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Tremblement de tête

Dix minutes après l'incident, la cascade des plaisanteries est à son comble sur Twitter, et mon fil n'est plus rempli que de cet humour court. Ce qui me frappe, c'est la redondance du propos. Certes, je sais que quand unest bon, ou jugé comme tel, il est partagé et répété, mais je me rends rapidement compte que nombre d'utilisateurs publient des drôleries identiques, avec je crois la conviction réelle d'avoir trouvé un mot d'esprit inédit.
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La terre a tremblé pendant la nuit, suffisamment pour sortir du sommeil à peu près toute la grande région de Montréal, y compris moi. Une secousse sans conséquence, mais saisissante, au point de vouloir en savoir un peu plus. Inutile d'allumer la télé, il est minuit vingt et on y rejoue des programmes enregistrés plus tôt dans la journée. Personne à blâmer, ce serait idiot de maintenir un journalisme d'urgence pendant que la ville dort sur ses deux oreilles. Était-ce juste un camion de construction qui est passé trop vite dans ma rue, un avion s'est-il écrasé, ou le petit café italien d'en bas vient d'y passer lui-aussi?

La réponse se trouve forcément sur Twitter, et je m'y précipite. Y a-t- il toujours autant de monde ici au beau milieu de la nuit ou avons-nous tous eu le même réflexe? Ça gazouille en tout cas, et mon choix est efficace. En quelques secondes, j'ai ma confirmation: la terre a bel et bien tremblé.

J'allume une cigarette, je suis trop réveillé. Les premiers messages que je lis expriment d'abord la stupeur, et le rassurement, fort compréhensibles. Puis rapidement, la légèreté s'installe et le soulagement se traduit par quelques premières petites blagues, plus ou moins drôles. Des mots d'esprit sur le maire Tremblay (Tremblay, tremblement, voyez-vous), sur l'échangeur Turcot, le pont Champlain, etc.

Rien d'anormal en somme qu'après un stress, quelque soit son ampleur réelle, nous ressentions ce besoin bien humain de détendre l'atmosphère. En d'autres temps, nous serions sans doute sortis dans la rue y trouver nos semblables, et l'humour serait venu saluer le constat que nous étions bel et bien en vie et en santé.

Dix minutes après l'incident, la cascade des plaisanteries est à son comble sur Twitter, et mon fil n'est plus rempli que de cet humour court. Ce qui me frappe, c'est la redondance du propos. Certes, je sais que quand un tweet est bon, ou jugé comme tel, il est partagé et répété, mais je me rends rapidement compte que nombre d'utilisateurs publient des drôleries identiques, avec je crois la conviction réelle d'avoir trouvé un mot d'esprit inédit.

Je crois qu'il y avait cette nuit-là moins de faussaires que d'esprits involontairement victimes de l'unicité de notre pensée. Pourtant l'Internet nous avait fait cette promesse d'abondance en rassemblant dans la même conversation mille et une personnes, ce qui jadis était impossible, nous laissant rêver à mille et une idées, toutes plus riches et plus neuves les unes que les autres.

Or le rêve a fait long feu, et force est de reconnaître qu'il n'y a guère plus de créativité dans le foisonnement de nos cerveaux accumulés que dans notre petit immeuble. L'addition des particularités n'a pas eu lieu, et en dépit de la palette incroyable de nos couleurs réunies, nous faisons malheureusement tous un peu le même dessin.

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