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L'Afrique et la politique de la patate chaude

Les dirigeants africains n'ont d'ailleurs aucun problème à pratiquer la politique de la patate chaude : ils refusent de traiter le problème et le renvoient vers leurs « amis » européens.
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La Méditerranée s'est, encore une fois, transformée en tombeau. L'un des plus graves drames de l'immigration de l'histoire a eu lieu récemment. Un bilan effroyable et plusieurs questions restées sans réponses.

Comme à chaque fois, les débats associés à ce genre de tragédies soulèvent les passions, mais demeurent cantonnés dans un registre émotif générateur de tensions et non de solutions. Il faut dire que voir les corps livides et les ventres gonflés des victimes a de quoi rendre accablée et indignée la communauté internationale. Cependant, cette étape bien que naturelle, doit laisser place aux vrais questionnements relatifs à cette catastrophe qui aurait pu être évitée si de vraies mesures avaient été mises en œuvre. Les fonds et les moyens nécessaires ne manquent pas. Est-ce la volonté qui fait défaut ?

Le « laisser mourir », une politique?

C'est ce qu'a laissé entendre l'excellente Fatou Diome, femme de lettres franco-sénégalaise, lors d'une intervention médiatique où elle a dénoncé la politique du « laisser mourir » adoptée par l'Union européenne qui serait selon elle un outil dissuasif qui s'avère inutile avec ces personnes mettant leurs vies en péril, car «celui qui considère que la vie qu'il a à perdre ne vaut rien ne prend aucun risque» ! A-t-on justement essayé de comprendre pourquoi ces gens fuient leurs pays ? Pourquoi des familles entières cotisent pour permettre à leur progéniture de payer ces voyages de la mort malgré les risques encourus ? Pourquoi des humaines travaillent pendant des mois dans des conditions inhumaines -notamment en Libye - pour récolter les sommes nécessaires afin de fuir la misère, la guerre, le désespoir et la mort? Les raisons sont multiples, connues mais ignorées car des considérations politico-économiques sont en jeu. Il faut dire que la surenchère politique a été à l'œuvre suite à ce drame. Entre les partis d'extrême droite qui ont profité de cette triste aubaine pour clamer haut et fort qu'il fallait remettre en cause les fondements de l'Union européenne et son existence même et les partis de l'opposition qui n'ont pas hésité à s'approprier ce drame pour dénoncer l'incapacité des partis au pouvoir à juguler ce fléau, les débats ont été houleux. Les premiers , à l'instar du Front National français, n'ont pas raté l'occasion de fustiger ce qu'ils appellent «la politique d'ouverture» en considérant que fermer les frontières du vieux continent et renoncer au principe de libre circulation entre ses Etats membres sont des solutions réalistes. L'union serait, selon eux, un facteur d'aggravation de la crise migratoire et non une solution. Bref, les «solutions» ont afflué et chacun avait son mot à dire. Certaines sont réalistes, d'autres sont aberrantes. Tout le monde est cependant d'accord sur un point : l'Union européenne doit agir. Il faut qu'elle trouve des solutions concrètes et pérennes pour éviter ces naufrages meurtriers. L'avenir nous dira si ce passage à l'acte aura lieu.

Et l'Afrique dans tout ça?

Dans tout ce chaos politico-médiatique, plusieurs parties responsables ont été appelées à agir, d'autres moins. En effet, rares sont les personnes qui ont pointé du doigt l'un des grands responsables de cette débandade, cette grande muette dont le silence terrible devient assourdissant : L'Union Africaine. Les dirigeants africains dont la plupart se contente de piller les richesses de leurs pays avec la complicité de grandes puissances n'ont pas été appelés à agir concrètement. Les enjeux économiques et les alliances politiques ne doivent-elles pas être perturbés ? Y'aurait-t-il trop à perdre ? Les vies de ces centaines de naufragés ne valent-elles pas de tels sacrifices ? Car, parler de surveillance, d'assistance, de diplomatie, de lutte contre les trafics sans responsabiliser les dirigeants africains paraît invraisemblable. Ces régimes dont l'attentisme face aux filières des passeurs ne fait qu'encourager le développement de ces mafias lucratives. N'ont-ils pas les moyens de lutter contre ces filières et de les démanteler ? Certes les conflits en Libye et en Syrie ont poussé plusieurs milliers de personnes à fuir le chaos de la guerre, mais les migrants clandestins essayent surtout d'échapper à la misère dans leurs pays. Cette misère qui est le fruit de régimes despotiques et corrompus. Ces mêmes régimes qui font comme si ce drame ne les concernait pas ! Ces régimes sourds, incapables de se soucier d'une jeunesse courageuse, active, militante, déterminée, prête à tout pour s'en sortir. L'Europe n'est pas la seule responsable de ce drame et ce n'est pas à elle seule d'en assumer les conséquences. Les dirigeants africains n'ont d'ailleurs aucun problème à pratiquer la politique de la patate chaude : ils refusent de traiter le problème et le renvoient vers leurs « amis » européens. Ces derniers de peur de remettre en cause leurs intérêts, de froisser leurs amis, optent pour la complaisance et l'indulgence. D'ailleurs, un sommet avec l'Union africaine est prévu à Malte pour « résoudre le problème de l'immigration irrégulière » selon le Premier ministre maltais Joseph Muscat. Cependant, aucune réunion en urgence n'est programmée et aucune date n'a été fixée selon ce responsable. Rien ne presse et les dirigeants africains n'ont pas à s'inquiéter.

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