Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Obama et l'art de heurter les consciences

Obama a rendu un fier service à la lutte anti-racisme en démontrant que ce combat ne se limite pas à proscrire l'usage de certains mots lorsque les maux sont si palpables.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Prononcer un mot tabou pour frapper les consciences est la méthode pour laquelle a opté Obama. L'initiative est habile et a l'avantage de bousculer les esprits. Si la polémique n'a cessé d'enfler depuis cette interview accordée par le président américain au podcast de Marc Maron suite à la tuerie de Charleston, l'utilisation du mot «nigger» - dans son contexte - a permis de pointer du doigt la persistance du racisme aux États-Unis pour ceux qui en doutaient encore.

Considérée comme une insulte raciste envers la communauté noire depuis l'époque de l'esclavagisme, le mot «nègre» est devenu imprononçable. Cependant, s'il a été aboli du langage «poli et correct», le mal à l'origine de ce terme absurde n'a pas pour autant disparu. Il fallait qu'Obama lui-même l'utilise pour susciter l'émoi, le malaise, et relancer le débat autour de questions cruciales.

Le racisme est encore très présent au pays de Martin Luther King. Personne ne peut nier les tensions raciales qui y existent actuellement. L'ombre du racisme et de la discrimination continuent à peser sur cette société qui se distingue par ses failles, ses paradoxes et ses plaies encore ouvertes. Cette réalité a d'ailleurs été bien dépeinte au cours de cette interview quand Obama a indiqué que cette société n'est pas encore guérie du racisme, que les sociétés n'effacent pas totalement, du jour au lendemain, ce qui s'est passé 200 ou 300 ans plus tôt.

Parler du passé

Maquiller la réalité via une phraséologie polie est loin d'être suffisant quand l'actualité nous prouve, chaque jour, que le racisme est loin de faire partie du passé.

Les optimistes qui ont crû que l'élection historique d'un président noir à la tête de la première puissance mondiale en 2008 allait endiguer ce fléau ravageur ont vite déchanté. Le chroniqueur africain-américain Eugene Robinson a même expliqué dans une tribune que le simple fait de voir une famille noire à la Maison-Blanche allait accentuer les anxiétés et les conflits raciaux.

Cette triste réalité prouve encore une fois un fait incontestable: le racisme est une mentalité. Et pour changer les mentalités, il faut secouer les esprits embourbés et arriérés. Car oui être raciste, c'est avoir l'esprit arriéré et malade! On ne peut être sain d'esprit tout en ressentant de la haine ou du mépris pour un autre être humain dont la seule «différence» serait sa couleur de peau.

Hélas, l'histoire a produit trop de malades, dont le tueur de Charleston, qui est certes malade d'esprit mais surtout un terroriste, au même titre que les tueurs de l'État islamique. Lui prétend défendre la suprématie des blancs, eux défendent la suprématie de leur idéologie obscure. Lui a tué, eux tuent toujours. Lui aurait confié qu'il voulait «déclarer une guerre raciale», eux ont déclaré une guerre religieuse contre nous, «les mécréants».

Après cette sortie d'Obama, certaines télévisions américaines ont placé un bip sonore au moment où il prononce le mot «nigger», tandis que des journaux ne l'ont pas imprimé. Pourquoi pas, si la chose les dérange? Cela dit, il serait aussi intéressant d'accompagner ces «initiatives» par des actions dignes de médias responsables: organiser des débats sérieux autour de la question du racisme sans tomber dans le sensationnalisme, apporter des témoignages sérieux et crédibles, expliquer les conséquences de ce fléau sur la société, conscientiser les citoyens quant aux dangers tragiques de ces dérives, les éduquer et pointer du doigt les origines de l'aggravation des tensions raciales.

Plusieurs peuples et pays ne semblent pas encore prêts à aborder des chapitres récents de leurs histoires. On a parfois l'impression qu'ils ont peur de devoir affronter les conséquences de cet acte, de devoir patauger dans la fange du passé, alors que le présent est déjà dur et l'avenir, incertain. Ils appréhendent aussi certains sujets qui peuvent attiser des pommes de discorde encore présentes mais peu médiatisées.

L'Afrique du Sud ne représente-t-elle pas un exemple édifiant de cette convalescence fragile suite à des années ponctuées de discours officiels et de déclarations médiatiques vantant le métissage et la nation arc-en-ciel? Ceux qui ont côtoyé ce pays de près savent que la réalité est bien différente et que le modèle sud-africain est loin d'être un exemple. Bien évoquer le passé et ne pas plier ses pages rapidement peut être salutaire. Les tourments engendrés par l'obsession d'un passé qu'on ne veut pas aborder - à l'exception de certains chapitres - ont un impact direct sur notre vie.

En attendant, Obama a rendu un fier service à la lutte anti-racisme en démontrant que ce combat ne se limite pas à proscrire l'usage de certains mots lorsque les maux sont si palpables.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Tristesse à Charleston

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.