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Pour faire simple, «je souffre de troubles mentaux»

Je ne suis pas triste. Ce n'est pas un état passager. Je suis dépressif. Même s'il m'arrive d'être heureux, même si j'atteins tous mes objectifs, je sais que je serai toujours en dépression. Ce n'est pas du défaitisme. Je suis simplement pragmatique. Je peux gérer ma dépression.
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Ce n'est pas un état passager. Je suis dépressif. Au cours d'un dîner avec des amis récemment, nous avons commencé à parler des troubles mentaux et de la façon de les soigner.

Chacun de nous avait été confronté à des épisodes dépressifs et des crises d'anxiété, mais nos avis divergeaient totalement sur les traitements disponibles, et notamment les antidépresseurs.

"Très peu pour moi", a dit l'un.

"Moi, j'en prendrais, mais seulement pour remonter la pente", a poursuivi l'autre.

Pour moi, c'était l'inverse: j'ai toujours pris des antidépresseurs, même si c'était par période. Il y a presque trois ans, j'ai décidé de suivre un traitement régulier, et ma vie a complètement changé. Je ne compte plus arrêter.

Les conversations de ce type ne sont pas rares. Dès qu'on parle de santé mentale, les avis sont souvent tranchés et incompatibles.

Je comprends que les antidépresseurs ne conviennent pas à tout le monde. Beaucoup de gens ont la chance de ne pas souffrir de troubles mentaux, et peu de ceux qui en sont affectés choisiraient spontanément un traitement médicamenteux.

En ce qui me concerne, les médicaments ne sont que l'une des facettes d'un traitement qui m'évite de succomber aux affres de la dépression clinique, cette dépression qui menace en permanence de perturber mon équilibre instable.

Je n'ai pas oublié ce que je ressentais quand j'allais mal.

J'ai l'impression d'avoir toujours ressenti une tristesse obsédante, un mal-être omniprésent qui semblait profondément ancré en moi. Évidemment, il y avait des moments où la dépression se faisait moins sentir, mais elle était toujours présente.

Les épisodes particulièrement intenses m'évoquent un brouillard épais qui coulait dans mes veines et s'insinuait jusque dans mes os. Je me sentais accablé, pris au piège, l'otage de mon propre esprit.

Je me souviens de jours, de semaines, de mois où j'avais l'impression qu'une vitre de plexiglas me séparait des autres. Je voyais ce qui se passait et j'arrivais (à peu près) à garder le rythme, mais tout était flou, étouffé. La dépression la plus grave ne vous rend pas triste. Elle suscite un sentiment d'engourdissement, d'apathie, de désespoir. Quand vous tombez là-dedans, vous voyez tout en noir.

Même si je sentais sa présence en permanence, ma dépression n'était pas toujours détectable. De manière presque obsessionnelle, je me forçais à être le meilleur.

J'étais le premier de la classe au lycée, délégué, j'avais plein de copains. J'ai fait mes études à Brown University. J'ai occupé différents postes, et j'ai toujours fait preuve de professionnalisme.

Je ne corresponds peut-être pas à l'idée que les gens se font des personnes qui souffrent de troubles mentaux. Il n'y a pourtant aucun doute là-dessus: j'ai une maladie mentale.

Je répète: j'ai une maladie mentale.

Je ne suis pas triste. Ce n'est pas un état passager. Je suis dépressif. Même s'il m'arrive d'être heureux, même si j'atteins tous mes objectifs, je sais que je serai toujours en dépression. Ce n'est pas du défaitisme. Je suis simplement pragmatique. Je peux gérer ma dépression. Si je prends des antidépresseurs, si je suis une thérapie, si je fais du sport et si j'évite de boire ou de prendre de la drogue, je suis non seulement capable de fonctionner, mais aussi de m'épanouir.

Je ne suis pas triste. Ce n'est pas un état passager. Je suis dépressif.

À l'inverse, si je ne fais pas attention à ma santé mentale, si je ne fais pas ce qu'il faut, je sais où cela peut me conduire. Encore une fois, ce n'est pas beau à voir.

Je le sais parce que j'ai vu ce que cela donnait. J'ai passé des années à refuser d'admettre que j'étais dépressif, à refuser de me faire soigner. Je me disais que c'était inutile, excessif. Je trouvais injuste de devoir en passer par là pour me sentir bien dans ma peau, alors que la plupart de mes amis n'en avaient pas besoin.

Cette période de ma vie a été assez houleuse, avec plusieurs tentatives de suicide, de phases de toxicomanie et d'alcoolisme, de troubles de l'alimentation, de dépression paralysante, de relations toxiques et de désespoir généralisé. Ma vie a été prise en otage, et presque anéantie, par les troubles mentaux dont je souffrais.

Comme beaucoup d'autres.

Même si je n'ai pas peur d'admettre que j'ai une maladie mentale, je comprends que cela effraie les gens parce que ce type de pathologie est encore stigmatisé. Aux États-Unis, on n'en parle quasiment qu'après une fusillade, ou un suicide. Autrefois, ceux qui en souffraient étaient enfermés dans des établissements qui ne faisaient pas dans la dentelle. Par conséquent, ceux qui étaient affectés par ces troubles craignaient de perdre leur emploi, leurs amis, leur compagne ou compagnon s'ils en parlaient.

Même si je n'ai pas peur d'admettre que j'ai une maladie mentale, je comprends que cela effraie les gens parce que ce type de pathologie est encore stigmatisé.

On devrait pouvoir évoquer les troubles mentaux dans d'autres contextes, n'importe quand.

C'est une pathologie très répandue. D'après la National Alliance on Mental Illness, "un adulte américain sur cinq doit être soigné pour des troubles mentaux chaque année, et un sur dix-sept souffre d'une maladie grave, comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires".

L'un des pires aspects de la maladie mentale, c'est cette notion d'isolation et de non-dit, l'idée qu'il faut cacher et refouler ce que l'on ressent et ce que ces troubles entraînent au niveau de notre comportement. La seule manière d'améliorer les choses, c'est d'engager un dialogue sans tabou sur ce dont nos proches ou nous-mêmes avons besoin pour nous soigner.

La thérapie et les médicaments ne sont ni une punition ni un luxe. Pour beaucoup, ils sont indispensables pour survivre et profiter de la vie. Les troubles mentaux devraient être soignés comme n'importe quelle maladie. Il n'y a aucune honte à en souffrir. Personne ne doit vous obliger à en parler, mais vous ne devez pas non plus vous sentir obligé de les dissimuler.

Tous ceux qui ont une maladie mentale n'ont pas les mêmes symptômes, et personne ne réagit de la même manière aux différents traitements et thérapies. Ce qui est certain, en revanche, c'est que les troubles mentaux ne sont pas un signe de faiblesse, de méchanceté ou de dangerosité.

Les troubles mentaux ne sont pas un signe de faiblesse, de méchanceté ou de dangerosité.

Ils génèrent des problèmes spécifiques qui peuvent être surmontés ou tout du moins gérés.

On peut être heureux, et libre, à condition de faire preuve de persévérance, d'honnêteté, et de ne pas ménager ses efforts.

Notre société doit s'adapter, faciliter l'accès au soin des personnes qui souffrent de ces troubles, et faire changer les mentalités afin de ne plus stigmatiser la maladie mentale ni les traitements disponibles.

À quelques semaines des élections présidentielles américaines, alors que la santé et la réforme du secteur médical font l'objet de débats vigoureux, il est indispensable d'inclure la prise en charge des maladies mentales dans cette conversation.

Nous avons fait trop de progrès pour tolérer que des gens souffrent en silence, qu'ils se sentent abandonnés.

J'espère que le genre de discussion que j'ai eue avec mes amis deviendra plus courant. Et, même si c'est gênant au début, qu'on finira par trouver naturel de pouvoir en parler à table.

Pour changer les choses, il faut d'abord briser les tabous, afin de pouvoir dire les choses franchement.

Vous êtes en situation de crise? Ou vous connaissez quelqu'un qui a besoin d'aide? Plusieurs centres d'écoute sont à votre disposition au Québec, 24h/24, 7 jours sur 7.

Ce blogue, publié sur le site de l'auteur et repris par le Huffington Post américain, a été traduit par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.

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