Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le terrorisme islamiste international: plus qu'une simple question de sémantique

Les jeux de sémantique auxquels s'adonnent certains politiciens sont peut-être un moyen pour eux de dissimuler les effets catastrophiques qui ont résulté de la politique menée par les É.-U. de déstabiliser tout le Moyen-Orient depuis plus d'une décennie.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

« Puisque la Bible également contient des versets appelant à la guerre et à la destruction de l'autre, quelle différence alors avec le Coran? Aucune, si ce n'est l'attitude des responsables religieux. S'ils considèrent, comme c'est le cas chez la majorité des chrétiens et des juifs, que ces versets sont liés à une époque historique révolue, ils ne peuvent donc pas s'en inspirer pour justifier la violence et le meurtre. Par contre, si ces versets sont considérés comme parole divine et porteurs de la seule vérité, tout est à craindre. » - François Garai, rabbin résidant à Genève, en Suisse, directeur du groupe GIL (Groupe juif libéral) et membre de la World Union of Progressive Judaism.

« Les mosquées [dans les pays occidentaux] seront nos casernes, les coupoles nos casques, les minarets seront nos baïonnettes, et les croyants nos soldats. » - Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie, citant le poète nationaliste Ziya Gökalp alors qu'il était maire de Istanbul (1197)

« Nous aurions pu simplement dire non [au financement par l'Arabie d'une mosquée en Norvège], en principe le ministère n'approuve pas de telles choses. Mais quand on nous a formulé une demande en ce sens, nous avons saisi l'occasion d'ajouter qu'une telle approbation serait des plus paradoxale alors que c'est un crime de construire une église chrétienne en Arabie saoudite. » - Jonas Gahr Støre ministre des Affaires étrangères de la Norvège (2010)

« Il faut toujours dire les choses clairement: oui, la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l'islamisme radical. » - Manuel Valls, premier ministre français (13janvier 2015)

«De plus, les changements énormes provoqués par la modernisation et la mondialisation ont conduit de nombreux musulmans à considérer l'Occident comme hostile aux traditions de l'islam. De violents extrémistes ont exploité ces tensions chez une minorité réduite, mais puissante de musulmans. Les attentats du 11 septembre 2001 et les violences continuelles de ces extrémistes contre des civils ont conduit certains, dans mon pays, à percevoir l'islam comme irrémédiablement hostile, non seulement à l'Amérique et aux pays de l'Occident, mais aussi aux droits de l'homme...

En vérité, l'Amérique et l'islam ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et ne sont pas voués à se faire concurrence. Au lieu de cela, ils se chevauchent et partagent des principes communs : justice et progrès ; tolérance et dignité de tous les êtres humains... En tant que président des États-Unis, je considère qu'il est de ma responsabilité de lutter contre les stéréotypes sur l'Islam, où qu'ils apparaissent... Alors, qu'il n'y ait aucun doute : l'islam est une partie de l'Amérique.» - Barack Obama, président des États-Unis, lors d'un discours prononcé à l'Université du Caire (juin 2009)

«Notre objectif est clair: nous allons dégrader et détruire ISIS grâce à une stratégie globale et soutenue contre le terrorisme.» - Barack Obama, président des États-Unis (septembre 2014)

[Les réseaux terroristes de l'ISIS] «ne sont pas une menace existentielle pour les États-Unis ou pour l'ordre mondial.» - Barack Obama président des États-Unis (février 2015)

***

En janvier dernier, on rapporta largement dans la presse que l'entourage du président Barack Obama attribuait son absence ou celle de son vice-président à la grande marche d'une cinquantaine de chefs d'État à Paris, la plus importante de l'histoire de la ville, en protestation contre les attaques de terroristes islamistes contre des journalistes et contre des Juifs français, à une « erreur » commise par un «employé anonyme de la Maison Blanche».

Personnellement, je n'ai jamais cru un moment pareille explication, même si presque tous les médias américains ont gobé l'histoire d'un seul trait ! N'importe qui au courant du fonctionnement d'un gouvernement sait qu'une telle explication est absolument impossible, parce que ce genre de décision est largement discutée, non seulement à la Maison-Blanche, mais aussi au Département d'État et ailleurs au sein du gouvernement. La décision finale de ne pas déléguer le président américain ou son vice-président à la manifestation grandiose contre la terreur islamiste à Paris a certainement été prise, en dernière analyse, par le président Obama lui-même. Le véritable motif: le président américain ne voulait pas être personnellement associé, ou même son gouvernement, à un ralliement spectaculaire contre le terrorisme islamiste international.

En 2008, j'ai rédigé un article consacré à la candidature de Barack Obama à la présidentielle américaine, faisant suite à la publication aux États-Unis de mon livre Le nouvel empire américain, quelques années auparavant. J'en arrivais à la conclusion que même si ce dernier était indubitablement « le moins pire des candidats » dans cette élection, il avait néanmoins la fâcheuse habitude de parler des deux côtés de la bouche. Les deux dernières citations ci-dessus pourraient servir d'exemple d'un tel penchant chez lui.

Cela m'amène à l'observation suivante : au cours des dernières semaines et des derniers mois, un certain nombre d'hommes politiques occidentaux ont eu aussi tendance à recourir à la langue de bois pour décrire le phénomène actuel du terrorisme international islamiste et son idéologie islamiste djihadiste. Il s'agit en somme d'une sorte de fuite devant la réalité, de déni, d'illusions savamment entretenues et d'abdications .

Le président américain Barack Obama, en particulier, fait tout en son possible pour ne pas utiliser dans ses discours les termes parfaitement appropriés de « terrorisme islamiste » ou de « Islam radical », préférant plutôt parler d'un vague « extrémisme violent », ce qui est un terme plus général, plus neutre et moins précis pour décrire les massacres répétitifs de personnes innocentes par des terroristes islamistes dans de nombreux pays. Il est même allé aussi loin que de prétendre que toute critique dans les pays démocratiques des travers de l'Islam, une prérogative fondamentale de la liberté d'expression dans une démocratie, pourrait être une cause de la montée de la violence djihadiste, passant sous silence l'effet dévastateur des bombardements à répétition de populations au Moyen-Orient par les puissances occidentales.

À cela, il faut ajouter la propension de M. Obama à faire sienne la logique tordue de la National Rifle Association (NRA) des États-Unis lorsqu'il prétend qu'en situation de grande disponibilité, « les armes ne tuent pas les gens; c'est seulement les personnes qui tuent les gens »! Et M. Obama d'en rajouter, avec peut-être encore moins de justification, qu'« aucune religion en soi n'est responsable du terrorisme. Ce sont des personnes qui sont responsables de la violence et du terrorisme », comme si la plupart des terroristes islamistes n'étaient point motivés par l'idéologie islamiste arriérée dont la source remonte à l'Âge noir du Moyen Âge. Et cela, même s'il est vrai qu'il ne soit guère facile de distinguer dans tous les cas la motivation politique de la motivation purement religieuse, chez les psychopathes exaltés qui commettent des crimes sanglants.

Un certain nombre de politiciens, en Europe et au Canada (heureusement, ils sont une minorité!) tentent aussi de minimiser le véritable caractère du terrorisme international islamiste en adoptant la stratégie de la confusion et en jouant sur les mots dans le but de farder et d'obscurcir la réalité. À les entendre, quand des terroristes islamistes bien financés et bien identifiés tuent des journalistes ou des juifs innocents, à Paris ou à Copenhague, ou lorsque les bouchers médiévaux de l'État islamique (ISIS) assassinent sans vergogne des gens en Irak et en Syrie, ou décapitent deux douzaines de travailleurs chrétiens égyptiens en Libye pour la seule raison qu'ils n'appartiennent pas à leur organisation religieuse, ou encore lorsque les mêmes fous d'Allah veulent imposer un califat en se lançant dans des exécutions de masse des minorités ethniques ou religieuses dans ces pays, cela ne serait le fait, selon ces politiciens, que de petits criminels à la pige commettant des crimes au hasard, n'ayant aucun lien avec l'idéologie djihadiste islamiste! On croit rêver devant tant d'ineptie !

En recourant à ce jeu de mots plus ou moins honnête pour qualifier les meurtres barbares commis par des terroristes islamistes internationaux, il semble que ce que ces politiciens recherchent avant tout, c'est de jeter de la confusion dans les esprits et de faire paraître sous un meilleur jour l'idéologie anti-liberté de la presse, l'idéologie anti-liberté de religion et l'idéologie anti-juive des tueurs. Leur but, semble-t-il, est d'établir une nette distinction entre le terrorisme islamiste international et son origine dans l'islamisme religieux, passant sous silence le fait que les tueurs identifient clairement eux-mêmes leurs méfaits en criant «Allahu Akbar» (« Allah est le plus grand ! »), alors qu'ils se livrent à l'exécution ou à la décapitation sauvage de personnes innocentes.

L'intention première chez ce type plutôt pleutre de politiciens est d'inculquer dans l'esprit des gens l'idée que ces actes cruels des terroristes islamistes relèvent de la délinquance ordinaire, et sont menés au hasard, par des individus nullement reliés par la même idéologie. Et donc, que ce n'est pas si important que cela. Un tel jeu de mots et une telle travestie de la vérité pourraient être aussi une façon de justifier l'inaction chez un politicien faible ou ignorant et dissimuler son irénisme et son défaitisme.

Cela témoigne d'une grande hypocrisie, que ce soit l'organisation terroriste al-Qaïda d'Oussama ben Laden et les attentats meurtriers du 9/11 aux États-Unis, ou les bouchers moyenâgeux de l'ISIS en Irak, en Syrie et en Libye, ou encore, qu'il s'agisse des terroristes islamistes en Tchétchénie ou au Yémen ou au Nigeria, et sans oublier les tueurs islamistes des journalistes parisiens du magazine Charlie Hebdo en janvier dernier, et de ceux tués à Copenhague et à Ottawa, on peut dire sans équivoque que, même s'il est vrai que « tous les musulmans ne sont pas des terroristes », loin de là, force aussi est de reconnaître néanmoins que de nos jours « la plupart des attentats spectaculaires des terroristes internationaux sont musulmans », n'en déplaise à certains esprits complaisants.

M. Obama et d'autres politiciens peuvent croire que la civilisation occidentale n'est pas confrontée à une «guerre sainte», mais ce n'est pas l'avis des djihadistes.

Par conséquent, demandons-nous si ce petit jeu sémantique pour restreinte les limites de la pensée est seulement une démonstration mal placée de rectitude politique, à la manière de la novlangue de George Orwell, ou est-ce plutôt une tentative peu louable de la part de certains politiciens de tromper volontairement les gens eu égard à la menace réelle du terrorisme islamiste, non seulement au Moyen-Orient, mais aussi de plus dans les pays occidentaux ?

La réalité quotidienne nous apporte un cortège d'horreurs et de cas de brutalité extrême concernant des milliers de victimes, dans de nombreux pays, qui sont abattues, crucifiées, décapitées, lapidées à mort, violées, forcées de se marier, brûlées vives, torturées, asservies, expatriées, etc., tout cela au nom de l'idéologie djihadiste islamiste. C'est une réalité trop sérieuse et trop terrible pour que la communauté internationale tente de l'ignorer ou de la maquiller sous un flot d'astuces sémantiques.

Devant un tel chaos, on s'attendrait à ce que l'ONU soit davantage pro active afin de faire respecter les principes de la Charte des Nations Unies et ceux de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH). Surtout, en cette conjecture importante de l'histoire humaine, l'actuel Secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon, porte une responsabilité toute spéciale.

Un manque de courage ou de clairvoyance de sa part pourrait avoir des conséquences catastrophiques, même apocalyptiques, pour l'ordre mondial, pour les libertés fondamentales et pour le sort de centaines de millions de personnes innocentes, hommes, femmes et enfants. À tout le moins, l'Assemblée générale de l'ONU devrait déclarer illégale l'organisation meurtrière ISIS, et la bannir de la communauté internationale, avec l'avertissement que tout pays membre qui voudrait la soutenir directement ou indirectement serait sévèrement blâmé.

En effet, cette sauvagerie immonde doit cesser. Le terrorisme islamiste est un cancer politique et on ne devrait pas lui permettre de se métastaser.

Ce n'est pas aujourd'hui le temps de discuter du sexe des anges, mais de prendre les devants et de combattre cette menace croissante à notre civilisation et cette violation des principes humanitaires les plus fondamentaux, au plan idéologique, au plan politique et au plan militaire. C'est une nécessité vitale. Là est le défi de notre temps que le monde ne peut pas ne pas relever. Comme quelqu'un m'a dit après une réunion : « Peut-être que le monde irait mieux sans toutes ces religions ! » Pensez-y bien !

Cependant, pour bien comprendre pourquoi et comment la monstruosité qu'est l'ISIS est née, il faut savoir que son origine vient des politiques mal conçues qu'une succession de gouvernements américains et un certain nombre de gouvernements européens ont poursuivies dans le but de déstabiliser sciemment les pays du Moyen-Orient. Cela s'est fait selon un projet néoconservateur conçu il y a déjà quelque temps pour soutenir systématiquement des insurrections et des guerres civiles dans cette partie du monde et renverser leurs gouvernements laïques. Pour éviter que d'autres catastrophes provoquées artificiellement ne se reproduisent, il faudrait qu'une telle stratégie destructrice soit dénoncée et stoppée, peut-être même inversée, en la remplaçant par des politiques plus cohérentes favorables aux populations de ces pays plutôt que de contribuer à les enfermer dans un enfer quotidien.

Les jeux de sémantique auxquels s'adonnent certains politiciens sont peut-être un moyen pour eux de dissimuler les effets catastrophiques qui ont résulté de la politique menée par les É.-U. de déstabiliser tout le Moyen-Orient depuis plus d'une décennie. La crise de l'ISIS est l'héritage de ces politiques désastreuses. Il règne aujourd'hui dans plusieurs régions du monde un grand désordre, et certains politiciens en poste et ceux qui les ont précédés doivent assumer une part importante de responsabilité pour cette situation et ils le savent bien!

Conclusion

Quoi qu'il en soit, si pour une raison quelconque, certains de ces politiciens à la manque, en particulier dans nos démocraties, sont incapables à cause de leur caractère et de leur manque de fortitude de changer de cap et de faire ce que doit, ils devraient avoir au moins la décence de se retirer et de laisser la place à des hommes ou à des femmes de la trempe de Winston Churchill au Royaume-Uni, de Charles de Gaulle en France et de Franklin D. Roosevelt aux États-Unis, et les laisser assumer les responsabilités dans chacun de nos pays.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Mai 2017

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.