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La souffrance psychique n'est pas une fatalité

Qui choisir parmi la pléthore de psychothérapeutes, psychiatres, psychologues, psychanalystes? Comment différencier tous ces «»? Quelle approche sera la plus adaptée pour vaincre cet indéfinissable mal qui ronge votre identité et corrompt vos pensées?
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Un jour, cette "chose" est apparue sans que vous y preniez garde. Peut-être avez-vous oublié comment "tout" a commencé, comment le champ de votre existence s'est terriblement réduit. Au départ, vous avez éventuellement souri devant son irrationalité. Vous êtes probablement parvenu à directement chasser de votre esprit cet hôte un peu étrange dont l'absurdité vous convainquait de ne pas vous inquiéter plus. Vos pensées ont repris un cours qui vous était plus familier. Vous avez travaillé, aimé, voyagé, vécu à nouveau.

Finalement, vous n'y pensiez même plus et puis... c'est revenu. Seulement, cette fois-ci, l'hôte ressemblait plus à un invité gênant plus difficile à déloger de l'espace mental où il avait trouvé une place confortable. Sa sournoiserie abolissait la tonalité rassurante de son incongruité. Vous avez tenté de le comprendre pour le déjouer, puisque c'est ainsi que l'on procède pour tous les maux qui affectent l'homme : vous avez cherché et cherché encore, mais rien à faire, vous n'êtes pas parvenu à vous souvenir. "Ça" s'en est tout de même allé, ou s'est atténué. Et à nouveau, vous avez vécu, travaillé, aimé. Jusqu'à son nouveau surgissement.

Une place unique ne lui suffisait plus. Cette chose s'étirait, plus dense, plus forte, plus insidieuse, plus coûteuse, en temps comme en énergie investis pour essayer de l'oublier. Vous savez maintenant que vous ne parviendrez plus à la nier. Surtout qu'elle a fini par avoir des conséquences. Sur votre manière de travailler, d'aimer, de vivre, sur votre identité. Vous ne dormez plus, pas sans l'aide d'un médicament. Vous ne mangez plus, l'hôte s'est emparé de la faim, du goût, du plaisir. Vous devez éviter certains lieux pour des raisons incompréhensibles.

Vous n'avez plus envie de rien, ce chagrin nimbé d'épuisement ne vous quitte plus. Vous êtes épuisé par tous les rituels qu'exigent cette chose, en y cédant vous pensiez l'atténuer, mais cette abdication n'a fait que la renforcer, multiplier ses demandes. Vous n'en pouvez plus, de ressentir ce que vous ressentez, de devenir tout ce que vous n'êtes pas, de survivre plus que de vivre, de ne plus exister qu'à moitié. Vous avez bien essayé diverses techniques, vous avez médité, fait du sport, vu vos amis, en vain. L'espoir s'amenuise tandis que votre douleur grandit. Les nuages qui se sont peu à peu amoncelés laissent à penser que le ciel ne retrouvera plus jamais de son bleu. Et personne ne remarque que vous souffrez. Il vous arrive de songer au pire, juste pour retrouver enfin la paix, dormir longtemps à défaut d'oublier. J'espère alors de tout cœur qu'une petite voix au fond de vous, ténue et fragile, pourtant plus forte que la stridence qui vous assourdit, vous suggère de vous tourner vers la seule personne en mesure d'écouter et de comprendre ce qu'a prioripersonne ne peut ni écouter ni comprendre : vers un professionnel.

Mais qui choisir parmi la pléthore de psychothérapeutes, psychiatres, psychologues, psychanalystes? Comment différencier tous ces "psys-quelque-chose"? Quelle approche sera la plus adaptée pour vaincre cet indéfinissable mal qui ronge votre identité et corrompt vos pensées? Est-il seulement possible d'aller mieux? De se remettre de cette affection intangible qui n'a besoin ni de cellules malades, ni de virus, de muscle froissé ou d'os cassés pour vous faire souffrir? Alors qu'enfin vous vous sentiez prêt à franchir le cap et à demander de l'aide, vous auriez envie de rebrousser chemin, de tout abandonner, de vous abandonner vous-même, aux symptômes les plus vertigineux. Et si vous tenez bon et trouvez le psychothérapeute susceptible de vous convenir, d'autres interrogations surgissent rapidement et vous font douter de toute la confiance que vous aviez placé en ce parfait inconnu pour qu'il puisse vous sauver : il prend trop de vacances, il est trop silencieux ou il parle sans arrêt, même malade, il vous oblige à venir à son cabinet. Autant d'ambigüités susceptibles de fragiliser un processus qui s'était pourtant bien engagé.

Difficile de parler de la pathologie mentale et de son traitement, qu'il s'agisse de soi ou d'un proche que l'on sent aller mal. Même aujourd'hui, alors que les discours "psys" résonnent dans à peu près tous les domaines de la vie sociale, culturelle et bien sûr intime. Affairée à des thèmes comme la sexualité et la moralité, la douleur psychique semble un tabou insurpassable pour un grand nombre de personnes en souffrance. S'adressant prioritairement aux patients et dans des termes simples, sans théorisations ésotériques, l'exercice est suffisamment rare pour être félicité, le livre Si votre psychothérapie n'avance pas, par le Dr Alain Gérard, pourrait pourtant contribuer à infléchir cette tendance et fournir à un lecteur encore inquiet de franchir la porte du cabinet d'un psychothérapeute, des points de repères, des réponses, des conseils. Unique en son genre. Providentiel.

La première partie de l'ouvrage présente les grands courants psychothérapeutiques. Certainement pas pour militer pour l'un ou l'autre, mais pour décrire avec suffisamment de précision chacun d'entre eux, leurs objectifs et leurs procédures de soin, avantages et inconvénients, afin que le lecteur puisse déterminer par lui-même l'approche qui lui convient le mieux, ou au moins celle qu'il jugera la plus adaptée à ses attentes et à ses possibilités psychologiques, matérielles, temporelles. Car est-ce une suppression rapide du symptôme que vous visez? Ou l'analyse progressive d'un mal-être ancien qui s'est installé dans la durée?

Fondées sur les propos réels de patients, plus de cinquante brèves de thérapie illustrent dans la seconde partie les difficultés survenant parfois durant la psychothérapie : "je ne peux payer le tarif qu'il exige", "il me donne à faire des exercices idiots", "il veut que je parle de mon père". À chaque fois, les auteurs proposent plusieurs solutions pertinentes, pragmatiques et accessibles. Ils ne font preuve d'aucun prosélytisme, ni pour telle orientation théorique ou telle autre, ni même pour le "psy" en général. S'adressant aux soignants, ils n'hésitent pas à leur suggérer de travailler également de leur côté, encourageant les approches intégratives, condamnant les guerres claniques sinon idéologiques de quelques-uns d'entre eux, fustigeant sans ménagement ni compromis les procédés douteux de certains autres, la toute-puissance de cliniciens trop peu soucieux de se remettre en question.

Trop de personnes sont aujourd'hui plongées dans des détresses psychiques qu'ils croient inéluctables, même si "Ce qui fait souffrir est moins leur existence que l'énergie mise à les nier et à les refouler du conscient". Trop de patients sont enfermés, égarés, dans des relations psychothérapeutiques qui sont devenues plus anxiogènes que le trouble qu'elles prétendaient supprimer ou soulager, quand de simples ajustements permettraient de faire retrouver à la thérapie sa dynamique. Alain Gérard rappelle que les études démontrent que le succès d'une psychothérapie repose à 30 % sur la qualité de l'alliance thérapeutique en place et à 40 % sur l'implication du patient.

Le souverain de votre vie psychique n'est pas un père maltraitant, une mère perverse ou une sœur manipulatrice, pas le traumatisme que vous avez vécu un jour, puis oublié, pas votre employeur ou un voisin persécuteur, ce n'est pas même cette chose tout compte fait, pas l'innommable, pas l'indicible. Le maître de votre destinée mentale, c'est vous. Il est possible de guérir, même les tourments les plus farouches, les plus déroutants. Ce livre, appelé à devenir une référence, offre la première marche vers un mieux-être. Un ciel un peu plus bleu. Un premier pas vers vous-même.

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Pour aller plus loin : Si votre psychothérapie n'avance pas Par le Dr Alain Gérard et le Dr Brigitte Rémy, Albin Michel, 2015

Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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