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SAQ: pourquoi un recours au tribunaux?

Les tribunaux examinent un recours collectif contre la Société des alcools du Québec, à qui les requérants reprochent de gonfler les prix et d'avoir une marge bénéficiaire excessive qui pénalise les consommateurs. On peut donc qualifier d'unique la situation où des citoyens se sentent obliger de s'adresser aux tribunaux, plutôt qu'au gouvernement, pour dénoncer le comportement d'une société d'État.
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La SAQ s'est présentée en Cour supérieure mardi 28 mai pour se défendre contre une demande en recours collectif contre elle pour profits abusifs.

Il y a quelques semaines, le conseil des ministres annonçait la nomination de l'ex-ministre Sylvain Simard comme président du conseil d'administration de la Société des Alcools (SAQ). Nomination partisane ? Ou selon le commentaire du ministre des Finances, Nicolas Marceau, qui dit que cette nomination n'a « rien à voir avec sa couleur politique » (La Presse, 11 avril 2013). Peu importe le candidat choisi, le défi de gouvernance au sein du conseil d'administration de la SAQ demeure important.

Un conseil d'administration a le devoir, entre autres, de protéger les intérêts des actionnaires. Or, en termes d'actionnariat, la SAQ n'appartient pas aux citoyens québécois, mais selon la loi sur la SAQ au ministre de Finances, qui détient 100% des actions de cette société d'État. Lorsque l'actionnaire unique de la SAQ fixe un objectif de dividende dans son discours sur le budget, est-ce que le conseil d'administration a d'autres choix que d'exécuter cette commande politique ? Est-ce que les obligations des administrateurs vont au-delà de ça ?

Dans un article publié en 2008 dans la revue Éthique publique, les chercheurs de l'ÉNAP Luc Bernier et Luc Farinas énoncent: « Les entreprises publiques, en tant qu'instruments de politiques publiques, doivent avoir un comportement guidé par l'intérêt général et non seulement par des profits souhaités par le gouvernement. » Ceci est encore plus vrai dans le cas d'un monopole. L'octroi d'un monopole, dans n'importe quel secteur d'activité, doit nécessairement être accompagné d'une transparence exemplaire et des mécanismes de contrôle qui assurent que cette position de monopole n'engendre des abus.

La Loi sur la Société des alcools du Québec ne prévoit pas d'organisme externe de contrôle, comme la Régie de l'Énergie dans le cas d'Hydro-Québec. Au plus, la SAQ est appelée à témoigner en Commission parlementaire de façon sporadique et parfois de façon très superficielle. Dans ce contexte, le conseil d'administration peut avoir un rôle important à jouer dans le maintien de la confiance du public dans la gouvernance de cette société d'État.

Certainement le conseil d'administration a aussi le devoir de s'assurer que les ressources humaines, financières et matérielles de la SAQ sont utilisées efficacement. Le commentaire de l'économiste Pierre Fortin, en parlant d'Hydro-Québec, s'applique tout aussi bien à la SAQ: « ...laissé à lui-même, le monopole est intrinsèquement pervers. À moins qu'il ne soit étroitement règlementé et surveillé, tout monopole engendre une structure de coûts excessive et, par conséquent, des prix trop élevés et une qualité déficiente des produits pour les clients. »

La Loi sur la gouvernance des sociétés d'État (LRQ c G-1.02) adoptée en 2006, avait pour objectifs «de renforcer la gestion des sociétés d'État dans une optique visant à la fois l'efficacité, la transparence et l'imputabilité des composantes de leur direction». Certainement, cette Loi a eu un impact majeur sur la composition et le fonctionnement des conseils d'administration de ces Sociétés. Mais est-ce que les dispositions de cette Loi sont suffisantes dans le cas d'une Société d'État en situation de monopole? Le conseil d'administration de la SAQ a adopté en 2011 une «Politique d'achat et de mise en marché» afin d'encadrer certaines pratiques commerciales de la SAQ. Cette politique décrit en détail la sélection de produits et les relations avec les fournisseurs, etc. Par contre, la politique est muette sur plusieurs autres pratiques commerciales importantes, comme les mécanismes de fixation des prix au détail et les mécanismes d'ajustement des prix (ou non) en fonction de ces changements de taux de change. Comme il s'agit d'une forme de taxation, le citoyen-payeur de taxes aurait droit de connaitre cette information. En situation de monopole, on peut difficilement invoquer des raisons commerciales pour garder cette information secrète.

Ce manque de transparence a engendré une poursuite en 2008 contre la SAQ qui empochait la différence positive lors de la baisse de la valeur de l'euro plutôt que d'ajuster le prix de ses produits européens. Maintenant, en 2013, les tribunaux vont examiner une demande de recours collectif contre la Société des alcools du Québec, à qui les requérants reprochent de gonfler les prix et d'avoir une marge bénéficiaire excessive qui pénalise les consommateurs. On peut donc qualifier d'unique la situation où des citoyens se sentent obliger de s'adresser aux tribunaux, plutôt qu'au gouvernement, pour dénoncer le comportement d'une société d'État.

En conclusion, le conseil d'administration fait face à de multiples défis de gouvernance. Des appels à la démonopolisation, à la privatisation et des poursuites devant les tribunaux vont continuer tant que la transparence et le contrôle ne soient pas au rendez-vous. Le conseil d'administration de la SAQ a certainement un rôle à jouer pour transformer les pratiques de gouvernance actuelles.

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