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Dur, dur d'être musulman

En 2015, il est très facile de mettre les 1,661 milliard de fidèles musulmans dans un fichtrement de gros bateau. Mais de grâce, ne le faites pas, car le musulman modéré est souvent le premier à être jeté à l'eau et il ne sait pas toujours nager.
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Je ne suis pas Pierre Foglia, ni Patrick Lagacé. Sur mon certificat de naissance errent les mots suivants: Osama Hassin. Le malheur n'étant pas un loup solitaire, je suis né le 11 septembre 1989. Depuis le Nine Eleven (comme le prononcent nos voisins du sud), je suis une farce de mauvais augure pour les douaniers américains. Naturellement, je n'ai pas été baptisé mais circoncis plutôt, à un âge où je n'avais pas encore fait la connaissance du Prophète. Et pour des raisons strictement professionnelles, j'ai raccourci mon prénom à Sam. Cela dit, maintenant que vous savez pour mon défunt prépuce, je ne vais pas tourner longtemps autour du tajine.

En 2015, se valoir de la religion musulmane n'est pas chose très aisée. C'est dommage, car nous avions en notre possession un livre plein de belles proses et de charmantes allégories. Plus tôt, nous étions à inventer les mathématiques et l'astronomie. Le lendemain, tout a déchanté. D'ailleurs, il n'y a plus aucune firme-conseil en relations publiques qui souhaite nous parrainer. Le musulman moyen, dit modéré, peut bien rêver; le prochain super héros de Marvel ne s'appellera pas Mahmoud.

Au quotidien, je côtoie des collègues 100%-pure-laine-de-souche-d'origine-française-qui-ne-jurent-que-par-la-poutine-de-Ashton-qui-à-mon-avis-est-outrageusement-overrated. Chaque année, je dois leur expliquer ce qu'est le mois du Ramadan: «Non, on ne peut pas manger du lever du soleil jusqu'au coucher». Et eux de répondre: «Ah, vous pouvez boire de l'eau, au moins!» Et moi de répliquer laconiquement «Non, même pas», et de voir leur regard pétrifié, et enfin, de les achever de ces quelques mots: «Pas de nourriture, d'eau, de sexe toute la journée, un mois durant.» Mes comparses m'observent alors, hésitant à me plaindre ou à exiger une évaluation psychiatrique.

L'autre jour, une jeune femme que je ne connaissais ni d'Ève, ni de Mahomet (permettez), m'a demandé lors d'une pause cigarette-électronique, si j'étais «pour les Afghans». Qu'étais-je censé répondre? Être pour ou contre toute une nation, un pays de 30 millions d'âmes? Pourquoi? Quels étaient les objectifs derrière cette singulière question? Pourquoi ne m'a-t-elle pas demandé si j'étais en faveur des cours d'éducation sexuelle dans nos écoles ou de l'indépendance du Québec? Des thèmes sociologiques récurrents rattachés à des arguments en béton armé issu de mon éducation de jeune homme de Montréal-Nord ayant évolué dans une polyvalente où les pâtés jamaïcains étaient plus populaires que Pythagore.

Entretemps, j'avoue attendre candidement le prochain Messie. Cette fois, sa tâche sera légèrement plus ardue, car marcher sur l'eau, c'est du réchauffé et Criss Angel l'a fait lui aussi. Je le vois plutôt créer un réseau wi-fi dans les stations souterraines de la STM, échapper un iPhone de 10 mètres de haut sans cover et qu'il n'y ait aucune égratignure à la chute ou, s'il ne craint pas l'éventualité d'une crucifixion sur le Mont Royal, rebaptiser le pont Champlain en pont Abdelkader.

Plus sérieusement, à une époque où Jésus-Christ n'avait pas encore interdit le lancement de pierres sur les pécheurs, les hommes traînaient parfois des fleurs sous leurs aisselles, non pas pour camoufler l'odeur d'une dure journée de labeur, mais pour en faire don aux plus belles demoiselles. Pierre Larousse était loin d'avoir achevé son œuvre, alors on se permettait de définir la vie comme bon on le voulait. Une nuit, des tyrans apposèrent des mots aux sentiments et marièrent de force des lettres aux émotions. L'amour fut rapidement perdu (imaginez l'anneau dans Lord of the Rings qui coule au fond de la rivière), car on venait de l'assujettir à une stricte définition. L'homme a oublié d'aimer en essayant d'en comprendre le sens.

En 2015, il est très facile de mettre les 1,661 milliard de fidèles musulmans (soit 22,9 % de la population mondiale) dans un fichtrement gros bateau. Mais de grâce, ne le faites pas, car le musulman modéré est souvent le premier à être jeté à l'eau et il ne sait pas toujours nager.

Aimez-vous les uns les autres. Aimez votre prochain comme vous-même!

(La dernière citation ne relève pas de moi).

PS: #PasEnMonNom

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