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Derrière le rideau du théâtre de l'absurde

Broadway n'est peut-être qu'à quelques coins de rue, mais la plus ancienne tragédie de New York se déroule à l'ONU. Au théâtre de l'absurde, le mieux que nous pouvons espérer, c'est une pièce de durée limitée.
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En tant qu'Ambassadeur d'Israël auprès de l'Organisation des Nations Unies (ONU), j'ai droit aux premières loges dans le théâtre de l'absurde. Cet automne, l'ONU célébrera ses 70 ans. En l'honneur de la plus longue production théâtrale de New York, je vous propose un résumé du dernier drame et une incursion spéciale dans les coulisses.

Dans l'acte I, les despotes ont pris le contrôle de l'Assemblée générale. Les États mêmes qui sapent la paix internationale ont été élus au sein des organes des Nations Unies chargés de la sécurité mondiale.

Dans l'acte II, les violateurs des droits de l'homme les plus reconnus du monde ont réquisitionné le Conseil des droits de l'homme. Mon estomac s'est retourné quand j'ai dû écouter les dictateurs qui ont commis des meurtres de masse, qui emprisonnent des journalistes et persécutent des opposants politiques, pontifier cyniquement sur les vertus d'une presse libre et la sainteté d'élections libres et équitables.

Maintenant, rideau tombé, il semble que nous sommes arrivés aux rappels. Les terroristes du monde ont été invités à jouer un rôle principal sur scène.

Le 28 janvier dernier, des terroristes du Hezbollah ont tiré des missiles antichars sur un véhicule de l'Armée de Défense d'Israël dans le nord du pays, tuant deux soldats israéliens, Yohai Kalangel et Dor Chaim Nini, et en blessant sept autres. Les forces israéliennes ont répondu et dans la fusillade qui a suivi, Francisco Javier Toledo, un Casque bleu espagnol de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a été tragiquement tué.

Quelques heures après l'attaque, le Hezbollah a revendiqué la responsabilité de la mort des deux soldats de l'Armée de Défense d'Israël. Et pourtant, il a fallu une semaine au Conseil de sécurité pour publier une déclaration concernant l'événement, car le Hezbollah, le groupe terroriste qui a comploté, commis, et célébré le meurtre d'Israéliens, a été consulté sur le texte de la déclaration.

Vous avez bien lu. Cette histoire est plus cynique qu'une pièce de théâtre d'Oscar Wilde et a plus de tournants qu'un conte de Dickens, mais elle est loin d'être de la fiction. Après l'attaque du Hezbollah le 28 janvier, une rafale de diplomatie en coulisses a réuni un assortiment hétéroclite d'autocraties impitoyables se relayant pour ajuster le texte.

Le mois dernier, le meilleur ami de l'Iran - c'est à dire, son plus fanatique admirateur - le Venezuela a pris son siège au Conseil de sécurité. Et le décor fut complet. Grâce aux tractations frénétiques de Téhéran dans les antichambres, le Hezbollah - la même organisation terroriste qui a détourné le Liban pour l'Iran pendant presque trois décennies -est au cœur des affaires du Conseil de sécurité.

Toutes tentatives par la voix de la raison et le bon sens d'intercéder furent englouties comme des poupées russes. Des négociations passionnées ont continué dans les couloirs de l'ONU et les capitales outre-mer pendant que le Hezbollah refusait de prendre en compte toute déclaration qui mentionne son implication dans l'attaque du 28 janvier. Rappelez-vous, il se vantait en même temps d'être responsable de cette même attaque devant ses partisans.

Finalement, le Conseil de sécurité a remis au Hezbollah une victoire sur un plateau d'argent. Lorsque la déclaration a enfin été publiée, elle condamnait le meurtre d'un Casque bleu espagnol de la FINUL, sans aucune mention du Hezbollah ou des soldats de l'Armée de Défense d'Israël.

Et nous voici donc. Les détenus contrôlent l'asile. Cela ne me surprendrait pas si l'ONU invitait l'État islamique à siéger au Conseil des droits de l'homme ou demandait à la Corée du Nord de rédiger une motion sur la cybersécurité.

La prochaine fois que j'entreprendrai une visite à l'ONU, je vais devoir vérifier si le drapeau du Hezbollah flotte aux côtés des 193 nations du monde. Dans l'Assemblée générale, où les nations sont placées dans l'ordre alphabétique, je vais devoir regarder si le Hezbollah a reçu un siège bleu convoité entre les délégations d'Haïti et le Honduras.

Et avec une grande inquiétude, je vais balayer du regard les couloirs de l'ONU pour voir si, dans la tradition de tous les états membres, le Hezbollah n'aurait pas légué un cadeau à l'ONU. Il enverra peut-être un de ses missiles Fateh-110 à longue portée de fabrication iranienne - de préférence pas par livraison aérienne.

Broadway n'est peut-être qu'à quelques coins de rue, mais la plus ancienne tragédie de New York se déroule à l'ONU. Au théâtre de l'absurde, le mieux que nous pouvons espérer, c'est une pièce de durée limitée.

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