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Ce matin, ligne orange, j'ai lâché des yeux la fente sans fierté, presque odorante, de la blonde d'à côté pour m'attarder sur cette femme-là, aux yeux foncés et profonds, sensibles et discrets. En vrai je ne sais pas ce qui l'anime, ce qui la chagrine, ni qui l'habille vraiment. Je la trouve juste belle, elle me grandit. Mais mon gouvernement veut la faire disparaitre.
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Je regarde un peu plus le cul des filles ces temps-ci. Non pas que j'avais complètement abandonné cette pratique séculaire et sans douleur, mais comme j'avais versé mon dévolu sur un en particulier, je m'imposais depuis cette petite réserve polie qui fait ma grandeur. Mais récemment libéré d'un derrière exclusif et familier, je caresse à nouveau du regard les multiples champs arrondis du possible.

C'est donc les yeux baissés vers un livre dont j'ignore tout que je contemple, ligne orange, les fondements inégaux de mes contemporaines. La saison est mon amie, alors je me dépêche d'en profiter avant que de trop longs tissus, semblables aux feuilles mortes, ne tombent et viennent recouvrir de tristesse ces valons éphémères et chatoyants. Parfois la nature s'émerveille, et je pense alors à Jeanloup Sieff, grand parmi les grands, qui photographiait comme personne les séants prometteurs, et qui disait: «Ce sont les voûtes romanes de l'architecture corporelle, qui permettent de retrouver la foi originelle en une Femme à l'image de Dieu. Ce sont ceux-là que j'aime photographier, pour en conserver à jamais les courbes miraculeuses avant que le temps ne les dégrade. Ces derrières-là mériteraient presque, récompense ultime de leur unicité, de n'avoir point de trou du cul.»

J'ignore quel métro prenait Sieff, mais ligne orange, le sublime arrière-train n'est pas de tous les wagons et les courbes ne sont pas toutes les fruits du miracle, hélas. Hélas ou tant mieux? Je laisse à Grégoire Delacourt le soin de l'éloge à la petite grosse, l'éloge au cul du temps qui passe. Il le fait à merveille et avec une bonté qui justifie à elle seule un best-seller mondial.

Ainsi je m'attarde, station après station, à tous ces derrières, miraculeux ou injustes, délicatement suggérés ou offerts de triste exubérance. Des culs baveux, des culs chromés, des culs hurlants. Des culs sans âme, parce que trop dévoilés. Alors, pour fuir le vulgaire, je cherche le tissu. Je fouille mon wagon, en quête de sous-entendu, en quête d'insinuation, en quête d'à peine évoqué, de juste aperçu.

Parfois, mon regard condamnable s'arrête sur une robe. Pas une petite robe blanc-cassé montréalaise, une longue robe. Une robe interminable et sans rebond. Mais c'est une belle robe, cousue de fils d'or délicats qui arpentent une soie riche et colorée. Une robe sans arrogance qui donne juste envie de remonter jusqu'aux yeux, jusqu'aux cheveux. Des yeux foncés et profonds, sensibles et discrets. Mais pas de jolie coiffure, non. Par dessus, une autre étoffe, fine, brodée et gracieuse.

Ce matin, ligne orange, j'ai lâché des yeux la fente sans fierté, presque odorante, de la blonde d'à côté pour m'attarder sur cette femme-là, aux yeux foncés et profonds, sensibles et discrets. En vrai je ne sais pas ce qui l'anime, ce qui la chagrine, ni qui l'habille vraiment. Je la trouve juste belle, elle me grandit.

Mais mon gouvernement veut la faire disparaitre.

MISE AU POINT: Moi l'intégriste

Me doutant qu'ils allaient se faire rare dans le débat sur la charte des valeurs, j'ai voulu dans mon dernier texte envoyer un signe d'amitié aux personnes - et particulièrement aux femmes - qui allaient en être les victimes, c'est à dire les femmes voilées. Si la charte tient ses promesses, elles seront évacuées de l'espace public, de nos administrations, de nos CPE, etc.

La question de savoir qui les voile, je ne l'ai pas abordée, elle est sensible, et on saute trop souvent aux conclusions. La réalité est qu'elles portent le voile, et que croire qu'elles le retireront sur ordre est un leurre et une hypocrisie puisque nous savons bien que c'est tout à la fois religieux, culturel, traditionnel. Il s'agit donc bien d'organiser la disparition de ces personnes de notre espace commun.

Depuis ce matin je me fais traiter partout d'islamiste intégriste qui prône le retour à l'esclavage des femmes, et avec une violence étonnante. Mais refuser ces femmes dans notre espace public, n'est-ce pas interrompre leur émancipation? N'est-ce pas leur montrer la direction du foyer? C'est moi l'intégriste?

Et les fesses? Je vous renvoie à la burqa de chair de Nelly Arcan.

Je vais assumer que je me suis mal exprimé, que j'ai été un brin provocant, maladroit même. Je trouve ça moins confrontant que de réaliser que je suis entouré de xénophobes.

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