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Migrants de Calais: il est l'heure de rappeler quelques faits

INTERNATIONAL - Vous me trouverez peut-être naïf, mais je persiste à croire que lorsqu'il y a débat, il vaut mieux avoir des faits à portée de main.
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Voici donc quelques faits que vous estimerez peut-être utile d'avoir à disposition la prochaine fois que vous penserez à cette "nuée" (le mot est de David Cameron, pas de moi) de migrants qui traversent la Méditerranée à partir de l'Afrique du nord. Et pourquoi pas les garder sous la main (les faits, pas les migrants) sur votre smartphone, ou les imprimer pour les glisser dans votre poche.

1. Pourquoi veulent-ils tous aller au Royaume-Uni ?

Ce n'est en fait pas le cas. Beaucoup plus de migrants se dirigent vers l'Allemagne et la Suède, qui ont dû faire face à quasiment la moitié des demandes d'asile de toute l'UE l'année dernière. Ceux qui sont à Calais ne sont qu'une infime fraction du nombre global, sans doute pas plus de 3 000 personnes sur un total de 175 000 à être entrées dans l'UE depuis le 1er janvier de cette année.

2. Alors pourquoi les chiffres sont-ils plus élevés que jamais ?

Ce n'est pas non plus le cas - d'après les chiffres diffusés par l'UE, il y a eu 672 000 demandes d'asile en 1992 (alors qu'il n'y avait que 15 Etats membres de l'Union), à comparer avec les 626 000 de l'année dernière (alors que l'UE s'était entretemps élargie à 28 membres, atteignant une population totale de 500 millions de personnes). Il est néanmoins vrai que les chiffres avaient fortement diminué dans l'intervalle. (Cliquez ici pour les données détaillées.)

3. Combien demandent réellement l'asile au Royaum-Uni ?

D'après les dernières statistiques du gouvernement : "il y a eu 25 020 demandes d'asile sur les douze mois précédant avril 2015, une augmentation de 5% par rapport à l'année précédente (23 803). Le nombre de demandes reste relativement bas par rapport au pic de 2002 (84 132)."

4. Pourquoi les migrants ne sont-ils pas simplement renvoyés vers leur lieu d'origine s'ils ne sont pas d'authentiques demandeurs d'asile ?

Parce que nous n'avons aucun moyen de déterminer d'où ils viennent. Nombre d'entre eux n'ont pas de papiers, soit parce qu'ils les ont détruits, soit parce qu'ils ont été remis à des trafiquants qui ont disparu.

5. Mais ils ne peuvent pas tous venir de Syrie, quand même ?

Non, seulement un cinquième d'entre eux en viennent. Les autres principaux pays d'origine connus sont l'Afghanistan, le Kosovo et l'Erythrée. La plus grosse augmentation de demandes d'asile l'année dernière concernait les Ukrainiens.

6. Pourquoi les pays voisins de la Syrie ne prennent-ils pas les réfugiés en charge?

Ils le font. D'après l'ONU, il y a plus de 2 millions de réfugiés recensés au Liban, en Jordanie, en Egypte et en Irak, et 1,7 million supplémentaire en Turquie.

7. Si certains des migrants qui sont entrés dans l'UE sont de véritables réfugiés, pourquoi ne demandent-ils pas l'asile au premier pays où ils sont arrivés ?

Ils sont justement très nombreux à le faire : le nombre de demandes a plus que doublé l'année dernière en Italie (la principale porte d'entrée pour les migrants qui ont traversé la Méditerranée) et en Hongrie (porte d'entrée essentiellement pour les migrants originaires d'Asie, qui sont entrés dans l'UE en passant par la Turquie).

8. Mais alors qui sont ceux qui sont à Calais ?

C'est un vaste mélange de nationalités, dont la plupart ont une raison spécifique de vouloir atteindre le Royaume Uni : ils peuvent avoir des proches ou des amis déjà sur place, ou ils ont pu entendre dire qu'il y avait déjà un grand nombre de personnes originaires du même pays qu'eux déjà installées ici.

9. La vraie raison n'est-elle pas plutôt qu'ils savent qu'ils obtiendront des prestations sociales dès qu'ils auront traversé la Manche ?

Non. D'après Full Fact, organisation indépendante de vérification des informations, la plupart des citoyens de pays non membres de l'UE qui viennent vivre au Royaume Uni ne peuvent pas avoir recours aux financements publics pendant les premières années qui suivent leur arrivée, et les demandeurs d'asile ne sont pas non plus éligibles aux aides sociales dans l'attente de l'examen de leur demande.

Alors pourquoi les médias font-ils tout un foin sur les migrants de Calais ?

Bonne question. En partie parce qu'il est facile de les trouver et d'aller les voir - et ces longues files de poids-lourds bloqués font de belles images pour la télé. De même que les images de ces personnes désespérées qui risquent leur vie en essayant de sauter dans des camions ou des trains se dirigeant vers le tunnel sous la Manche. Et aussi, bien sûr, parce que ces histoires entretiennent le débat actuel sur l'appartenance du Royaume Uni à l'UE et sur la politique globale d'immigration. (Et en plus le parlement est en vacances, et la course pour le leadership du Parti travailliste est ennuyeuse à mourir.)

Ai-je la réponse à la crise globale des migrants ? Non, mais voici quelques suggestions qui pourraient donner des pistes : instaurer des centres convenables de prise en charge gérés par l'UE aux principaux points d'entrée : Italie du sud, Grèce, Hongrie. Les vrais réfugiés devraient se voir accorder l'asile sur la base d'un quota défini calculé à partir de la population et du PIB. Un choix devrait être proposé à ceux qui sont considérés comme non éligibles à l'asile : attendre dans un camp jusqu'à ce que leur numéro soit appelé, et ensuite aller là où on leur dit d'aller - ou rentrer chez eux.

Le drame est que le désespoir de tant de gens soit si profond qu'ils sont prêts à mourir en tentant de trouver un lieu de vie sûr. Et nous réagissons avec tellement d'œillères que tout ce que nous arrivons à imaginer est de construire des barrières plus hautes.

Ce blogue, publié à l'origine sur le Huffington Post UK, a été traduit de l'anglais par Mathieu Bouquet.

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