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Ne laissons pas la peur nous gouverner

La peur agit selon un ordre symbolique que nous méconnaissons parfois: la trahison, l'abandon, le rejet, l'imposture, l'humiliation en sont quelques représentants majeurs.
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Un marché de la peur

Chaque jour voit son flot d'informations alimenter nos troubles, nos inquiétudes et nos angoisses. Faut-il encore manger de la viande? La menace terroriste peut-elle être combattue? Nos données personnelles surveillées est-ce le gage de notre sécurité? Islam, religion et société laïque, quelle compatibilité? Quelle société pour nos enfants avec une dette si lourde et une écologie en péril?

L'information et la publicité sollicitent nos peurs les plus sourdes (l'«autre» est un péril), parfois archaïques (l'anéantissement et la mort) ou superficielles (le vol ou les petites agressions quotidiennes) et nourrissent notre besoin de sécurité et de réassurance.

Des alertes chirurgicales nous incitent à voter aux extrêmes (l'étranger est une menace), à sécuriser notre foyer (alarmes, systèmes de surveillance, abonnement à des sociétés de protection), à s'assurer contre les intempéries, le décès, etc.

Y aurait-il un commerce de la peur? Une étude promet que le marché mondial de la sécurité pèsera 200 milliards de dollars en 2020, (140 millions en 2013)... Il y a du potentiel!

Les effets viraux de la peur

Pour alimenter et mettre à jour nos peurs, quotidiennement, les acteurs du marché de la menace, ces prospecteurs de la peur et leurs prescripteurs involontaires, ont à leur disposition un arsenal sémantique diversifié. Ces mots: protéger, rassurer, sécuriser, affronter, maltraiter, terroriser, censurer, libérer, sauver, vieillir, éliminer, subir, résister, défendre, harceler, alerter,... sont les étincelles qui allument nos feux intérieurs de l'effroi.

Nos émotions nourrissent notre ressenti et les medias constituent une formidable chambre d'écho. Lire, voir ou entendre parler des risques potentiels et des «menaces terribles» qui pèsent sur nous peut agir à notre insu dans la construction de notre perception, que nous confondons souvent avec la réalité. La peur se nourrit d'agents viraux qui contaminent notre confiance, altèrent notre lucidité et renforcent notre interprétation négative. Qui ne s'est jamais laissé tenter de penser: «Ah oui c'est vrai, aujourd'hui tout est plus compliqué!», «Le monde est devenu fou!»...

Tous ceux qui ont grandi avec des parents angoissés savent combien les peurs de l'adulte réduisent la liberté d'action des enfants sous le prétexte de les protéger: «Fais attention», »Ne fais pas comme ça!», "Arrêtes, c'est dangereux !", "Regardes devant toi", "Ne rentres pas la nuit tombée", "Conduis prudemment", «Ne fume pas!»... Tous ces interdits et la plupart de ces recommandations sont les premiers agents viraux qui vont inoculer le germe de la peur, de la simple et raisonnable inquiétude à la plus inhibitrice des angoisses.

La peur, une face de l'intime

Et pourtant, chacun d'entre nous n'entretient pas les mêmes relations avec la peur.

La peur agit selon un ordre symbolique que nous méconnaissons parfois: la trahison, l'abandon, le rejet, l'imposture, l'humiliation en sont quelques représentants majeurs.

Notre histoire personnelle et intime contient les stigmates de ces blessures émotionnelles originelles. Elles agiront toute notre vie comme un capteur hyper sensible.

Un ami semble nous mentir? Alerte à la trahison. Notre petit ami(e) ne nous donne plus de nouvelles? Alerte à l'abandon. Notre collègue déjeune avec d'autres collègues sans moi? Alerte au rejet. Mon boss va se rendre compte que je ne suis pas celui ou celle qu'il croit que je suis? Alerte à l'imposture. Je risque de rater mon examen? Alerte à l'humiliation...

Ces peurs-là sont les socles fondateurs de nos peurs ultérieures. Le pire, c'est qu'en craignant qu'elles se réalisent, nous mettons en œuvre sans le mesurer des schémas de répétition qui nous donnent raison d'avoir peur...

Pour s'en rendre compte il suffit de noter la fréquence des commentaires du type: «C'était inévitable», «Et pourtant je le savais», «Comment ai-je pu en arriver-là?», «Pourquoi lui ai-je fais confiance?»,...

La fatalité est la capitulation face à nos peurs, l'optimisme en est l'antidote.

Robert Zuili est psychologue clinicien, coach en intelligence émotionnelle, auteur de Comment maitriser ses peurs, collection mon carnet bien-être, Mango, paru le 17 avril 2015.

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