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Nous n'avons pas le luxe de l'étonnement qui appartient à ceux et celles qui ne pouvaient pas savoir. De nombreux rapports appuient en effet les dires des femmes autochtones.
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Ce billet de blogue de Samuel Blouin est écrit au nom de la Ligue des droits et libertés

Le 22 octobre dernier, l'émission Enquête diffusée sur Ici Radio-Canada mettait en lumière des allégations d'intimidation et d'abus sexuels commis à l'endroit de 12 femmes autochtones à Val-d'Or. Une révélation? Certainement pas pour les femmes autochtones qui vivent cette violence et appellent inlassablement à l'action depuis déjà plusieurs années. Nous les avons ignorées, ainsi que leurs demandes répétées pour une enquête nationale pour les femmes autochtones assassinées et disparues.

Nous n'avons pas le luxe de l'étonnement qui appartient à ceux et celles qui ne pouvaient pas savoir. En effet, de nombreux rapports appuient les dires des femmes autochtones, que l'on pense par exemple au rapport de Human Rights Watch de 2013, au rapport du rapporteur spécial de l'ONU James Anaya sur les droits des peuples autochtones en 2014 ou aux observations du Comité des droits de l'homme de l'ONU émises en 2015. Alors que les femmes autochtones étaient entendues au niveau international, elles faisaient face à l'indifférence des États québécois et canadien. Pendant ce temps, l'organisation Femmes autochtones du Québec (FAQ) a elle-même entrepris de dénombrer les cas et d'en identifier les causes, sans toutefois avoir les pouvoirs d'enquête et de sanctions que seul l'État peut accorder. L'Association des femmes autochtones du Canada, qui réclame elle aussi depuis longtemps une enquête nationale, a vu son financement coupé par le gouvernement fédéral. Loin de les écouter, notre gouvernement a plutôt cherché à les faire taire.

Si nous souhaitons vraiment prendre au sérieux ce que nous disent les femmes autochtones, les policiers ayant commis les abus et les violences dénoncés doivent être poursuivis pour leurs actes. Il y a aussi les autres membres du corps policier visé, qui, au regard de leurs attitudes des derniers jours, ne semblent pas avoir saisi la gravité et l'ampleur de la violence que subissent les femmes autochtones. La solidarité dont ils ont fait preuve envers les policiers impliqués a des relents de connivence lorsqu'elle cherche à faire passer au premier plan des préoccupations le soutien de l'État aux policiers. Le risque ici est grand d'invisibiliser à nouveau la violence que subissent les femmes autochtones et leurs revendications pour y mettre fin.

En 2014, la GRC recensait 1186 cas répertoriés de femmes autochtones disparues ou assassinées au cours des trente dernières années. FAQ n'a pas manqué de souligner que ce nombre équivaut proportionnellement à 35 000 femmes canadiennes ou à 8250 femmes québécoises. Cette violence systémique et l'inaction des pouvoirs publics ne peuvent être comprises en dehors de l'héritage colonial du Québec et du Canada. La Loi sur les Indiens qui visait l'assimilation des peuples autochtones a privé les femmes autochtones, jusque dans les années 1980, de leur statut d'autochtone et de leur droit de vivre dans la communauté si elles épousaient un non-indien, fragilisant d'autant leur condition sociale. Il ne s'agit que d'un exemple parmi d'autres des inégalités instituées par le système colonial. Ce système ne saurait donc se réduire à des épisodes particuliers comme celui de Val-d'Or. Les policiers qui ont commis de tels actes doivent absolument être jugés, mais nous devons aussi entreprendre une remise en question plus large des rapports coloniaux toujours actuels. Nous ne devons pas tolérer la banalisation de la violence envers les femmes autochtones.

À présent, entendons-les pour adopter une réponse qui, si elle ne pourra effacer le passé, pourrait poser les bases d'une vie plus sûre pour ces femmes et du respect de leurs droits.

La Ligue des droits et libertés invite la population à participer en grand nombre aujourd'hui à la vigile en appui aux femmes autochtones organisée par Idle No More Québec, Femmes autochtones du Québec, RESEAU autochtone de Montréal et Amnistie internationale Canada francophone, le 29 octobre 2015 à 18h, à la Place des Arts (Montréal).

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