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Comment je suis devenue mannequin senior

Stoppée net par une interpellation, je fais une pirouette. Un chaleureux sourire, deux yeux plissés en bleu, craintifs dans leur extase, sous une chapka d'une tête plus haute que mon front m'accueille. Il saisit le moment pour me lancer: "ça fait un an que je cherche votre tête!"
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Le mannequinat est une partie du monde qui vit selon des règles mixtes, et qui parfois s'invente. Je l'habite depuis 2012. Comment y suis-je entrée? Un jour, après avoir traversé le hall d'entrée d'un grand établissement, guidant la visite d'un amateur d'art, je m'apprête à passer les tourniquets pour fondre dans la pénombre d'une de ses grandes salles d'exposition. Stoppée net par une interpellation, je fais une pirouette. Un chaleureux sourire, deux yeux plissés en bleu, craintifs dans leur extase, sous une chapka d'une tête plus haute que mon front m'accueille. Il saisit le moment pour me lancer: "ça fait un an que je cherche votre tête!" Jubilation et justification. Il me propose de participer à une prestigieuse campagne publicitaire. Il m'avait aperçue à un tournant, avait couru pour m'attraper. Je prends sa carte et me dépêche de rejoindre mon invité contrarié. Deux bonnes semaines après, j'accepte le défi. Un SMS, mon nom et quelques coordonnées transmis. Une belle campagne s'ensuit, portraits sur toile de lin, la "consécration"!

La vie reprend son cours plus ou moins tranquille entre travail, famille, sommeil réparateur, sorties... Un matin, sous mon grand parapluie, je m'achemine vers le bureau. Une silhouette masculine s'empresse autour de moi. J'observe discrètement les alentours. Une fille sous un parapluie a l'air d'attendre sur le trottoir d'en face. Nos trois regards se croisent dans une géométrie asymétrique. Je m'arrête. On me demande de participer à un court-métrage. Ils sont à la recherche d'un personnage atypique, un peu d'un autre monde -fantasque?. J'ai vite compris: plutôt une ambiance.

Ce monde qui s'improvise et crée de l'imaginaire ne croit qu'accessoirement et aléatoirement au critère de mensurations. Nous apportons identité, fraîcheur et dynamisme.

Un défilé ?! Mes yeux interrogent mes interlocuteurs. "Vous êtes choisie, il faudrait juste rester vous-même". Cette exigence sonne comme un hommage. J'ai peur -je doute- mais je me lance. Avec sincérité, chaleur, amitié, respect des œuvres et des gens. Le défilé s'achève au bras de la créatrice.

J'apprends à me connaître. Devant la caméra, seule à moi-même, j'oublie ma timidité, j'oublie que c'est moi, je cherche encore à déchiffrer et à faire vivre le personnage, je deviens plus authentique. Je crois au génie du réalisateur et du monteur, les résultats le prouvent. Alors j'accepte d'aller plus loin en me disant qu'on devient ce que l'on est et que l'on ignore.

Quant à la compétition, il me semble qu'elle est bien étroite, parce qu'il s'agit de sur-mesure. Ce monde trouve son équilibre en faisant entrer en scène des êtres différents. Le temps où on fabriquait les stars n'est plus le nôtre.

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