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Trêve de quotidien à Rio de Janeiro

« Il est dans mes croyances que lorsque le Roi Momo s'exilera de ce monde, ce sera la fin du monde. Rire n'est pas seulement propre à l'homme, c'est une de ses nécessités. Et il n'y a que le rire, de grands rires, que lorsqu'il est public, universel, inextinguible (...) », écrivait Machado de Assis en février 1894. L'écrivain considéré comme l'un des plus grands de la littérature brésilienne venait d'apprendre que le carnaval était annulé.
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Sarah Sanchez

« Il est dans mes croyances que lorsque le Roi Momo s'exilera de ce monde, ce sera la fin du monde. Rire n'est pas seulement propre à l'homme, c'est une de ses nécessités. Et il n'y a que le rire, de grands rires, que lorsqu'il est public, universel, inextinguible (...) », écrivait Machado de Assis en février 1894. L'écrivain considéré comme l'un des plus grands de la littérature brésilienne venait d'apprendre que le carnaval était annulé.

Difficile d'être plus juste, 119 ans plus tard. Le délire populaire qui s'apprête à envahir Rio est vital pour plusieurs Cariocas. Heureusement, le Roi Momo est toujours en selle. La version tropicale du Bonhomme Carnaval est sur le point de recevoir les clés de la ville merveilleuse et ainsi déclencher son court règne onirique.

Mais oubliez ces envoûtantes mulâtres aux corps en silicone, les paillettes et les gigantesques chars allégoriques qu'on vous montre chaque année à la télé. Oubliez la traditionnelle compétition des écoles de samba, cette superproduction qui prend vie dans un stade où les places dans les gradins sont limitées. Ce que tous les journalistes de la planète qualifient de « plus grand spectacle du monde ».

Parlons plutôt du vrai carnaval, celui de la rue. Le démocratique, spontané, gratuit. Celui qui a conservé son essence : la recherche du plaisir absolu. Celui où tout le monde est invité à participer. Où riches et pauvres sont indistincts. Cette fête qui n'a rien de glamour, mais qui génère un mélange de couleurs et de sueurs d'une grande beauté. Cette tradition venue d'Europe et que Rio a adoptée au milieu du 19e siècle, bien avant la naissance des très esthétiques et commandités défilés du Sambodrome.

Au cours des prochains jours, 492 groupes carnavalesques et 6 millions de fêtards s'approprieront la rue. Des rassemblements de masse, où des gens déguisés et enivrés danseront derrière des musiciens aussi allègres que doués. Et d'autres attroupements plus modestes, où la marmaille pourra amplement s'amuser. Dans les deux cas, le peuple orchestrera les festivités.

Quatre jours intenses où presque tout sera permis. Au centre-ville, sur la plage, en périphérie, les hommes seront habillés en femme, les femmes en homme, et les célibataires embrasseront un nombre infini d'inconnus. Quatre jours à l'abri des jugements. L'euphorie pour certains, un bordel pour d'autres.

Le chaos irritera les plus pieux et fera fuir les rabat-joies vers les montagnes paisibles de la région. Un désordre, certes, mais tout de même encadré. Un métro en fonction 24 heures sur 24, des milliers de policiers mobilisés, 16 200 toilettes chimiques installées. Une structure imposante pour un lâcher-prise démesuré.

Le Carnaval de Rio est un défoulement collectif essentiel avant d'affronter le reste de l'année, pour mieux encaisser les coups à venir, la violence urbaine, la surcharge de travail, la corruption et toujours les mêmes tragédies qui se répètent. Une catharsis annuelle qui explique peut-être le fait que malgré tous leurs problèmes socio-économiques, les Brésiliens arrivent à se maintenir au premier rang des peuples les plus heureux du monde.

Et cet exutoire festif, il est en fait déjà commencé. Ici, l'épiphanie lance le précarnaval et la nouvelle année ne démarre qu'au lendemain du mercredi des Cendres. Un répit, un long temps des fêtes. Une bulle de folie avant la rigueur quotidienne.

EN IMAGES: (Suite du billet dessous)

Carnaval de Rio

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