchâsser ce modèle. Cette situation doit être corrigée.

Si le Québec doit se doter de son propre modèle d'intégration des nouveaux arrivants, c'est d'abord parce qu'il constitue de fait et à bien des égards une nation distincte à l'intérieur de l'ensemble fédéral canadien. Le multiculturalisme, de par son refus de reconnaître l'existence d'une culture majoritaire ou nationale, ne saurait être adapté à la réalité québécoise. Pour sa part, l'interculturalisme québécois repose au contraire sur ce que le sociologue et historien Gérard Bouchard appelle le «paradigme de la dualité», lequel met en lumière l'existence sociale et historique de la majorité franco-québécoise de souche canadienne-française, une majorité elle-même en quête de reconnaissance et soucieuse d'assurer la protection de sa langue, de sa culture et de ses valeurs. C'est là une donnée essentielle et fondamentale dont on ne peut faire abstraction si l'on cherche à saisir la dynamique de base sur laquelle s'articule l'ensemble des rapports qu'entretient cette majorité avec la diversité.

L'intégration distincte

L'interculturalisme s'impose par ailleurs comme étant le modèle le mieux adapté à la réalité québécoise du fait qu'il constitue une approche équilibrée qui parvient à concilier la protection des droits individuels (notamment ceux des minorités) et le respect de la diversité avec le maintien et la promotion d'une culture commune forte dont les principales composantes sont le français comme langue publique commune et des valeurs universelles comme l'égalité entre les femmes et les hommes. Le modèle interculturel valorise ainsi la notion de réciprocité, c'est-à-dire que la société québécoise s'engage à participer activement à l'intégration socioculturelle et économique des personnes immigrantes et qu'en même temps, ces personnes adhèrent aux valeurs de la société québécoise, partagent sa culture et assument la responsabilité de préparer et poursuivre leur parcours d'intégration.

En somme, l'interculturalisme apparaît comme le modèle d'intégration dont le Québec a besoin puisqu'il permet de satisfaire les critères de ce qu'il convient d'appeler «l'intégration distincte». Qu'est-ce que cela signifie? D'une part, que le Québec, en vertu de son statut de nation distincte, ne peut faire l'économie d'une réflexion originale et dynamique sur ses propres mécanismes d'intégration. Et par ailleurs, que le Québec se doit de reconnaître le fait du pluralisme et rejeter l'assimilationnisme sous toutes ses formes au profit d'une politique de la reconnaissance qui permet aux individus l'expression de leur différence tout en assumant l'idée qu'ils doivent s'intégrer à la culture commune. Seulement, il nous faut accepter que chacun puisse le faire à sa façon, c'est-à-dire sur la base de repères et à un rythme qui lui sont propres.

La voie de l'interculturalisme

Ce dont le Québec a besoin pour répondre adéquatement à ses besoins en matière d'intégration et de gestion de la diversité ethnoculturelle, c'est d'une politique concertée et harmonisée qui incarne les réalités sociale et historique du Québec. Un modèle qui permettra d'améliorer concrètement les conditions de vie de tous les Québécois en tenant compte des besoins des communautés. Un modèle qui favorisera des rapports interculturels ouverts et respectueux. Un modèle soucieux de préserver notre histoire et nos valeurs. Un modèle québécois, tout simplement. Bref, le Québec a besoin de s'engager officiellement dans la voie de l'interculturalisme.

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