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Sur mon fil Facebook depuis mardi, la quantité et l'intensité des réactions au décès de Jean Lapierre me laissent pour le moins perplexe.
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Sur mon fil Facebook depuis mardi, la quantité et l'intensité des réactions au décès de Jean Lapierre me laissent pour le moins perplexe.

Si l'émotion et le choc vont de soi pour les gens qui le connaissaient et le côtoyaient, l'intensité avec laquelle des gens comme moi - de simples spectateurs - réagissent, tout cela me laisse un peu dans l'incompréhension, pour ne pas dire en face d'un grand découragement.

Comment ne pas s'étonner que certains se retrouvent littéralement effondrés alors que je n'avais pas décelé jusque-là le moindre soupçon d'intérêt pour cette personnalité en particulier? Comment l'indifférence a pu être remplacée sans délai par un si puissant et désespéré amour?

Brassens avait observé le phénomène d'idéalisation spontanée lorsqu'on vit un décès: les morts sont tous des braves types, disait-il. Mais ce que j'observe ici, ce n'est pas tant l'idéalisation du défunt (je suis même assez d'accord avec cette pratique bienveillante), mais plutôt l'idéalisation de l'amour qu'on lui portait qui, soyons honnête, constitue le triomphe du grotesque et de l'indécence.

Je pourrais écrire un texte interminable sur tout ça, un livre même, sur le monde dans lequel on vit depuis l'avènement des réseaux sociaux. Ça s'appellerait La Fiction, ou un truc du genre. Ça parlerait d'une époque où on deviendrait taxi parce qu'on a une auto, où on deviendrait hôtel parce qu'on a un divan, où on deviendrait photographe parce qu'on a un crisse de téléphone.

On y deviendrait, pourquoi pas, grand reporter sur Twitter, et on serait une chaîne de télé toute entière grâce à l'arrogance et à Youtube. Dans cette vie de fiction, on confondrait fièrement l'outil et la fonction, la popularité et le talent, l'acné et l'expérience. Dans cette vie de fiction, on aimerait d'un amour égal et total, sa mère, une revue d'adolescents cuisiniers, et un journaliste politique. À la perte brutale de l'un des trois, on se retrouverait dans un désarroi profond et spectaculaire, aux frontières de l'inconsolable, au début d'un grand deuil.

Je pourrais écrire un texte interminable sur tout ça, un livre même, mais la seule idée de ce monde-là m'ôte toute énergie, voire tout espoir. Alors je vous propose à la place un peu de silence. Ah oui, parce que dans La Fiction, c'est ce qui manquera le plus.

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